Appel au meurtre contre le président Kaïs Saïed. Appels aux puissances étrangères de « fermer la parenthèse Kaïs Saïed » (Dixit Moncef Marzouki). Appels à sauver la démocratie et la liberté. Tous viennent du même camp, celui qui a gouverné tout au long de la décennie 2011-2021, en l’occurrence celui d’Ennahdha et de ses alliés et autres pare-chocs qui, jusqu’ici, n’ont réussi qu’à mener le pays à la dérive. Ce camp entend donc sauver les Droits de l’Homme et le régime démocratique en faisant assassiner le président de la République ou en demandant aux étrangers d’intervenir pour l’écarter du pouvoir et leur remettre les commandes du pays. Ces commandes qu’ils ont eu à loisir de manier au cours de la dernière décennie pour aboutir à un résultat des plus catastrophiques dans l’histoire de la Tunisie et à l’«intifadha » des Tunisiens contre le système corrompu qu’ils ont mis en place.
Il s’agit là de faire la distinction entre les incitations à la haine et à la division des citoyens sur fond de divergences politiques et idéologiques et les libertés d’expression, d’opinion et de manifestation qui, à ce jour, sont le moins qu’on puisse dire préservées.
Appeler ouvertement sur les réseaux sociaux, à visage découvert, à assassiner le président ne peut en aucun cas être placé dans la rubrique de la liberté d’expression tout comme le fait de déclarer à des médias étrangers « être fier d’avoir contribué à faire annuler le Sommet de la Francophonie en Tunisie » (Dixit Marzouki, encore). Si cela n’est pas de la traîtrise !
En effet, l’annonce des mesures exceptionnelles le 25 juillet 2021 a « lésé » un bon petit peuple qui s’engraissait sous les jupons d’Ennahdha : fini les pratiques juteuses sous l’hémicycle et fini l’aura de l’ARP. Pire encore : Kaïs Saïed est obtus, il a juré de poursuivre les corrompus et tous ceux qui ont volé les deniers publics, l’argent du peuple. Même le tsunami médiatique qui a envahi les journaux les plus prestigieux du monde devant emporter Kaïs Saïed et son Etat d’exception n’a eu raison de sa détermination et de son entêtement.
Et voilà son nouveau ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, qui lui emboîte le pas et déclare à qui veut bien l’entendre que « l’on arrachera le terrorisme de ses racines ». Kaïs Saïed entend donc mener simultanément deux guerres (contre la corruption et le terrorisme) qui, si elles sont menées jusqu’au bout avec succès, propulsera la Tunisie dans les plus hautes sphères de la prospérité. Ce n’est pas une illusion, mais un rêve, celui des Tunisiens qui ont enduré et subi pendant de nombreuses années les conséquences de ces deux phénomènes néfastes dans leur chair et dans leur sang et qui ont l’espoir aujourd’hui de pouvoir vaincre ces deux gangrènes qui rongent la société, ou du moins les amoindrir. Ces Tunisiens ne font pas partie d’Ennahdha ni de ses alliés qui s’accrochent à la démocratie factice qui a hypothéqué la Tunisie jusqu’au 24 juillet 2021.
Depuis près de trois mois, la peur a changé de camp. Ennahdha n’y a pas survécu. L’implosion provoquée par la démission de pas moins de 131 de ses dirigeants a craquelé son édifice. Ennahdha n’est plus mais les Tunisiens qui croient en Kaïs Saïed n’attendent plus que la reddition des comptes et les verdicts judiciaires. C’est cette peur qui explique qu’il y a autant de résistances, de violences dans les propos opposants et de bâtons dans les roues du nouveau gouvernement avant même qu’il ne commence à travailler.
Beaucoup d’énergie dépensée dans un débat stérile relatif à la légitimité ou non du gouvernement Bouden, alors que le pays a besoin d’un gouvernement qui prend sérieusement en charge les affaires du pays et s’empresse de trouver, d’abord, une issue à l’impasse financière. Certes, les pressions étrangères sont déstabilisantes et laissent croire que ce gouvernement n’est pas en mesure de réaliser quoi que ce soit. Ce n’est pas si sûr. La baisse de la notation de Moody’s n’a rien d’une surprise, elle était prévue. Ce pourquoi des négociations bilatérales avec des pays amis avaient déjà été lancées en vue d’obtenir des financements étrangers dans le cadre d’une coopération bilatérale, pour combler le déficit budgétaire.
La situation est critique. Mais l’espoir est permis à la condition que les Tunisiens commencent à se prendre en charge, à compter sur eux-mêmes et pas que sur l’Etat. Les accords avec le FMI auront bien lieu, tôt ou tard mais cette fois, les réformes devront être engagées immédiatement. Des réformes douloureuses en relation notamment avec la compensation, les salaires, les recrutements, le dinar. Il s’agira de décisions inévitables pour sortir du cercle vicieux de l’endettement et de l’absence d’investissements publics, privés et étrangers.
Ceux qui ont ruiné la Tunisie devront répondre de leurs crimes et rembourser l’argent spolié. Les autres, ceux qui attendent depuis de nombreuses années pour améliorer leur niveau de vie ou tout simplement pour pouvoir vivre normalement, enfin (!) devront patienter encore et soutenir toutes les décisions qui vont dans l’intérêt national. L’Ugtt assumera une grande partie de ce challenge. Peut-être faudra-t-il observer une trêve sociale pour une durée déterminée. Pourquoi pas ? L’expérience ne sera que bénéfique, surtout si parallèlement la lutte contre la corruption libèrera les énergies et réhabilitera les vraies compétences dans l’Administration tunisienne.
La souveraineté de la Tunisie, ce n’est pas que des discours passionnés, c’est la capacité de subvenir aux besoins de tous genres de la nation et durablement. L’autosuffisance alimentaire, une économie forte et compétitive ainsi qu’une valeur du travail réhabilitée, sont les défis à relever aujourd’hui avant demain pour espérer sortir du « trou » et aspirer à une indépendance économique, même relative. C’est possible pour la Tunisie, elle a la jeunesse, la matière grise, comme disait Bourguiba, et la volonté de ses hommes et de ses femmes de s’en sortir. La nouvelle première ministre Najla Bouden a annoncé d’emblée s’être fixé comme objectif, avec son gouvernement, le rétablissement de la confiance des Tunisiens en l’Etat et en les institutions. Soit. Le président Kaïs Saïed et sa Cheffe du gouvernement doivent donner l’exemple en reprenant confiance en les Tunisiens et ouvrir avec eux un dialogue national pour trouver ensemble le chemin de la vraie démocratie, celle qui fera gagner des points de croissance à la Tunisie et améliorera les conditions de vie des Tunisiens.
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