Parce que le médicament n’est pas cher en Tunisie, parce qu’il est compensé, parce qu’il est de bonne qualité, parce qu’il est disponible, parce qu’il est contrôlé, il faut le préserver d’une consommation abusive et des contrebandiers. Deux phénomènes qui menacent sa stabilité.
Le médicament en Tunisie a été le thème du débat lors d’un déjeuner organisé par la Pharmacie centrale de Tunisie qui a réuni les médias et le ministre de la Santé.
Chaque année, le ministère de la Santé réserve 27% de son budget pour l’achat de médicaments. Pour l’année 2013, la facture s’est élevée à 1.440 millions de dinars (809 millions pour les médicaments importés et 631 millions pour ceux fabriqués localement). 68% de ces achats de médicaments sont consommés par le secteur privé et 32% par le public.
Qui finance la facture des médicaments?
Même si le médicament n’est pas cher en Tunisie par rapport aux autres pays, le citoyen paie de sa poche un bon pourcentage de cette facture. Dans le secteur privé, les ménages participent à hauteur de 66% des dépenses médicales et la CNAM à 34%. Dans le secteur public, 44% des paiements directs se font par les citoyens et le reste par l’État.
Pourquoi le médicament est relativement bon marché ?
Il existe en Tunisie un système bien ficelé, qui est «le circuit du médicament» qui a permis à ce dernier de rester stable et à la portée du citoyen pendant toutes ces années. Tout le monde veille à sa pérennité. Il y a la Pharmacie centrale de Tunisie, la PCT, seul et unique organisme importateur de médicaments dont il a le monopole. C’est une centrale d’achat public de médicaments qui assure l’approvisionnement du pays. C’est elle qui négocie l’ensemble des contrats d’approvisionnement internationaux, elle centralise toutes les commandes de médicaments qui ne sont pas fabriqués localement. Elle gère la réception ainsi qu’une partie de la distribution des médicaments importés. En effet, pour le secteur public, la PCT assure directement la distribution des médicaments aux hôpitaux publics ainsi qu’à toutes les structures sanitaires qui dépendent du ministère de la Santé publique. Pour le secteur privé, la distribution des médicaments se fait également par l’intermédiaire des grossistes répartiteurs.
Cette centralisation de l’importation des médicaments permet de maîtriser l’augmentation des prix. La PCT assure, grâce au système de la compensation, le maintien d’un prix stable des médicaments dans le circuit privé. La compensation est prise en charge par la Pharmacie centrale. Celle-ci était de 65, 4 MD en 2012, mais elle a augmenté de 30% et a atteint cette année 100 MD. Cette augmentation s’explique en partie par une consommation locale accrue en raison de la présence sur le territoire tunisien de près de 2 millions de Libyens. Elle est directement menacée par les circuits de contrebande à l’origine de fuite de médicaments compensés vers les pays voisins.
La PCT se doit de maintenir des stocks stratégiques pour l’intervention d’urgence en cas de catastrophes. Ces stocks répartis à travers le pays couvrent la consommation d’environ trois mois. Le PDG de la PCT a assuré, lors de ce déjeuner, qu’actuellement la centrale dispose d’un stock de 107 jours de médicaments, soit l’équivalent de 362 MD en 2013, contre 254 MD en 2011.
Comment pérenniser le système ?
Avec toutes ces augmentations de dépenses pour les médicaments il va falloir trouver le bon filon pour maîtriser les coûts. L’un des moyens les plus efficaces est l’utilisation de médicaments génériques. Ce sont des médicaments tout à fait identiques aux médicaments princeps, qu’on a pu «génériquer», car leur brevet de fabrication est tombé dans le domaine public vu qu’il a été exploité pendant une vingtaine d’années. En Tunisie les médicaments génériques sont moins chers et d’excellente qualité, car ils doivent passer une série de contrôles très stricts avant l’obtention de l’AMM, l’autorisation de mise sur le marché, qui permettra leur commercialisation. Le ministre de la Santé a saisi cette occasion pour remercier l’industrie pharmaceutique en Tunisie, riche de 51 unités, qui fait concurrence à de grandes firmes pharmaceutiques internationales. Les exportations vers plusieurs pays européens et africains en sont la preuve.
Terminons par un dernier chiffre dévoilé lors de ce sympathique déjeuner : le ministère de la Santé dépenserait chaque année 506D pour chaque malade.
Samira Rekik