Dérangeant, édifiant, émouvant, les adjectifs peuvent se bousculer comme passer à coté d’un pareil film comme aussi en ressortir sans avoir envie d’en débattre, d’y penser. Mais sans aucun doute un film qui a fait couler beaucoup d’encre avant même sa sortie et qui a fait aussi couler beaucoup de sang dans le scénario.
Le 7 novembre 1987, les Tunisiens viennent d’apprendre la nouvelle : c’est le « changement » tant attendu, la vie s’arrête et l’espoir d’un peuple renaît.
Décembre 1990, les Tunisiens mettent fin à leurs illusions, tout n’était que mirage, ils n’étaient au fond qu’en liberté provisoire, leur vie bascule, emprisonnement, torture, exil forcé, résidence surveillée et autres exactions ont été commises. Leur vie s’arrête et le désespoir s’installe.
Le film traite des souffrances des opposants au régime, ainsi que celles de leurs familles lors des 23 années de dictature de Ben Ali. Le scénario met en scène des décennies de souffrance perpétrées par un régime sanguinaire qui affame, emprisonne, chasse, et déshumanise les propres enfants du pays, dont le seul tort est de s’être opposés à la dictature,. en prenant surtout l’exemple des islamistes.
Pour l’auteur du film, qui s’inspire de son vécu d’exilé forcé, il est impératif de rétablir les droits des victimes directes et indirectes en leur donnant la parole pour raconter leur calvaire. A travers son film, il réalise un rêve longtemps caressé. «En tournant ce film, je me suis plongé dans une réalité très concrète que j’ai essayé de monter à partir de ma propre expérience de réalisateur et de victime à la fois. Mais aussi à partir de mes propres sentiments. J’ai exaucé mon rêve et en même temps le rêve de plusieurs »
Directement ou indirectement, plusieurs citoyens sont en état de siège, ils sont renvoyés de leur travail, affamés, interdits de voyager…
Le professeur, sa femme Meryem et leurs enfants, Mustapha et bien d’autres vivent tous des moments difficiles et leur vécu est synonyme de souffrance.
Des syndicalistes, des islamistes, des gauchistes se trouvent côte à côte, ils relèvent le défi et commencent une expérience inédite : le choix de rester debout, combattre comme un seul homme et ne pas céder à la tyrannie.
Ils sont touchés dans leur quotidien mais surtout psychiquement, ce qui leur arrive est inexplicable, le drame regagne d’intensité après tant d’années d’emprisonnement.
Les blessures se cicatrisent tout doucement et tout un peuple défie sa peur, et se donne rendez-vous, entre un certain 14 Janvier 2011 à l’Avenue Habib Bourguiba scandant « le peuple veut faire tomber le pouvoir » «Ben Ali dégage».
Une page de l’histoire de la Tunisie se ferme et une nouvelle s’ouvre, les Tunisiens viennent de donner de l’imagination à d’autres peuples…
Il y a même quelque chose d’émouvant dans cette manière d’évoquer la façon qu’a choisie le réalisateur pour se remettre en piste. Il emprunte une approche, authentique. Cette quête de sens trouvera certes, un écho chez certains.
Le film met en situation des personnages dont la complexité des sentiments et leur imbrication nous offre un bon film! Car ici, tout repose sur des acteurs, Une douleur vive, un tabou ambigu du bien et du mal, ce film gagne également en puissance grâce aux jeux des acteurs qui remplissent leur tâche avec passion. ! On suit l’histoire avec beaucoup d’intensité et les rebondissements où chacun se trouve mêlé jusqu’à en être piégé, sont bien mis en place dans une tension qui se justifie petit à petit !
Des échanges naturels racontant le passé, ses difficultés, ses troubles et ses non-dits.. Les protagonistes créent des pistes qui surprennent. Plusieurs questions sur les motivations et les positionnements vont construire sans doute un futur, ensemble ou séparément, avec le poids de leur passé. « Un passé qui n’arrive pas à mourir et un futur qui n’arrive pas à naître ».
Nadia Ayadi