Coronavirus et risque de maltraitance de nos animaux familiers

Par Ouajdi Souilem*

Face à la frénésie médiatique sur la possibilité de contamination des animaux familiers par le coronavirus du COVID-19 (SARS-COV-2) et le risque de transmission à l’homme, nous profitons de cette mise au point afin de :

  • Dissiper des inquiétudes qui n’ont aucun fondement scientifique,
  • Alerter sur les répercussions négatives de ce genre de rumeurs, et ce, sur le rapport du tunisien avec les animaux d’une manière générale et particulièrement avec les animaux familiers.

Les experts désignés par l’OMS et l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA/ OIE), soulignent qu’aucun virus appartenant au sous-groupe du SARS-COV-2 (genre bétacoronavirus, sous-genre Sarbecovirus) n’a été détecté chez les animaux domestiques (y compris les animaux de rente) et qu’il n’existe pas de lien génétique direct entre le SARS-COV-2 et les souches de Bétacoronavirus isolées chez les animaux domestiques. Au vu des connaissances actuelles, il n’existe aucune preuve que les animaux de compagnie et d’élevage jouent un rôle dans la transmission du virus du COVID-19 à l’homme.
Les experts indépendants rapportent que le SARS-COV-2 serait d’origine animale et proviendrai probablement d’une espèce de chauve-souris avec la possibilité que ce soit un virus hybride provenant de deux espèces animales. Ils estiment que le passage du SARS-COV-2 de l’être humain vers une autre espèce animale (entre autres domestique) semble actuellement peu probable (Avis de l’Anses. Saisine 2020-SA- 0037 du 09 Mars 2020, 23 pages).
Il est à noter aussi, que le passage du virus à une espèce comme le chien et le chat dépendra de la présence de récepteurs tissulaires ACE2 et d’autres facteurs cellulaires nécessaires à la réplication virale.
Le SARS-COV-2 est adapté à l’homme avec une transmission interhumaine efficace et par conséquent, les animaux de compagnie, en l’état actuel des connaissances, ne sont pas concernés par la crise sanitaire humaine.
Rappelons que l’enclenchement de la crise en décembre 2019, avait un lien avec un marché d’animaux vivants dans la ville de Wuhan en Chine. Le mauvais comportement envers les animaux, (notamment des animaux sauvages comme des chauves-souris, destinés à la consommation humaine), a suscité une prise de conscience sur la place des animaux dans notre écosystème et de la dimension écologique de toute action humaine.
Paradoxalement, cette empathie envers la nature et les animaux semble s’estomper, ce qui pourrait aboutir à la dégradation de leurs conditions de vie et de leur bien-être si nous ne redressons pas la situation.
A ce propos, nous allons revenir sur l’histoire récente pour montrer l’impact du non-respect des animaux suite à la psychose générée par les crises sanitaires d’origine animale comme la «vache folle», la «grippe aviaire» et la «grippe porcine», les virus agents des deux grippes ayant pris le nom de ces animaux !!!
La crise de la « vache folle » a éclaté au Royaume Uni en 1986 et s’est transformée en véritable crise socio-économique mondiale dans les années 90. Actuellement, l’épidémie est presque enrayée dans le monde et le risque de transmission du prion agent de l’ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine) à l’homme reste extrêmement faible.
L’interdiction des farines animales dans l’alimentation des herbivores reste un acquis de taille et a permis pour le moins d’éclairer le consommateur sur les dérives possibles de l’élevage industriel et d’éviter la métaphore cannibale.
La « vache à lait » nourricière a été transformée en vache dangereuse et l’homme est devenu aussi fou que la vache folle ! Des millions de bovins ont été incinérés, brûlés massivement et éliminés sans aucun état d’âme sous le regard inquiet des éleveurs. Des cheptels entiers sont partis en fumée en Europe au nom du risque zéro et de l’équilibre général de l’économie ultra-productiviste.
Des pratiques barbares ont été aussi adoptées dans les zones endémiques dans le monde pour éliminer des porcs malades et anéantir des élevages entiers dès qu’une menace de « grippe porcine » apparaissait. Le sanglier n’a pas été non plus épargné.
Les volailles et les palmipèdes ont trouvé le même sort lors de la crise de la «grippe aviaire» à virus H5 N1 qui s’est déclarée en Asie de l’est et du sud-est où les pratiques d’élevage ne respectent pas le minimum requis en matière d’hygiène et de bien-être animal. Les marchés des oiseaux vivants ont été fortement incriminés.
Les épidémies susmentionnées reflètent en réalité un non-respect des équilibres agro-écologiques et de graves perturbations dans l’interface homme-animal.
Face à la crise actuelle du COVID-19, aucune raison n’est justifiée pour abandonner nos animaux familiers, mais au contraire, c’est le moment d’engager notre responsabilité au quotidien pour garantir le minimum requis de leur besoins fondamentaux (eau, nourriture, soins de base,…).
Les comportements malveillants envers nos animaux domestiques ne sont justifiés ni sur le plan éthique, ni sur le plan sanitaire.
Nous devrions aussi être solidaires et reconnaissants pour les personnes qui veillent actuellement sur les chiens dans les refuges et les chats dans nos quartiers, malgré la situation critique dans le pays et les mesures de confinement général.
Cette phase critique pour toute l’humanité doit nous inciter à repenser notre manière d’agir envers les animaux et la nature.

*Professeur Hospitalo-Universitaire en Médecine Vétérinaire
Membre du Bureau du Conseil International
des Sciences des Animaux de Laboratoire

 

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