Polémique autour de l’adoption du projet d’amendement de la loi sur le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Adoptée mardi 28 mars par l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), le texte a eu l’effet d’une bombe sur la scène politique, attirant les foudres des opposants au dit projet, à l’instar de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) et de l’opposition à l’ARP.
Mongi Rahoui, député du Front Populaire (FP), a fustigé cette adoption, dénonçant la volonté d’une main mise de « certaines parties » sur le pouvoir judiciaire. Dans une déclaration accordée à Réalités Online, il affirme qu’à l’heure actuelle 35 signatures de députés ont été collectées dans une pétition pour dénoncer l’inconstitutionnalité de l’amendement auprès de l’Instance Provisoire de vérification de la constitutionnalité des lois.
« Une manière de contourner la décision du Tribunal Administratif »
« On ne peut concevoir le fait d’amender une loi qui n’est même pas encore entrée en vigueur », déclare-t-il, faisant référence à la loi sur le CSM. Il ne s’agit, selon lui, que d’une façon de contourner une décision de Justice, à savoir celle du Tribunal Administratif qui, pour mettre fin à la polémique, a décidé de suspendre les décisions prises par le CSM. « C’est un véritable signe de tyrannie. Le pouvoir législatif conçoit une loi pour contourner une décision de Justice », déplore Mongi Rahoui, qui souligne que l’amendement intervient alors qu’une minorité au sein du CSM n’a pas apprécié l’orientation générale adoptée par le Conseil.
De longues discussions ont été entamées après la proposition de l’amendement de la loi sur le CSM, selon le frontiste. « Il y a ceux qui veulent un pouvoir judiciaire indépendant, et ceux qui veulent le transformer en un instrument entre les mains du pouvoir exécutif, ce qui est inacceptable », précise-t-il.
« Ennahdha et ses intentions d’instrumentaliser le pouvoir judiciaire »
Le frontiste dénonce, par ailleurs, l’implication d’Ennahdha dans cette situation. Il rappelle que le parti, à défaut de détenir une majorité au sein de l’Assemblée Générale du CSM, détient la majorité au sein de la Magistrature Judiciaire, qui est un organe sectoriel du CSM – avec la Magistrature financière et la Magistrature Administrative -. « Il revient à l’Assemblée Générale de fixer les candidatures et les promotions des magistrats. Sachant qu’elle n’y détient pas la majorité, Ennahdha a fait en sorte que les candidatures et les promotions des magistrats relèvent de la compétence de la Magistrature Judiciaire, c’est-à-dire, là où elle a la majorité. Et quand on on contrôle la Magistrature Judiciaire, on contrôle une bonne partie de la Justice. L’AMT était là pour stopper et dénoncer cette tendance soutenue par Noureddine Bhiri du parti Ennahdha », déclare encore le député du FP.
Il explique, d’autre part, que le parti islamiste a apporté un soutien absolu au projet d’amendement de la loi sur le CSM lors de la séance plénière consacrée au vote. « Nidaa Tounes était hésitant, mais après avoir reçu des instructions, il a fini par voter pour l’amendement. Afek Tounes a voté librement, idem pour Machrou3 Tounes. Quand à l’opposition, elle s’est prononcée à l’unanimité contre le projet d’amendement », précise Mongi Rahoui. Des éléments qui, selon lui, mettent en évidence la lutte entre ceux qui défendent un pouvoir judiciaire indépendant, à savoir l’opposition, et ceux qui veulent instrumentaliser ce pouvoir, donc Ennahdha.
Le député du Front Populaire rappelle, à la fin, qu’il s’agit d’une guerre ancienne, déclenchée depuis l’époque de Ben Ali. « On veut faire la même chose qu’avant : avoir la main mise sur le CSM. Ces pratiques ont été observées même durant l’ère de la Troïka avec l’amnistie générale, les ligues de protection de la révolution et les nominations hasardeuses. On en a vu de toutes les couleurs ! », a-t-il conclu.