Covid : Marseille s’insurge contre un « quasi-confinement » et demande un délai de 10 jours

Colère, résignation, peur des conséquences économiques : à Marseille, nombre d’élus, de restaurateurs et d’habitants ont le sentiment d’être injustement punis après la décision du gouvernement de fermer bars et restaurants à partir de samedi pour lutter contre le Covid-19. Une mesure qui touche également la ville d’Aix-en-Provence. Les deux villes sont désormais placées en zone d’alerte maximale, comme l’a annoncé mercredi soir le ministre de la Santé.
*Un tour de vis vécu comme un « affront »
Le premier adjoint de Marseille Benoît Payan a dénoncé ce jeudi un « affront » après l’annonce « sans concertation » par le gouvernement de « restrictions incroyables », et réclamé un délai de 10 jours avant la mise en oeuvre de nouvelles mesures. « Une nouvelle fois, notre territoire est sanctionné, puni, montré du doigt », a fustigé le remplaçant de la maire de gauche Michèle Rubirola, qui a récemment subi une opération. « Il en va du respect de la deuxième ville de France », a-t-il tonné au cours d’une conférence de presse, assurant avoir dû lui-même appeler le ministre de la Santé avant sa prise de parole de mercredi pour obtenir des explications.
« Avec Madame la maire, nous demandons au gouvernement dix jours avant la mise en oeuvre de nouvelles mesures », a poursuivi Benoît Payan : « Si au bout de ces dix jours l’épidémie reprend, on est prêts à assumer ces décisions ». « Je ne crois pas que le gouvernement fasse la sourde oreille, je ne crois pas que le gouvernement s’entête et s’enferre dans son erreur », a-t-il ajouté. « Nous n’acceptons pas d’être l’outil d’une politique spectacle d’annonce d’un ministre qui peine à gérer ses échecs », a aussi dénoncé Benoît Payan, déplorant le placement de Marseille en « quasi-confinement ».
Le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, avait été le premier à parler d’une « punition collective extrêmement dure pour l’économie » locale, estimant que cette fermeture pendant 15 jours est un « quasi-reconfinement ».
La maire de Marseille, Michèle Rubirola, avait elle dès mercredi soir exprimé son « étonnement » et sa « colère » sur Twitter. « Rien dans la situation sanitaire ne justifie cette annonce », selon elle.
*Le manque de concertation pointé du doigt
« La violence des annonces d’Olivier Véran envers Marseille n’est pas acceptable. Il n’y a eu aucune concertation », avait déjà renchéri de son côté son premier-adjoint socialiste, Benoît Payan, estimant que la décision du gouvernement relève plus d’une « décision politique » qu’à « une gestion sanitaire crédible et sérieuse ». Sur Twitter, Michèle Rubirola, Benoît Payan et Olivier Véran ont réglé leurs comptes à propos du manque de concertation dénoncé par la gauche marseillaise.
Tous les élus dénoncent le changement de paradigme. Le 11 septembre, le Premier ministre français avait demandé au préfet des Bouches-du Rhône de prendre, après discussions avec les collectivités, des mesures complémentaires pour endiguer la progression de l’épidémie à Aix-Marseille. Il avait notamment décidé d’interdire les rassemblements de plus de 10 personnes dans les parcs et sur les plages et avait fixé à 1000 personnes la jauge pour les grands évènements.
Des décisions « concertées » rappelle Renaud Muselier, qui allaient dans le sens d’une « décentralisation de crise ». Et qui commençaient à porter ses fruits, assure-t-il, annonçant un taux d’incidence légèrement en baisse sur une semaine (de 228 à 193 pour 100 000 personnes).
« Paris considère qu’à Marseille, on est du menu fretin et qu’il n’y a pas besoin de nous informer ce qu’il se passe dans notre ville », a réagi Bernard Marty, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) des Bouches-du-Rhône, premier syndicat patronal des cafés, hôtels, restaurants. Pour ce secteur, tout cela sonne comme une « catastrophe économique », redoute la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence, Martine Vassal.
*Une « catastrophe économique » pour les bars et restaurants
Sur le Vieux-Port mercredi soir, certains sont venus partager pour la dernière fois, avant la fermeture prévue samedi, un plateau de fruits de mer, un verre ou une bouillabaisse. « J’ai joué le jeu je me suis confinée, j’ai dû arrêter mon activité professionnelle et tout ça pour ça », soupire Cathy Nardelli, qui gère un salon de thé dans un autre quartier de la deuxième ville de France. « Il y a eu une anarchie véritable tout l’été », beaucoup de touristes s’étant repliés sur le littoral français notamment à Marseille où la fréquentation a fortement augmenté, et « la situation s’est tellement dégradée donc effectivement, il y a un jour où il faut prendre des décisions plus drastiques », observe-t-elle résignée.
Avocat en déplacement professionnel, Frédéric Goule craint de ne pas pouvoir revenir voir ses clients le mois prochain si la fermeture perdure car il n’a d’autre choix que de manger à l’extérieur. « Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution, ce n’est pas parce qu’on ne va pas au restaurant que l’épidémie ne va pas se développer ». « Je comprends que la situation soit incontrôlée et qu’il faut prendre des mesures drastiques mais à mon avis il ne faut pas endommager encore plus l’économie parce que peut-être, la solution sera pire que le Covid », estime pour sa part, Fernando Alvarez Sanchez, ingénieur espagnol attablé à La Caravelle, bar historique avec sa terrasse offrant une vue plongeante sur le Vieux-Port. La Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence parle elle d’un « re-confinement économique ».
Pour les jeunes, pointés du doigt dans la propagation de l’épidémie, c’est « un cauchemar ». « Cela me peine beaucoup, je viens d’arriver dans la ville et sortir est une façon de rencontrer des gens, de découvrir la ville », explique Tanya Duffort, 21 ans, qui craint la multiplication des soirées privées. « Ils sont en train de tout refermer. C’est horrible. Ils n’auraient jamais dû laisser ouvert tous ces bars pourris », réagit Astrid, 23 ans, étudiante en école de commerce.
Et dans ce concert d’incompréhensions, le député LREM des Bouches-du-Rhône Saïd Ahamada préfère blâmer les élus locaux : « Facile de taper sur l’Etat quand vous n’avez rien fait durant tout l’été pour limiter la contamination », a-t-il lancé sur Twitter.
(L’Express, avec AFP)

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