Un mois après son installation et l’élection de sa présidence, le deuxième pôle législatif reste relativement inaudible. Qu’en est-il par exemple de ses structures et de ses rapports avec l’Assemblée des représentants du peuple ?
Par Hatem bourial
Depuis l’élection le 19 avril du président et des deux vice-présidents du Conseil national des régions et des districts (CNRD), peu d’informations ont circulé à propos de la deuxième chambre parlementaire. Avec à sa tête, Imed Derbali (président), Youssef Bergaoui et Zakia Maaroufi (vice-présidents), le CNRD a entamé sa structuration interne mais demeure une énigme pour l’opinion publique qui ne parvient toujours pas à saisir l’étendue de ses prérogatives et les modalités de ses relations avec l’Assemblée des représentants du peuple et aussi le gouvernement.
Quelles relations avec l’Assemblée des représentants du peuple ?
Prometteuse, la séance inaugurale des travaux du CNRD s’était tenue au Bardo en présence de la totalité des 77 membres élus des différents districts et régions. Ces derniers ont commencé les travaux en prêtant serment puis, Faouzia Naoui, la doyenne des élus, avait présidé l’ouverture de la séance. Douze membres du Conseil se sont portés candidats à la présidence. Sur ces douze candidats, les deux premiers classés étaient Imed Derbali avec 15 voix et Oussema Sahnoun, avec 14 voix.
Au second tour, c’est Imed Derbali qui l’a emporté avec 49 voix, contre 28 pour Oussama Sahnoun. Derbali a été ainsi élu président du Conseil national des districts et des régions. Tout de suite après son élection, le président du CNRD a annoncé son intention de dynamiser rapidement le nouveau pôle législatif mais depuis, alors que des commissions de travail ont été mises en place, peu d’informations ont été communiquées au public.
Est-ce à dire que le travail en amont doit encore être fait ? Car si les missions législatives du CNRD sont connues, les arrêtés qui mettront au clair les relations de ce conseil avec le Parlement attendent d’être délimitées. De même, le rôle de contrôle que devrait jouer le CNRD reste plutôt vague. Enfin, la question reste entière en ce qui concerne les missions par rapport aux projets de développement dans les différentes régions.
Destiné à renforcer les mécanismes de proximité, le nouveau Conseil devra faire preuve de plus de dynamisme pour pouvoir relever les nombreux défis de développement et contribuer à son niveau, à améliorer la vie des populations locales en matière de santé de base et d’éducation. En effet, plusieurs projets régionaux restent en suspens et un coup de pouce législatif pourrait contribuer à la relance économique. Il devient dès lors fondamental de finaliser le cadre législatif dans lequel ce conseil devra opérer afin qu’il puisse être au rendez-vous de l’efficacité.
Quelles missions en matière de développement régional ?
Pour le moment, le nouveau Conseil cherche encore ses marques et devra trouver les ressorts pour sortir de l’image abstentionniste qui avait marqué son élection. Pour rappel, le processus électoral destiné à élire les représentants du CNRD a été marqué par une faible participation. Le taux général de participation des électeurs au second tour des élections locales était de l’ordre de 12,44%, ce qui signifie que seulement 520.303 électeurs sur un total de 4 millions 181 mille 871 inscrits se sont rendus aux bureaux de vote. En ce sens, le taux de participation au premier tour était équivalent avec 11,84%, soit une moyenne globale de 12%.
De la sorte, ces élections ont été marquées par un taux d’abstention de 88% avec un contraste évident entre les régions. En effet, les taux les plus élevés avaient été enregistrés dans les gouvernorats de Sidi Bouzid (26%), Zaghouan (22,2%), Kasserine (21,8%) et Mahdia (20,5%). En revanche, les taux de participation les plus bas ont été enregistrés dans le Grand Tunis (l’Ariana, Tunis et Ben Arous).
Ces chiffres très bas soulignent entre autres le manque de compréhension des électeurs quant aux objectifs du CNRD et depuis son installation, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Car pour le moment, malgré son caractère local et l’esprit de proximité qui a présidé à sa création, le CNRD ne parvient toujours pas à sortir de l’anonymat.
Le taux de participation à l’ensemble des scrutins législatifs peut par ailleurs être ressenti comme un dommage collatéral alors que certains électeurs redoutent une logique plébiscitaire et s’abstiennent lorsqu’ils se considèrent confrontés à des scrutins sans enjeux ni oppositions véritables.
Cette adhésion —et aussi ce rejet— sans le vote ressemble à un vieux réflexe qui retrouve une nouvelle vigueur depuis le retour à un régime présidentiel. Ainsi, alors que les uns affirment que l’abstention massive vaut un blanc-seing pour Kaïs Saïed, d’autres invoquent «la panne démocratique» dans son ensemble et soutiennent un défaut de légitimité populaire. Pour feutré qu’il soit, ce débat n’en est pas moins crucial car il semble que désormais, les électeurs boudent les urnes de manière systématique. C’est la quatrième fois consécutive que les électeurs ne se déplacent pas et la question mérite d’être prise au sérieux car l’objectivité des chiffres exprime un incontestable malaise démocratique.
Pourtant, cette élection possédait tous les atouts pour accrocher l’opinion publique. Il s’agit en effet d’un scrutin qui projette la proximité à l’échelle législative et invite les électeurs à départager des candidats appelés à participer à un Conseil national des régions et des districts (CNRD) censé améliorer la représentation locale et peser sur les choix de proximité.
Malgré cela, la désaffection a encore une fois constitué la règle et les électeurs ont semblé ne pas être concernés par une consultation démocratique obérée par la mise en retrait des partis politiques qui, normalement, auraient apporté expertise et encadrement aux candidats.
Des prérogatives qui restent à délimiter
Ceci dit, pour le moment, rien ne semble à même de sortir les électeurs de la léthargie qui s’est emparée d’eux, depuis la consultation électronique puis les élections législatives. D’ailleurs, ce même phénomène de désaffection a également été observé au niveau de la consultation à propos de l’éducation nationale.
Rares sont les électeurs (peut-être même les élus) capables de naviguer dans toutes les nuances d’un Conseil national des régions et des districts dont les structures propres et le mode de fonctionnement vis-à-vis de l’Assemblée des représentants du peuple, ne sont pas encore clairement délimités. Appelé à jouer un rôle équivalent à l’ancien Conseil économique et social mais intégré à la sphère législative et faisant l’objet d’une élection au suffrage universel, le nouveau Conseil national des régions et des districts engage les électeurs dans un cycle devant aboutir à la Présidentielle de 2024 et aussi aux élections municipales annoncées à l’horizon 2025.