Covid 21, demain ne meurt jamais

« Les humains sont le résultat d’un chemin évolutif d’une exquise complexité,
plein de faux départs, d’impasses et d’accidents statistiques. »

[Carl Sagan]

Pirouettes virales au cirque mondial des impasses évolutives
Dans le monde entier, nous assistons à diverses réponses gouvernementales aux impératifs de la crise sanitaire. Toutes sont accompagnées de débats enragés qui opposent le plus souvent des lobbyistes chevronnés à une communauté scientifique divisée.
Nous observons, au niveau international, des scènes surréalistes : des médecins généralistes qui s’autoproclament apôtres de la science infuse, des dirigeants européens qui interdisent des vaccins (en temps de pénurie) pour des considérations géopolitiques absurdes, des sommités scientifiques mondiales vilipendées à cause de leurs positions avant-gardistes ou leur discours apocryphe…
Bref, nul ne peut nier que les nombreux outils digitaux par lesquels l’OMS tente vainement de contrôler ce flux d’informations n’a que peu d’impact. On ne peut ériger des murailles avec de la boue. Le cocktail d’intérêts croisés financiers et géopolitiques ne présage que le schisme et la guerre de tous contre tous.
La crise du leadership scientifique est la preuve d’une dépression civilisationelle  encore plus profonde qui a sarclé l’occident de sa zone de confort et a semé, par un perpétuel effet de suivisme tiers-mondiste, une myriade de plans de « sortie de crise » aussi catastrophiques les uns que les autres.
Ai-je besoin de développer ce point?
L’actualité récente l’atteste.
Sous l’ombre d’une débâcle qui embrase les institutions sclerosées de notre deuxième république, diverses controverses continuent d’alimenter le débat public.
Tantôt en soulevant les déboires d’un gouvernement (provisoire en sursis), à renforts d’un arsenal acéré de reproches fondés sur des arguments tangibles, tantôt en agitant les pires élucubrations crypto-satyriques issues des méninges de Prix Nobel en Médecine capillaire sans crépuscule.
Cette absence d’un phare scientifique, cohérent et charismatique, permet le foisonnement de parasites populistes qui profitent de la fragilité d’une société sensible aux stimuli basiques, tels que la peur ou la rassurance, pour exister. Comme le dit le fameux adage tunisien : »Quand le chat s’absente, la souris joue. » La Tunisie n’est pas épargnée.
Bien évidemment, l’actuel sujet de préoccupation des tunisiens demeure la vaccination. De nombreuses questions se chevauchent au fil de l’actualité et les réponses sont parfois apportées par des lobbyistes qui souhaitent voir leurs intérêts fleurir au sein de la foire internationale du vaccin.
Une interrogation persiste.
Comme avec la grippe, est-ce qu’il faudra se faire vacciner contre le Coronavirus chaque année ?
Avec l’effervescence printanière d’un génome instable, l’arbre phylogénétique du Sarscov2 se ramifie d’avantage aux quatre coins du globe.
Brésil, Inde, Afrique du Sud,…  Nous assistons, dans plusieurs pays, à une dérive évolutive propre à chaque population et à chaque environnement. Ce qui n’est pas surprenant en soit…
On parle de double-mutations, d’une incohérence des cycles de flambées épidémiques, d’une pathogénicité accrue chez les détenteurs d’un patrimoine génétique hérité de l’Homme de Néandertal, ect… Pour le moment, les plus alarmistes commencent à redouter l’apparition d’un variant « multi-résistant ».
Arriverons-nous à éradiquer la pandémie avec l’un des vaccins proposés à ce jour?
Le récent investissement du Géant de l’industrie pharmaceutique Sanofi à Singapour (annoncé le 12 Avril 2021) pourrait nous donner une réponse préliminaire. Pas moins de 638 millions de dollars dans la production de vaccins à Tuas Biomedical Park. Un investissement, qui en dit long… Très long… Sur les éventuels profits que générera ces nombreuses campagnes de vaccination qui foisonnent au niveau mondial.
Entre temps, le virus continue ses pirouettes évolutives. Il ne faut pas oublier que la nature est le plus grand laboratoire de recherche et développement au monde. Elle trouve toujours une brèche pour réaliser la sélection naturelle à coup de tâtonnements empiriques.
Une chose est, donc, claire.
Le vaccin est une stratégie cul-de-sac.

