“Consommer tunisien”, oui mais…

La consommation intérieure peut constituer un des moteurs de la croissance du PIB, en attendant le retour de l’investissement et la relance des exportations.

Mais tout dépend de la nature et de la qualité de cette consommation intérieure. En effet, si cette consommation se fait aux dépens de l’épargne nationale et de l’investissement, elle est plutôt néfaste que bénéfique à l’économie nationale.

S’il s’agit d’une surconsommation faite sur crédit bancaire, car elle dépasse les moyens des ménages, c’est encore plus néfaste. Cette situation serait catastrophique si 25% de la consommation est importée, ce qui est effectivement le cas.

L’Institut national de la consommation a lancé à l’occasion du mois Saint une campagne “j’aime mon pays, je consomme tunisien” avec pour objectif de toucher 10% des Tunisiens et de les sensibiliser aux avantages du “consommer tunisien”.

Selon Tarek Ben Zazia, Directeur général de l’INC, il s’agit d’avoir un réflexe patriotique économique, celui de préserver le tissu entrepreneurial et industriel du pays avec les emplois qu’il implique.

Il faut dire que l’INC a procédé à une étude sur la consommation du tunisien notamment durant le mois de Ramadan.

C’est ainsi qu’il a été constaté que plus de 50% des personnes enquêtées pensent que le made in Tunisia correspond à une qualité inférieure et qu’il est relativement cher. En outre, seulement 7% des Tunisiens, objet de l’enquête, savent que le Code barres des produits fabriqués en Tunisie porte le préfixe 691, alors que l’étude comparative réalisée par l’INC sur les biscuits prouve, après classement selon la qualité des 20 produits disponibles sur le marché, que le biscuit importé le mieux classé est au 13e rang et coûte 13 fois plus cher que le 1er. Ce constat est éloquent sur la perception du Tunisien

Les deux constats les plus amers sont que le Tunisien dépense en moyenne 50% en plus pour son alimentation durant le Ramadan que durant les mois courants et le tiers de cette dépense n’est pas réellement consommé mais gaspillé cru ou déjà cuisiné. Une lourde perte.

Le mois de Ramadan correspond à un pic de consommation à peine croyable. En effet, selon l’INC, la consommation de pain augmente de 135% durant ce mois et 300.000 D de pain sont gaspillés chaque jour, alors que les recettes de recyclage du pain rassis ne manquent pas.

Cette consommation de pain par tête d’habitant a augmenté de 28% en cinq ans (2010-2015).

La consommation de sucre est passée de 1,3 à 2 kg par mois, alors que les répercussions sur la santé sont graves : 23% des adultes sont diabétiques en Tunisie et 30% des Tunisiens sont obèses ou en surpoids. Bonjour pour les maladies cardio-vasculaires

Le Tunisien qui ne consommait que 26 œufs/mois durant Ramadan 2010, en a consommé 37 en 2015.

La consommation des viandes blanches et des produits laitiers a augmenté de 45% durant Ramadan 2015.

Celle du thon a grimpé de 420% durant Ramadan 2015 : un sommet.

Inutile de souligner que la cuisson selon le mode friture a des répercussions néfastes sur la santé vu la fréquence quotidienne de la consommation.

C’est le consommateur tunisien qui n’arrive pas à maîtriser ses tentations gastronomiques sous le prétexte du jeûne qui encourage les spéculateurs et les commerçants sans scrupules à faire flamber les prix et à ne pas respecter les conditions d’hygiène au détriment de la santé des jeûneurs.

Il faut dire que les pouvoirs publics n’ont pas manqué de constituer des stocks régulateurs importants de toutes sortes de produits agricoles et alimentaires pour éviter toute pénurie, cependant, les circuits de commercialisation ne sont pas toujours aussi rigoureux que la loi le veut. En effet, 60% des produits agricoles ne transitent pas par les marchés de gros pour éviter la fiscalité et toutes sortes de contrôles : prix, hygiène etc.

Il faut dire que nos infrastructures, à la charge des collectivités locales ne sont pas mises à niveau : abattoirs et marchés aux poissons sont dans un état de délabrement avancé et manquent de chambres froides et de conditions d’hygiène.

Il faudrait également que, faute d’un respect strict de la réglementation sur les prix de la part des commerçants, les autorités publiques doivent renforcer encore plus le système de répression des fraudes qui se comptent par milliers chaque jour. C’est à croire que c’est une règle de conduite pour les commerçants dans notre pays.

Il y a lieu de souligner à ce propos que l’Organisation de défense du consommateur brille par son absence, alors que Ramadan est une opportunité de choix pour que cette organisation fasse la preuve de son efficacité en matière de sensibilisation de l’opinion publique sur les risques de la surconsommation et de lutte contre l’inflation et les infractions à la réglementation d’hygiène.

Ce qui est tout à fait désolant, c’est lorsque nous dépensons de plus en plus, au delà de nos moyens, avec un bon tiers gaspillé en pure perte, et que nous travaillons le moins possible.

Nous devrions plutôt faire preuve d’un patriotisme économique national et travailler plus et mieux durant le mois saint pour compenser quelque peu le surplus de consommation que nous sommes incapables de gérer.       

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