La migration irrégulière est un phénomène mondial. Tous les pays y sont confrontés à des degrés différents en termes de flux, de contraintes d’accueil et de difficultés de rapatriement. Mais quand la situation dégénère et qu’elle menace l’ordre public et la sécurité du pays d’accueil, la réponse des pouvoirs publics doit être à la hauteur du danger imminent et des enjeux nationaux. Dans le cas échéant, la Tunisie ne peut se contenter de se soucier du seul respect des accords internationaux et des desiderata des organisations internationales quand ces dernières observent, laissent faire, n’assument rien et tapent sur les autorités tunisiennes, le président de la République en tête, à chaque fois qu’elles tentent de juguler le phénomène et de rétablir l’ordre. La recrudescence de la violence dans les quartiers entre migrants subsahariens irréguliers et habitants tunisiens et entre migrants eux-mêmes menace d’exploser en guérilla urbaine, ce qui confère à la question migratoire, aujourd’hui plus que jamais auparavant, une dimension régionale et internationale.
La situation dégénère, elle est au bord du point de non-retour, de l’irréparable. A Sfax, les affrontements entre habitants et migrants subsahariens irréguliers se multiplient et gagnent en violence avec mort d’hommes. Des habitants de certaines localités du gouvernorat affirment ne plus sortir de chez eux le soir de peur d’être attaqués par des migrants violents et dangereux.
L’impatience grimpe des deux côtés : les habitants, ne supportant plus les comportements agressifs et irrespectueux des migrants subsahariens irréguliers, menacent de se rebeller et d’assurer leur propre défense, et les migrants, excédés par le fait d’être empêchés de prendre le large vers les rives européennes, font fi de toutes les lois et des règles de bienséance et poussent l’outrage jusqu’à défier, physiquement, les forces de l’ordre. Certains témoignages d’autochtones sont sidérants, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux l’attestent : « Ils ont mis en place des sortes de structures sociales et sécuritaires spécifiques qu’ils gèrent comme un Etat dans l’Etat », « ils saccagent les plantations, attaquent des familles dans leurs maisons pour les spolier, occupent l’espace public sans aucun égard aux règles de salubrité, s’affrontent entre eux en bandes rivales à la machette, aux couteaux, avec des bâtons ou des barres de fer ». Ils squattent par centaines des terrains agricoles, occupent les lieux au grand dam des propriétaires impuissants face à la spoliation de leurs terres, coupent des oliviers centenaires, des amandiers et autres arbres fruitiers pour faire du feu, les troncs sont utilisés comme des cuvettes, y creusent des forages non autorisés de puits d’eau… Le tout, dans un silence fébrile des autorités politiques qui sont mises au pilori par les médias occidentaux, notamment européens, et par les organisations internationales de défense des droits de l’homme qui ne ratent aucune occasion pour attaquer la Tunisie dans sa gestion de la question migratoire relative aux migrants subsahariens irréguliers. Ils dénoncent un traitement « raciste » de la question migratoire tout en occultant tous les problèmes sécuritaires, économiques et sociaux auxquels font face les Tunisiens, pouvoirs publics et citoyens. Ils sont des milliers de migrants clandestins (23.000, chiffres officiels du ministère de l’Intérieur, 100.000, chiffres non officiels) coincés en Tunisie et principalement concentrés à Sfax et dans les localités environnantes, jadis zone de grand départ vers l’Europe.
Empêchés de rejoindre l’Europe
L’Europe s’est bien débarrassée de ces migrants grâce à la collaboration efficace de la Tunisie, les arrivées des clandestins africains en Europe ont dégringolé depuis la signature de l’accord de la Tunisie avec l’UE en 2023. Mais l’UE ne bouge pas le petit doigt pour aider la Tunisie à contenir à son tour ce fléau. Pire, les médias occidentaux et les ONG financées par l’UE mènent des campagnes de presse obsessionnelles et hostiles à la Tunisie à chaque tentative de limitation des flux de migrants subsahariens ou de rapatriement vers les pays d’origine.
L’Europe a intérêt que la baisse des flux migratoires soit préservée, mais pour ce faire, elle se doit de bien protéger ses frontières qui ne s’arrêtent pas à la rive sud de la Méditerranée mais se prolongent jusqu’aux frontières sud de la Tunisie. Car, à l’origine, les milliers de migrants africains clandestins ne viennent pas en Tunisie pour y rester mais pour rejoindre les côtes européennes, notamment italiennes. La Tunisie est un pays de transit et ses frontières sont un point de passage vers l’Europe. Sauf que, dès lors que la Tunisie leur bloque la route maritime vers l’Europe et les empêche de partir, ils restent et refusent de retourner dans leurs pays d’origine en attendant l’occasion de prendre le large, un jour.
Pour les habitants des régions envahies, notamment dans le gouvernorat de Sfax, le rapatriement des migrants subsahariens irréguliers est désormais la priorité et ils en appellent au chef de l’Etat pour prendre les mesures efficaces qui s’imposent. Des députés vont jusqu’à exiger leur expulsion, expliquant que « les agressions des citoyens tunisiens par des migrants irréguliers (nous) accordent la légitimité internationale pour défendre nos concitoyens». Le député de la région de Sfax, Tarak Mahdi, décrit au micro d’une radio privée l’ampleur du phénomène en soupçonnant la présence d’éléments terroristes de Boko Haram et des milices appelées les Bérets rouges, des éléments violents très bien entraînés au maniement des armes blanches et aux combats. Et l’élu de pointer les défis démographiques en citant des centaines de naissances en quelques jours (400) rien que dans les hôpitaux de Sfax, sans compter les naissances hors services hospitaliers dans les campements aménagés notamment dans les champs d’oliviers. Pour ces milliers de migrants, il s’agit de survivre coûte que coûte, par le vol, par l’expropriation de terres, le squat de logements ou d’espaces publics, surtout après que les autorités tunisiennes ont bloqué les financements étrangers des associations qui finançaient les migrants clandestins. Ils sont prêts à tout. Ils n’ont plus rien à perdre.
L’urgence d’une mobilisation régionale et internationale
La Tunisie ne peut faire face, seule, à ce phénomène au demeurant mondial sans l’aide internationale et sans la collaboration des pays d’origine et des pays de transit. Les gouvernements européens et les ONG internationales ne peuvent se contenter de scruter et de critiquer les faits et gestes de la Tunisie, un pays en difficultés économiques, peu nanti en moyens logistiques pour faire face aux flux, mais qui, malgré tout, gère au mieux la crise en menant des opérations de rapatriement volontaire en coordination étroite avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une coordination saluée par le chef de mission de l’Organisation en Tunisie lors de son entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, le 12 mars courant. Au cours de l’audience, le ministre a rappelé l’importance de la conjugaison des efforts et de la coordination entre toutes les parties intervenantes dans le cadre de la mise en œuvre des programmes de coopération avec l’OIM, notamment pour ce qui concerne le retour volontaire des migrants en situation irrégulière. Le ministre a insisté sur l’intensification des campagnes de sensibilisation pour le retour volontaire menées par l’Organisation auprès des migrants et sur les opportunités de réinsertion dans les pays d’origine. L’occasion, également, pour le ministre des Affaires étrangères de rappeler la position inchangée de la Tunisie, celle de refuser d’être un pays de transit ou d’installation pour les migrants en situation irrégulière tout en exprimant l’attachement de la Tunisie à garantir un retour volontaire des migrants vers leurs pays d’origine dans le respect de la dignité humaine et de ses obligations internationales.
C’est d’une mobilisation régionale et internationale dont a besoin la Tunisie pour juguler les flux migratoires à destination des frontières européennes, la coopération avec les pays d’origine et les pays voisins est également essentielle, sinon la vague migratoire va monter crescendo jusqu’à déborder dans tous les sens et devenir incontrôlable.