Pan-idiocratie aux limbes
Il n y a aucune planification mondiale pour l’acquisition d’une immunité collective au niveau international car les plateformes financières ont très vite pris le relais de la distribution à renforts de spéculations. L’humanité n’a guère encore mûri et la nature est impitoyable avec les espèces incapables de s’adapter pour survivre.
Une fois leur zone de confort retrouvée, les décideurs ont oublié que le SarsCov2 est une zoonose (une maladie qui se transmet de l’animal à l’Homme et vice versa).
Pendant que les populations humaines seront confinées ou vaccinées, l’agent pathogène continuera paisiblement son évolution vers de probables formes résistantes aux vaccins ou bien plus létales.
Ceci est loin d’être un scénario de science-fiction.
Le 4 Novembre 2020, le gouvernement Danois a pris la terrible décision de génocider pas moins de 17 millions de visons. Des visons d’élevage… Ces derniers ont présenté cinq formes mutantes du SarsCov2, dont la fameuse Cluster5 qui a alarmé la communauté scientifique mondiale. En effet, ce variant s’est manifesté dans un hôte non-humain et présentait des mutations au niveau de la protéine Spike capables de rendre les vaccin en cours de développement à l’époque obselètes… tout en se transmettant à l’Homme (douze cas de transmission vison-humain recensés au moment des faits).
Comment l’OMS et les gouvernements des puissances mondiales pensent-ils immuniser l’intégralité de l’humanité sans vacciner le gigantesque réservoir naturel (chats, chiens, chauve-souris, souris, rats, furets, visons, ect……..) dans lequel l’agent infectieux continuera irrémédiablement ses mutations et ses éventuelles recombinaisons avec d’autres virus à ARN.
Face à l’incroyable ténacité de ce nouvel Apex prédateur, nous ne pouvons compter sur les temps de latence ou la barrière inter-espèces.
Par ailleurs, en confinant des populations entières, les gouvernements favorisent les sélections naturelles ciblées qui permettent l’émergence de divers mutants adaptés à des haplogroupes spécifiques (groupes génétiquement proches d’individus). C’est ce qu’on appelle communément aujourd’hui des « variants ».
Le but d’un virus n’est pas de tuer. Il s’adapte afin de se répandre plus efficacement. Un variant est le fruit de cette adaptation. L’isolement d’une population donnée (confinement temporaire) reviendrait à sélectionner le variant le plus inoffensif pour celle-ci (une adaptation qui se fait au prix de nombreuses victimes) avant de le relâcher dans la nature et lui permettre d’atteindre d’autres populations qui n’y sont absolument pas adaptées. Puis rebelote.
L’exemple le plus ancré dans l’imaginaire collectif est celui de la gripette qui pourrait décimer une population entière d’indiens d’Amazonie isolée du reste du monde depuis des siècles. Ne devons-nous pas nous vacciner contre la fièvre jaune ou la méningite avant de visiter un pays tropical?
La comparaison s’arrête à la problématique de la disparité des acquis immunitaires selon les régions et les groupes ethniques (qui se sont adaptés aux Virome et microbiome de leur environnement).
Pourquoi les pays multiculturels et multiethniques ont été les plus sévèrement touchés par la pandémie ?
Le Sarscov2 tente-t-il vainement de fusionner avec notre patrimoine viral en se frayant un chemin dans chaque haplogroupe humain qu’il rencontre au point de créer une version inadaptée à une population qui lui est étrangère ?
Autant d’interrogations qui en soulèvent d’autres mais qui convergent vers une seule réalité. La politique traditionnelle s’est affranchie de la science et mène nos sociétés vers l’effondrement en optant pour des stratégies insensées.
La situation n’est certainement pas simple et nous ne pouvons isoler indéfiniment des populations entières.
Le 12 Mars dernier (2021), trois rapports indépendants parus sur la revue Virological.org ont conclu que la flambée épidémique d’Ébola (une zoonose) qui a sévi en Afrique de l’Ouest de 2013 à 2016 a directement causé celle de 2021. En effet, un seul survivant de l’épidémie précédente, qui a abrité le virus (en état de latence) pendant 5 années, aurait engendré cette récente recrudescence de l’épidémie !
Certains mécanismes biologiques qui régissent des pans entiers de l’évolution anthropologiques ne peuvent être réprimées par de simples couvre-feux, des confinements généralisés et autres pirouettes bureaucratiques.
Par ailleurs, bien conscients de la complexité de la situation, une équipe de chercheurs internationaux du Global Virome Project, soutenue par l’USAID, a lancé SpillOver ( https://spillover.global/ ) afin de suivre, cartographier, séquencer des agents zoonotiques et prédire les éventuels risques pandémiques. Ce genre d’initiatives, orientées vers la coopération internationale et la prévention, sont à applaudir.

