Covid-19 : pourquoi le Paxlovid de Pfizer n’est pas le médicament miracle tant attendu

Les autorités sanitaires ont donné en France leur feu vert ce vendredi à l’utilisation du traitement antiviral de Pfizer. Très efficace sur le papier, il présente d’importantes contraintes.
Paix, amour et Covid… En choisissant d’appeler son traitement anti-SARS-CoV-2 « Paxlovid », le laboratoire Pfizer n’a pas lésiné sur l’hyperbole. Et pour cause : sur le papier, il tient du médicament miracle. Une prise matin et soir pendant cinq jours permet à près de 90% des patients d’éviter de faire une forme grave après une infection. De quoi changer le cours de l’épidémie, en allégeant la charge sur les hôpitaux. Mais si l’arrivée d’ici la fin du mois dans les pharmacies de ce premier antiviral oral reste une bonne nouvelle, la réalité pourrait, comme toujours, s’avérer un peu plus complexe.
Dans un avis rendu ce vendredi, la Haute autorité de santé française a donné son autorisation pour un accès précoce à ce médicament aux adultes qui présentent de forts risques de faire des formes graves du Covid-19 : « Dans le contexte de prédominance du variant Omicron, et malgré sa moindre sévérité, le besoin en traitements pour les patients fragiles atteints par la Covid-19 n’est pas satisfait », justifient ses experts. Sont concernés les patients sévèrement immunodéprimés ou présentant une pathologie « à très haut risque » comme ceux atteints de cancers et traités par chimiothérapie, ou encore les personnes atteintes de maladies rénales chroniques sévères et dialysés. La France a précommandé 500 000 traitements, dont une première livraison « de plusieurs milliers de doses » doit arriver d’ici la fin janvier.
Autorisé en décembre par l’Agence européenne du médicament, le Paxlovid pourrait présenter une solution pour une partie des malades les plus fragiles, alors que la plupart des traitements actuellement sur le marché sont devenus inutiles face à Omicron. Son mode d’action lui permet en effet de rester efficace face à ce variant. Car, cette fois, ce comprimé ne vise pas la protéine Spike, dont les mutations entraînent une baisse d’efficacité des vaccins, il agit en bloquant la protéase, une enzyme nécessaire à la réplication du virus au coeur de nos cellules. « Cette partie est jusqu’ici restée identique quel que soit le variant », constate Bruno Canard, spécialiste des coronavirus et directeur de recherche au CNRS. Une mutation pourrait toujours survenir à cet endroit, mais, pour l’instant, Omicron n’a pas dérogé à cette règle.
En revanche, la très forte efficacité constatée lors des essais cliniques pourrait s’avérer moindre en vie réelle. Car le Paxlovid a été testé sur des patients atteints de comorbidités assez courantes (obésité, diabète, etc.). Mais à présent les médecins vont surtout le proposer aux malades immunodéprimés chez qui la vaccination ne permet pas de générer des défenses immunitaires. Or, ces patients n’ont toujours pas été inclus dans les essais cliniques. Et ce, pour une bonne raison : ils prennent des traitements qui peuvent se trouver perturbés par l’un des deux composants du Paxlovid, le ritonavir.
*La cible de patients pourrait être réduite
« Cette molécule interagit avec de nombreux autres produits pharmaceutiques. Mais la population à risque de forme grave est justement celle qui souffre de maladies chroniques, et qui prend beaucoup de médicaments. Sa cible pourrait donc être assez réduite », constate le Pr Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie au centre hospitalo-universitaire de Bordeaux.
Et de fait, dans son avis, la HAS édicte de nombreuses contre-indications et des précautions d’emploi de ce médicament. L’antiviral est par exemple contre-indiqué chez les personnes avec une insuffisance hépatique sévère ou une insuffisance rénale sévère, ou encore chez les femmes enceintes. « C’est au médecin qu’il revient d’apprécier avec son patient les contre-indications médicamenteuses à l’utilisation de Paxlovid », souligne la HAS. La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) de son côté anticipe déjà les besoins des généralistes, qui se trouveront en première ligne pour les prescriptions. « Ce ne sera pas blanc ou noir, nous préciserons quels traitements peuvent être interrompus, lesquels poursuivre avec des doses réduites, etc. », indique le Pr. Molimard, également membre de la SFPT. Un outil d’aide à la prescription devrait également voir le jour.
« Nous plaidons pour que les pouvoirs publics lancent rapidement une campagne de communication pour sensibiliser les personnes concernées à l’arrivée de ce médicament, mais aussi à ses contraintes, et à l’importance de se faire tester rapidement », souligne Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des syndicats médicaux français. Autant d’accrocs possibles qui pourraient ternir l’éclat d’une pilule pas encore tout à fait miraculeuse.
(L’Express)

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