CONECT-Industrie cinématographique : joindre l’économique à l’artistique

C’est autour de la création d’un nouveau modèle économique à même de développer l’industrie cinématographique en Tunisie, que le débat a été mené aujourd’hui, jeudi 13 juin, à l’espace Startup Village à El Menzah où multiples intervenants ont animé le débat. L’évènement qui se poursuivra les jeudis 20 et 27 juin courant, a été organisé par le Groupement Professionnel de l’Industrie Cinématographique de la CONECT.

Vers dix heures du matin, une petite salle encore en cours de rénovation, a rassemblé plusieurs passionnés du 7ème art, en quête d’un chemin qui ouvrirait la voie à leur art pour qu’il puisse, enfin, jaillir de l’ombre et briller sous les feux de la rampe. Des figures emblématiques du monde cinématographique, de grosses pointures en matière des finances ont pris part à la discussion. C’est M. Mehdi Bhouri, trésorier adjoint de la CONECT qui a rempli le rôle du modérateur en annonçant aux invités que les professionnels du secteur cinématographique, les chefs d’entreprises ainsi qui les experts en finances ont été conviés à cet atelier pour réfléchir à la mise en place d’un climat propice à la transformation du modèle économique du secteur de l’industrie cinématographique.

Délicat...

C’est autour des mécanismes pouvant favoriser l’accès au financement des PME de ce secteur de l’industrie cinématographique qu’a tourné le premier panel. Les premières paroles introductives ont été prononcées par M. Mohamed Ali Ben Hamra, président du Groupement professionnel de l’industrie cinématographique de la CONECT. Ben Hamra a mis le sujet dans son contexte global en mettant l’accent sur les problématiques que rencontrent les professionnels du monde cinématographiques essentiellement au niveau financier. « La subvention reçue par le ministère de tu telle est censée être le premier catalyseur du secteur dans la mesure où il s’agit d’un garant de la survie du travail cinématographique. Or, aujourd’hui, on parle de la modique somme de 16 millions de dinars à répartir entre films, documentaires et séries. Et ceci paralyse le secteur qui manque cruellement de production et de dynamisme. Nous manquons cruellement de subventions, c’est un fait ! On ne peut pas parler d’abondance des sources financières d’autant plus qu’il s’agit d’un secteur qui ne nous offre pas la possibilité d’accéder à des financements bancaires », a-t-il lancé.

La subvention est essentielle

C’est M. Hichem Ben Ammar, réalisateur et premier directeur artistique de la cinémathèque tunisienne, qui s’est ensuite mis au centre du podium. Et ce, pour expliquer que même si la subvention de l’État est très réduite, elle demeure absolument nécessaire dans la mesure où elle représente une sorte de garantie aux éventuels producteurs des œuvres artistiques. « Je dois dire que certains films se font avec le seul apport du producteur. Or, si un producteur assume seul les frais, il se lance dans une sorte de défi-suicide parce que le marché est sans garantie et la réussite d’une production cinématographique ne répond pas à un schéma scientifique clair et préétabli ! Dès lors si le film ne rapporte pas, le producteur assume seul les pertes et c’est ce qui créé fait qu’on refuse de produire des films à nos risques et péril », explique M. Ben Ammar. D’où l’importance de la subvention de l’État, indique-t-il. « Lorsqu’on a décroché la subvention, ceci prouve aux éventuels producteurs que le film est viable tant le scénario a déjà été accepté par le ministère et a bénéficié d’une subvention même si elle est infime. D’ailleurs, ceci offre également l’opportunité aux réalisateurs tunisiens de solliciter le marché mondial et de chercher un producteur étranger. Certes, le film devient hélas à 51% étranger et à 49% tunisien et nécessite un formatage mais ceci offre au moins une voie de réalisation ! D’ailleurs, dois-je dire qu’un film tunisien produit par la France par exemple devient bien plus coûteux parce que les techniciens français sont payés en euros sans pour autant être plus compétents que les nôtres, bien au contraire ! Mais si la production est française, ceci impose d’autres lois… Celles qui nous contraint à la dépendance. Ceci ne veut pas dire que nous sommes contre la co-production, mais on aurait aimé renforcer la production locale avec différentes subventions. Or, si ce secteur a connu son âge d’or par le passé, il a commencé à perdre ses titres de noblesse depuis les années 80 où l’on a assisté à un déficit chronique de l’industrie cinématographique avec l’avènement de la libéralisation et de la privatisation qui étaient la poule aux œufs d’or des affairistes à l’époque » !

