En effet, le budget de l’instance n’a été revu à la hausse qu’en 2016 grâce à l’ancien chef du gouvernement Habib Essid. Le budget de l’instance est passé de 320 mille dinars à 1832 mille dinars. Il a ajouté que ce rapport porte particulièrement sur les activités de l’instance, des données statistiques liées au phénomène de la corruption en Tunisie ainsi que des détails sur certains grands dossiers impliquant des hauts responsables au sein d’institutions publiques etc.
9027 plaintes en une année
En ce qui concerne les chiffres les plus significatifs en matière de lutte contre la corruption, Chawki Tabib a indiqué que l’INLUCC a reçu durant l’année 2016, 9027 plaintes dont 2200 ayant été déposées auprès du bureau d’ordre au siège de l’INLUCC, 958 provenant de la présidence du gouvernement, 275 déposées à travers l’adresse électronique de l’instance et 5594 déposées à travers le numéro vert dédié à la dénonciation des cas de corruption. En ce qui concerne le traitement par la justice de ces dossiers de corruption, Chawki Tabib a fait savoir que 94 dossiers de corruption ont été déjà présentés auprès de la justice entre le mois de mai et la fin de l’année 2016 soit durant 8 mois.
Corruption: des chiffres clés
Chawki Tabib a dans ce contexte affirmé que de grandes entreprises nationales sont impliquées dans de grands dossiers de corruption telle que la CNSS, la STEG, la SONEDE, TUNISAIR, l’Etablissement de la Télévision Tunisienne ainsi que l’établissement de la Radio Nationale. En effet, 21% des plaintes concernent des institutions publiques et privées. 140 plaintes concernent des marchés publics.
Il a dans ce contexte exprimé son étonnement de voir les même pratiques et méthodes de corruption pratiquées à l’ère de Ben Ali, se répéter aujourd’hui de la même manière. « L’impunité de certains hauts responsables dans des institutions publiques est surprenante voire provocante. Ils agissent tous de la même manière qu’à l’ère de Ben Ali sans aucune contrainte ou limite. Bien au contraire, ces hauts responsables essayent toujours d’être entourés par le maximum de subordonnés en leur accordant des primes etc. dans l’objectif de les faire taire et pour brouiller au maximum les pistes. Dans certains cas de figure, on a même vu des hauts responsables faisant l’objet de plusieurs soupçons de corruption, être promus pour être ensuite nommés aux postes de PDG et autres. » A-t-il regretté.
Quand la corruption met en péril la vie des citoyens
Quant aux dossiers de corruption les plus frappants, Chawki Tabib a indiqué que certains dossiers touchent directement la santé et la vie des citoyens. A titre d’exemple, un dossier de corruption impliquant la délégation régionale de l’agriculture à la Manouba, où une vétérinaire ayant dénoncé la présence du virus de tuberculose dans le lait dans l’un des groupements de la région, s’est vue victime de tous types d’harcèlement. « Cette vétérinaire avait mis en garde contre la présence d’un virus dans le lait. Elle avait donc exigé une analyse. Les autorités régionales avaient à ce moment-là refusé cette demande sous prétexte qu’elles ne détenaient pas les frais de cette analyse dont le coût est estimé à 30 dt. » A-t-il précisé.
L’un des deux grands dossiers de corruption impliquant la SONEDE est également lié à la santé du citoyen et aurait pu être à l’origine d’une catastrophe humaine. En effet, il s’est avéré que de hauts responsables de la SONEDE, avaient eu recours à un certains moment à l’usage d’un produit chimique toxique peu coûteux pour purifier les eaux au lieu d’acquérir d’autres produits conformes aux normes internationales.
Parmi les dossiers de corruption accablants impliquant la STEG on cite les coupures d’électricité délibérées dans certaines régions du pays. L’objectif de ces coupures était de provoquer l’indignation des habitants et ensuite convaincre les autorités concernées quant à la nécessité d’implanter de nouvelles centrales électriques. Tout ceci se fait dans le cadre de marchés de corruption.
Qu’en est-il du ministère de l’intérieur ?
Quant aux ministères, les plus actifs en matière de lutte contre la corruption, Chawki Tabib a fait savoir que le ministère des affaires sociales arrive en tête de liste avec 21 dossiers de corruption déposés auprès de l’instance. Le ministère des Affaires Sociales est suivi du ministère de l’Agriculture (13 dossiers), des Finances (8 dossiers), de l’éducation (7 dossiers), de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (5 dossiers) et du ministère de la Santé Publique (3 dossiers).
Le président de l’instance de lutte contre la corruption a exprimé son étonnement quant au non engagement de l’ensemble des ministères de souveraineté particulièrement le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires Etrangères, dans cette guerre nationale contre la corruption. D’après lui, le fait qu’il n’y ait pas de dossiers de corruption déposés auprès de l’INLUCC provenant du ministère de l’Intérieur suscite des interrogations sérieuses. Il a dans ce contexte appelé toutes les composantes de la société civile, l’ensemble des ministères et des autorités concernées à s’engager sérieusement dans la lutte contre la corruption et à unifier les efforts afin de pouvoir vaincre ce phénomène qui coûte annuellement à l’Etat 4 points de croissance et 2000 milliards de millimes. A titre informatif, ces 2000 milliards permettraient de construire 3 aéroports internationaux.
Dans ce même ordre d’idées, Mohamed Ayadi, membre de l’instance nationale de lutte contre la corruption a appelé, lors de la présentations des plus importantes recommandations du rapport, le comité de suivi et d’enquête, la haute instance de la commande publique, et l’observatoire national des marchés publics à faire preuve davantage de transparence en publiant régulièrement des communiqués de presse et des rapports afin d’éclairer l’opinion publique et de garantir le droit d’accès à l’information.
Hajer Ben Hassen
Pour consulter le rapport annuel de l’INLUCC en intégralité cliquez sur ce lien (Fichier PDF): Rapport INLUCC 2016