Il est incontestable que plusieurs filières vitales pour notre agriculture connaissent des difficultés, structurelles et conjoncturelles à la fois, qui menacent leur prospérité, sinon leur survie, de façon cyclique, alors que les consommateurs sont perturbés dans leur approvisionnement quotidien et sont victimes de la flambée des prix d’une part, et des spéculateurs qui provoquent la pénurie, d’autre part. Or, l’agriculture tunisienne est en train de faire ses preuves de performance au niveau de la qualité et des volumes de production mais aussi de la compétitivité de ses produits à l’export.
C’est le cas des exportations d’huile d’olive, de dattes, d’agrumes, de divers fruits et légumes… sans négliger les produits de la mer.
Actuellement, toutes les filières agroalimentaires sont en crise ou risquent d’y sombrer à très court terme si l’on ne met pas en place des solutions efficaces, urgentes et durables, alors qu’elles disposent d’avantages compétitifs certains. Il y a des risques d’effondrement réel de l’ensemble de l’édifice agricole tunisien, ce qui serait un grand dommage pour le pays, alors que le gouvernement reste de marbre.
La pénurie du lait, la flambée du prix des viandes rouges, la crise de l’aviculture, la menace qui plane sur la filière de la tomate…
Parmi les aberrations de l’Administration tunisienne, on fixe d’abord le prix de vente au détail pour les consommateurs et on essaie ensuite de fixer les prix des différentes étapes intermédiaires en procédant à rebours. Par exemple pour le lait, on fixe le prix de vente public puis celui de la cession à la centrale laitière, du centre de collecte et enfin celui de l’éleveur.
Le résultat, c’est le producteur qui se trouve pénalisé : le coût des aliments composés qui représentent 70% du prix de revient ayant flambé suite à la chute du dinar, l’éleveur ne peut continuer à perdre de l’argent, il est contraint de brader son cheptel. C’est l’effondrement du secteur de l’élevage. L’Etat, au lieu de subventionner l’éleveur, compense la consommation et l’importation.
Il faudrait que notre pays mette en application le système de la vérité des prix.
En fait, cela impliquerait une flambée des prix encore plus élevée que l’inflation actuelle, susceptible de provoquer des réactions populaires violentes.
Mais il faut savoir cependant qu’en matière économique, il y a le pragmatisme qu’on appelle « les coûts de production” qui doivent être comptabilisés et respectés et les producteurs ne doivent pas vendre à perte : ils doivent au contraire vivre dignement et faire des bénéfices pour pouvoir réinvestir, créer de l’emploi et développer leurs exploitations.
Par contre, il faut optimiser les coûts de production pour faire baisser les charges et, par conséquent, rationaliser les prix.
A condition qu’il y ait une stratégie claire avec des objectifs précis, un plan d’action avec des étapes à franchir, des moyens à mobiliser et des financements disponibles.
L’assistance technique et la coopération financière de l’Union européenne sont évidemment nécessaires pour la réussite de ce programme.
Il est absolument indispensable de mettre à exécution en même temps, des politiques d’incitation en faveur des producteurs agricoles pour les pousser à investir et à moderniser, de nature à leur permettre d’assurer la rentabilité et la productivité de leurs exploitations dans les secteurs porteurs.
Mais aussi de subventionner les catégories sociales précaires de consommateurs pour les aider à supporter le coût de la vérité des prix et compenser ainsi la flambée attendue des prix.
La conclusion d’un accord relatif à l’instauration de l’ALECA (accord de libre-échange complet et approfondi) avec l’Union européenne, ne saurait tarder, compte tenu des engagements pris par le gouvernement, et ce, malgré l’opposition de l’UTAP et du Synagri.
Il risque de provoquer l’invasion du marché tunisien par les produits agricoles et alimentaires européens aux dépens des producteurs tunisiens.
Cependant, un moratoire de dix ans serait le bienvenu pour ménager une période de restructuration de l’agriculture tunisienne afin de lui permettre de faire face aux chocs externes de l’ouverture du marché à la concurrence.
La mise à niveau du secteur agricole exigerait un délai raisonnable de dix ans minimum, compte tenu du manque de moyens techniques, de la vétusté des infrastructures, des structures agraires inadaptées et de l’insuffisance de l’organisation des producteurs et des circuits de distribution.
Il s’agit de promouvoir une agriculture intensive faite de niches de produits à valeur ajoutée élevée, exportables et appréciées sur les marchés extérieurs : produits bio, huile d’olive, dattes, grenades d’arrière-saison, agrumes, légumes et fruits en primeurs, raisin de table, asperges, fleurs, poissons et fruits de mer conditionnés et dans le strict respect des normes européennes, avec une traçabilité éprouvée, ce qui nécessite la construction d’un nouveau marché de gros ultramoderne.