Repenser le business-plan

L’élaboration de mécanismes alternatifs de financement, les propositions de garanties bancaires, la dynamisation de la production cinématographique et audiovisuelle ont été au cœur de l’intervention de M. Mohamed Salah Souilem ancien DG de la politique monétaire de la BCT.

L’expert financier a expliqué qu’un banquier qui maîtrise les calculs et les chiffres ne s’aventurera pas à financer un projet cinématographique qui ne répond pas aux exigences de financement banquier. « Il faut changer de vision. Le banquier a un calcul de rentabilité à faire et un business plan à examiner. Or, ceci ne fait pas partie de la vision même des artistes ! Dès lors, à mon sens, il faut que plusieurs intervenants mettent la main à la pâte pour que ce secteur prospère. L’État ne peut pas tout assumer ! Il a déjà offert la gratuité de la formation et c’est aux jeunes diplômés du secteur d’œuvrer pour pousser à la création d’une sorte d’organe qui participe au financement ou se propose comme un garant auprès des banques. D’ailleurs, je propose à ce titre que les jeunes réalisateurs créent ensemble une entreprise cinématographique civiles de collectivité. Ainsi ils pourraient bénéficier des avantages offerts par l’État à ces entreprises communautaires. D’ailleurs une entreprise pareille peut négocier un financement de la banque. Le cas échéant le financement s’avère difficile compte tenu de l’aspect imprévisible du rendement cinématographique ».
Dans ce même ordre d’idées Mme Hosn El Oujoud Ben Mustapha, première vice-présidente de la CONECT a confirmé que le producteur est appelé aujourd’hui à changer de réflexion et d’agir en chef d’entreprise. « Certes il s’agit d’un secteur spécifique, mais les banques ne font pas d’exception et ne financent que les entreprises ayant un business plan avec une prévision de rentabilité. Il faut qu’on réfléchit à la création d’entreprises cinématographiques avec un statut plus réaliste. Nous ne manquons pas de compétences et devons composer avec ce que la réalité impose. En créant des entreprises cinématographiques on peut cibler des investisseurs étrangers qui seraient tentés par financer de tels projets bien plus que de cibler un producteur pour la création d’une seule œuvre ! D’ailleurs des députés sont parmi nous pour cet atelier en marge du projet de loi en la matière en cours d’élaboration».

Des garants

C’était via une exposition de SOTUGAR, société tunisienne de garantie que l’atelier a été clôturé. De fait, M. Ahmed Trichi directeur technique central de SOTUGAR a expliqué que son entreprise assure justement le rôle d’intermédiaire incitateur aux investissements au profit des PME. « Si une partie du coût est assuré par une subvention de la part du fonds de l’Etat, qu’une deuxième partie est assuré par un fonds culturel, une troisième en tan t que fonds propre par le concerné et une partie par un fonds garant comme le nôtre, il ne reste qu’un cinquième à fournir par la banque ce qui est totalement faisable. Ces contributions feront en sorte de boucler le schéma du financement requis. Le fonds propre et le fonds garantie assuré par mon entreprise sont des garants pour la banque ».

Voilà, des idées ont fusé de partout pour la mise en place d’une industrie cinématographique à même de prospérer. Certes, on n’est qu’au premier atelier et le brassage n’est qu’à son premier jet, mais tout laisse espérer qu’une voie de sortie est possible, c’est en tout en cas ce qu’on souhaite pour les talents tunisiens…

Abir CHEMLI

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