Muselières sous licence
La Tunisie dispose d’un fort arsenal de jeunes diplômés et chercheurs qui cherchent désespérément à exprimer leurs talents. Les former, lever des fonds pour la création de structures qui intégrerait le pays dans des initiatives internationales axées sur les cinquante prochaines années et financées par nos partenaires ou des institutions soucieuses des problématiques de notre ère donnerait un signal fort à la population. Nous ne sommes pas nés en Tunisie pour demeurer des suiveurs.
L’exemple de Singapour est souvent cité pour inspirer à nos décideurs des élans réformateurs. L’efficacité de leurs réponses face à la crise mondiale du SarsCov2 témoigne de la cohérence de leurs orientations. Pourtant, ils viennent de loin…
En effet, cette Cité-état est un formidable modèle de réussite qui a basé son modèle de développement sur l’éducation.
Dans une publication intitulé « Savoirs et apprentissages fondamentaux à Singapour », les auteurs parlent d’un apprentissage « transformatif » en ces termes : « Selon Miller (1996), un programme holistique devrait associer les domaines de connaissance et les relations entre les individus et le monde dans lequel ils vivent, de manière à transformer ces connaissances et à les appliquer aux différents contextes où elles sont pertinentes. Ce que Miller vise, dans cette déclaration, s’applique aux récents efforts du gouvernement pour faire du pays une ville mondiale. Le gouvernement œuvre pour que Singapour soit considéré à l’échelle internationale comme un pôle économique et scientifique de premier plan. Il se rend pleinement compte qu’il est nécessaire que les habitants trouvent leur place dans les remous engendrés par un contexte mondial dont les mutations touchent croyances et cultures, si Singapour souhaite jouer un rôle important sur la scène mondiale (Koh, 2004 ; Sharpe et Gopinathan, 2002). Les décideurs locaux ont également adapté de nombreuses idées occidentales au contexte éducatif de Singapour. Ces efforts tendent à élargir les points de vue des gens afin de les connecter au monde… »
Nous ne sommes pas nés en Tunisie pour demeurer des suiveurs. De profonds changements institutionnels sont nécessaires pour raviver la flamme de l’innovation et l’esprit entrepreneurial chez la jeunesse Tunisienne. Rappelons-nous du formidable élan de solidarité et d’inventivité qu’a généré, l’année passée, l’impératif de survie suite à l’annonce du premier confinement général. L’État était aux abois et en proie aux divers tâtonnements tandis que les jeunes inventeurs cherchaient inlassablement des solutions techniques à la crise. La survie libère les énergies mais l’état et ses sponsors locaux les musèlent. Les cadres juridique et administratif qui régissent l’environnement socioéconomique ne sont qu’un frein à cette marche forcée vers le développement et l’inéluctable émancipation de notre société, dont le premier carburant demeure une créativité muselée par le régime rentier.
Le discours politique commence à évoluer mais est-ce suffisant?
Loin des Zacacophonies, il devient urgent de penser à une véritable gouvernance scientifique tunisienne. Et je ne parle pas de techno-gestion (abusivement désignée  « Technocratie » par ceux qui n’ont jamais pris le temps d’examiner la pensée de Claude-Henri de Saint-Simon, père fondateur de cette doctrine).
Ce dernier disait : » L’économie politique, la législation, la morale publique et tout ce qui constitue l’administration des intérêts généraux de la société, ne sont qu’une collection de règles hygiéniques dont la nature doit varier suivant l’état de la civilisation ; et la physiologie générale est la science qui a le plus de données pour constater cet état, et pour le décrire, puisqu’il n’est pour toute société que l’expression des lois de son existence. »
L’état de la civilisation… Avons-nous réellement pris le temps de penser à l’état de notre civilisation ?

Demain ne meurt jamais
Comme avec nos programmes d’enseignement, certains aspects constitutionnels et législatifs de notre deuxième république sont intrinsèquement obsolètes. Nous formons des chômeurs qui disposent de l’énergie potentielle nécessaire aux fondations du saut qualitatif qui sauvera notre pays de l’effondrement qui se profile au fil des nombreux discours politiciens facultatifs.
Le mathématicien avant-gardiste et père fondateur du déterminisme, Pierre-Simon de Laplace disait : “Si nous attribuons les phénomènes inexpliqués au hasard, ce n’est que par des lacunes de notre connaissance.”
Par ailleurs, nous constatons chaque jour que la démocratisation et la généralisation du séquençage génétique devient une priorité vitale pour la survie de l’humanité en tant qu’espèce. Les efforts de la communauté internationale devraient s’orienter vers le financement de la recherche et développement des outils biotechnologiques de base. En outre, la disponibilité de ce matériel dans tous les pays du monde devrait être considérée comme étant le devoir des institutions internationales.
En effet, la survie de notre espèce n’est plus sujette aux frontières… Le Sarscov2 ne choisit pas les pays qu’il touche selon leur PIB. La mondialisation condamne notre espèce grégaire à la coopération internationale.
Il devient urgent, avec les impératifs du nouveau contexte , d’établir un pôle de gouvernance technoscientifique afin de répondre au mieux aux crises (climatique, sanitaire, etc) et une véritable diplomatie scientifique qui saura drainer au mieux les meilleurs opportunités qu’offrent les divers programmes de coopération internationale.
L’avenir est à la recherche scientifique, le biomimétisme et la terraformation. Penser les solutions de demain est déjà l’impératif d’aujourd’hui. Des pays tels que la Corée du Sud, la Chine, Singapour, le Qatar, etc, l’ont très bien compris. Et, en quelques années, cet état d’esprit les a transformés en puissances mondiales.
Cette aventure, celle de l’esprit de conquête et d’excellence, nous est encore accessible si nous faisons front commun contre le dumping cognitif généralisé et la culture primitive de la primauté de l’égo.
Oui mais… demain…?
Demain, car aujourd’hui nous avons tous à faire…
Edgar Morin disait : »Nous pensons certes que nous vivons une évolution, une transformation, mais le virus (Coronavirus) nous rappelle que nous vivons une aventure, une aventure dans l’inconnu, l’aventure inouïe de l’espèce humaine. »
L’humanité nécessite une profonde remise en question de sa conception du vivant, de son rapport aux animaux non-humains, sa place au sein du biotope et le type d’organisation des gouvernances établies.
Une Tunisie sans leadership scientifique ne peut qu’être qu’un variant de suiveurs dans un monde en profonde mutation. Une mutation qui n’a pas attendu demain.

*Ingénieur en bioprocess / Microbiologiste
Vice Président du Mediterranean Development initiative

 

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