Création d’entreprises : potentiels et illusions

On parle beaucoup depuis dix ans de création de petites et moyennes entreprises mais aussi de très petites entreprises, parfois à tort et à travers, avec une multiplicité de structures d’appui et de mécanismes de financement.

Le processus de création d’entreprises est conçu comme le moyen le plus adéquat de création d’emplois, et celui optimal pour les jeunes promoteurs diplômés de l’enseignement supérieur au chômage.

Certes, il y a de grandes potentialités à exploiter, vu que le tissu entrepreneurial tunisien manque de densité, mais compte tenu des évaluations faites par les autorités compétentes, de l’expérience enregistrée par la BTS depuis sa création (Banque tunisienne de solidarité) et autres banques ainsi que le décompte fait pour les faillites et entreprises en difficultés, il y a également beaucoup d’illusions qui méritent d’être dissipées.

Selon les déclarations les plus récentes du ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi, “84% des entreprises tunisiennes comptent moins de 10 employés et compte tenu de l’expérience antérieure, 80% des entreprises nouvellement créées font faillite au bout de deux ans”. Il y a là un constat très grave qui doit engendrer une révision profonde de notre stratégie en la matière.

Les motifs sont multiples selon le ministre et le ministère aurait mis au point un programme sur cinq ans permettant la formation des promoteurs durant un an, ce qui serait de nature à sauver 80% de ces entreprises de la faillite.

Les promoteurs bénéficieront d’une indemnité de 200 dinars par mois et il y aura ensuite durant deux ans un programme d’accompagnement par des experts du ministère, ou de la société civile, rémunérés par le ministère.

Le ministre a confirmé que 2000 entreprises en difficulté chaque année feront l’objet d’un soutien qui les sauverait de la faillite. Attendons de voir.

En effet, les illusions en la matière ne manquent pas : n’est pas chef d’entreprise qui veut, mais celui qui peut.

Il ne suffit pas d’avoir une idée de projet, une volonté de profit, tout à fait légitime par ailleurs, un certain capital et des concours bancaires, pour réussir à créer une entreprise prospère et pérenne.

En effet, il faudrait qu’il y ait un promoteur-chef d’équipe, donc une équipe de compétences, un marché ou une niche de marché, une compétitivité vis-à-vis du tissu entrepreneurial existant et surtout, une bonne gouvernance en matière financière et une expérience de la gestion des ressources humaines.

Quant on est au chômage, il n’est pas certain qu’on puisse réussir à créer un emploi pour soi-même et éventuellement pour d’autres et réussir dans la gestion d’une entreprise, même si on a un diplôme supérieur.

Créer et promouvoir une entreprise est une responsabilité difficile à assumer, ne peuvent y réussir que les cadres supérieurs et moyens qui ont une expérience professionnelle confirmée et un parcours réussi dans un secteur d’activité donné avec des relations et un savoir-faire commercial. Il ne s’agit pas de décourager les jeunes mais d’être réaliste. Cela fera économiser à la communauté nationale de lourdes pertes en capitaux dont on a cruellement besoin.

Si on veut accélérer la croissance économique et promouvoir l’emploi, la stratégie à mettre en application consisterait, d’une part, à multiplier les structures d’accompagnement et la formation des jeunes promoteurs pour garantir aux promoteurs un maximum de chances de succès et, d’autre part, encourager les cadres supérieurs et moyens ayant le profil de chef d’entreprise qui remplissent les conditions et qui ont la volonté de passer d’un statut contraignant de subalterne ou d’éternel second à un statut de patron à part entière, de devenir chef d’entreprise.

Par exemple une mise en disponibilité de deux ans permettant de retrouver son poste de directeur ou de chef de projet en cas d’échec.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana