Crise du Bassin minier: Urgence d’un plan de développement intégré

La CPG est actuellement au bord du gouffre, elle risque de faire faillite dans les mois qui viennent, à moins d’un sursaut salvateur qui tarde à venir.

Avec 8 carrières à ciel ouvert et 5 usines de traitement des phosphates, la CPG qui n’a besoin que de cinq mille salariés, or elle en compte à ce jour huit mille. Deux mille salariés en charge de la protection de l’environnement et relevant d’une filiale de la CPG émargent sur la CPG, sans accomplir aucune tâche.

Avec le Groupe chimique implanté à Gabès, la Skhira et Sfax et la société en charge du transport, le Groupe compte 18.000 salariés alors que la production n’a pas dépassé 3,2 MT en 2015 contre 8 MT en 2010. Après avoir beaucoup investi dans les équipements mécanisés, l’emploi a été multiplié par trois : inflation des coûts.

La CPG n’est pas totalement responsable de cette situation qui lui a été imposée par les sans-emploi de la région qui bloquent les accès aux lieux de travail et empêchent le transport des phosphates. Elle est plutôt victime sans être pour autant innocente. La CPG ne peut recruter tous les chercheurs d’emploi de la région qui revendiquent les salaires élevés de la compagnie.

La responsabilité incombe en fait à l’Etat et à la CPG conjoints et solidaires, qui ont exploité le phosphate dans la région durant des décennies, sans réinvestir une partie des recettes dans la diversification des activités économiques : industries manufacturières, agriculture, transformations agroalimentaires, tourisme, centres commerciaux sans parler des différentes infrastructures.

Sans modernisation et renforcement des réalisations à caractère social et culturel : hôpitaux, universités, centres de formation professionnelle, espaces verts.

Il faut dire aussi qu’il y a eu pollution à outrance de l’environnement avec les rejets atmosphériques et hydriques qui ont perturbé arboriculture, cultures annuelles et pâturages.

Si la région n’offre pas d’emplois pour les jeunes diplômés, ni de perspectives économiques meilleures pour les adultes, ni d’infrastructures sociales et culturelles la population est acculée à des revendications légitimes mais qui ne doivent pas empêcher ceux qui “produisent la richesse” de travailler : on ne doit pas tuer la poule aux œufs d’or.

L’évolution récente de ces dernières années de la rentabilité et de la compétitivité de l’entreprise en disent long sur une agonie  lente mais sûre. En 2010, la CPG occupait le 4e rang mondial, alors qu’en 2015 elle a régressé au 9e rang. Les conditions naturelles de l’exploitation se détériorent.

Il y a quelques années, le ratio de production était de 4 : extraction de 4 tonnes pour obtenir 1 tonne de phosphate. Il est aujourd’hui de 9. C’est dire que coût de revient de la tonne a grimpé allègrement surtout avec le blocage de la voie ferrée pour le transport du phosphate par camions qui coûte 4 fois plus cher et enrichit de façon illicite une minorité de barons improvisés transporteurs pour la circonstance grâce au leasing et aux barrages sur la voie ferrée.

La responsabilité sociétale de la CPG ne fait pas l’ombre d’un doute, elle découle d’un héritage historique lorsque la compagnie Sfax-Gafsa construisait des logements pour tout le personnel, payait l’eau et l’électricité à tous dans les centres miniers et prenait en charge tous les frais sociaux et médicaux.

De nos jours, la situation a changé, mais la CPG continue à consentir un gros budget aux activités socio-culturelles et sportives dans tous les centres miniers.

Il faut reconnaître cependant que le tort de la CPG entre autres carences, consiste à n’avoir ni stratégie de communication, ni instrument pour faire savoir toutes les actions citoyennes entreprises, tous les financements consentis au profit des actions sociales car la compagnie fait beaucoup.

L’Etat doit prendre des engagements et assumer ses responsabilités pour éviter que le patrimoine phosphatier ne s’écroule et ne soit perdu à jamais.

Jusqu’ici, les gouvernements successifs n’ont jamais négocié avec la société civile de la région à un haut niveau pour trouver des solutions globales à la crise qui s’approfondit chaque jour un peu plus.

Il est grand temps et il y a une nécessité d’un forum de dialogue approfondi impliquant la participation du gouvernement, de l’administration, des responsables de la CPG et de la société civile, au plus haut niveau pour jeter les bases d’un accord global destiné à relancer la paix sociale dans le bassin minier de Gafsa, y compris la relance de l’activité de la CPG.

Ce forum doit déboucher sur un plan de développement intégré réalisable sur 5 à 10 ans avec des objectifs précis et des projets concrets.

L’Etat doit donner l’exemple avec la réalisation d’infrastructure de base et de grands projets de développement.

Il doit inciter les groupes industriels privés et les banques à financer des projets économiques pour créer des emplois massifs et durables dans d’autres secteurs que les phosphates pour diversifier l’économie de la région.

Les secteurs de la santé, de l’assistance sociale et de l’éducation doivent être renforcés de façon sensible.

Il s’agit de transformer le visage et le contenu socio-économique de toute la région pour instaurer la confiance dans l’avenir sinon la joie de vivre.

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