L’épreuve du coronavirus est laide. Elle a dévoilé nombre de faiblesses humaines, de pathologies sociales, mis à nu les égocentrismes et l’instinct presque bestial de conservation, que les slogans creux des grands discours, trompeurs, ont toujours tenté de camoufler. Cette épreuve a mis l’humanité entière, face à ses peurs et à ses responsabilités. Le résultat n’a pas été glorieux à 100%. Des nations se sont senties lâchées, abandonnées à leur sort par leurs amis, leurs alliés. Des dirigeants politiques ont été tentés par la sélection naturelle et ont suggéré de laisser le Covid-19 faire le travail sans restrictions, sans confinement, sans protections, au nom de la sacro-sainte immunité collective. Et tant pis pour celui qui n’aura pas la chance de survivre. Attention ! Pas n’importe quel dirigeant ! Ceux-là sont immunisés par la puissance économique, militaire et géopolitique de leurs pays. Mais, il faut bien croire, cette fois, qu’ils n’ont pas eu le dernier mot et au moins l’un d’entre eux, le Premier ministre britannique en l’occurrence, a eu affaire au coronavirus et il n’oubliera pas de sitôt cette difficile expérience.
Quid de nos dirigeants ? Ils ne sont pas nombreux à se démarquer du lot. Le ministre de la Santé semble courir seul derrière le virus, avec ses collaborateurs et les hommes et les femmes qui constituent l’armée des blouses blanches. Seul, en effet. Car, par ailleurs, l’épreuve du coronavirus n’a pas beaucoup changé les habitudes des spéculateurs, des usurpateurs, des voleurs, des damnés de l’argent sale et de l’impudeur. L’instinct bestial de ces humains se déchaîne à chaque fois qu’ils sont en présence d’une opportunité pour s’enrichir sur le dos des autres, surtout les plus pauvres. Un délégué par-ci, un omda par-là, un fonctionnaire de l’administration sécuritaire, un député, un ministre et j’en passe. Des vautours en liberté et en quête de proie. Entre-temps, l’INLUCC continue cahin-caha à publier des communiqués et à faire des annonces sur des affaires de corruption, de spéculation, de détournement, en vain. Sans réel impact sur le cours des choses, tandis que les autres instances se font oublier dans un silence honteux. Où est le ministre d’Etat chargé de lutter contre ces crimes moraux, ces atteintes à l’éthique et à la dignité humaine ? Où est le Chef du gouvernement qui a promis aux Tunisiens qu’il veillera à ce que personne ne soit au-dessus de la loi ? Ils n’ont pas réagi comme il se doit, c’est-à-dire fermement, à aucune de ces affaires. Il est en effet bien plus aisé de dénoncer et d’accuser quand on est à l’extérieur du sérail. Mais une fois dedans, le logiciel change, pour emprunter le mot au Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh. Le ministre anti-corruption aurait-il perdu ses repères et ses convictions une fois installé dan son fauteuil de ministre d’Etat ? On en vient à entendre, par la voix de son avocat-député, le porte-parole de l’organisation terroriste Ansar Al-Charia, organisation classée terroriste, revendiquer son droit de travailler et de s’inscrire en tant que doctorant dans une université publique tunisienne. Et ce, au moment où des centaines de milliers de travailleurs sont au chômage technique, où des milliers de familles attendent les aides sociales pour se nourrir, où la Tunisie est en pleine récession économique et sociale à cause de la pandémie du Coronavirus.
Où est la justice ? Où sont les dirigeants politiques qui ont promis aux Tunisiens qui ont souffert de la dictature de les protéger et de les promouvoir ? Pourquoi est-il si impossible d’arrêter tout cela, la contrebande, le terrorisme, la spéculation, la corruption, l’illégal, l’illicite…? Pourquoi les pouvoirs publics sont-ils si impuissants alors qu’ils les connaissent tous? A maintes reprises, des représentants de syndicats de police ont affirmé les connaître un à un. Cela veut dire tout simplement que le ver est dans le fruit, que les criminels sont au plus près du sérail, qu’ils continuent de sucer les entrailles de l’économie tunisienne, les épaules bien calées contre les amis très puissants.
Pourtant, l’élection de Kaïs Saïed avait fait naître l’espoir d’un renouveau au nom de la probité, de la droiture, de l’intégrité, de l’honnêteté. Où en sommes-nous de ces valeurs qui ont été plébiscitées par 2,7 millions de Tunisiens ? A propos, où sont-ils ? Une partie d’entre eux sont aujourd’hui aux abois, à la recherche de la semoule compensée, détournée par les riches contrebandiers et les indignes spéculateurs ; ils sont retournés dans la rue pour y exprimer leur colère et se défouler sur les forces de l’ordre pendant le couvre-feu sanitaire.
L’épreuve du coronavirus a aussi montré la beauté de la solidarité. Mais celle-ci a du mal à s’extirper de l’enchevêtrement des ego affamés et insatiables.