Daech s’installe en Libye , Notre sécurité nationale est en jeu

Dans un précédent numéro de Réalités, nous avons prévenu du danger que représente le groupe terroriste «DAECH» ou le prétendu État Islamique sur le sol libyen et ses menaces directes visant la Tunisie.  Selon toute vraisemblance, des combattants dudit «État islamique» au nombre de 3.000 seraient prêts à entrer en action sur notre territoire. Le chef de ce groupe terroriste, Aboubakr al Baghdadi, ne mâche pas ses mots en considérant la Tunisie comme un territoire «à reconquérir» étant donné que la«brigadeOkba Ibn Nafaâ» le représente en territoire nord-africain et sur la frontière tuniso-algérienne en particulier.

C’est donc bien dans une phase décisive que la Tunisie, seul pays arabe à entrevoir une issue heureuse après les révolutions du «Printemps arabe», que le terrorisme de Daech annonce sans ambages ses intentions de viser la Tunisie.

Fort heureusement pour la Tunisie le premier tour des élections s’est déroulé dans de bonnes conditions sécuritaires ; aucune action terroriste n’est à déplorer. La coordination entre la police, la Garde nationale et l’Armée, a été efficace grâce à une mobilisation impressionnante. Mais alors même que la Tunisie est en passe de se positionner en leader dans le monde arabe par son engagement dans un véritable processus démocratique, la menace dudit État islamique se fait lourdement sentir. L’«étranglement» de cette nébuleuse au Moyen-Orient par une coalition internationale laisse fortement présumer que ce groupuscule terroriste va déménager bientôt vers le Maghreb et le Sahel subsaharien.

 

Le ciblage par le terrorisme du processus électoral tunisien

Les menaces qui ciblent tout le processus électoral en Tunisie sont bien réelles. C’est ce qui ressort des différentes déclarations aussi bien du ministre de l’Intérieur que du porte-parole du gouvernement que des représentants des syndicats de police. Il faut dire qu’après la réussite des élections législatives et les coups de filets opérés dans de nombreuses localités, l’opération de Neber a été une réponse implicite fournie par les groupes terroristes qu’ils existent et peuvent toujours agir. Toute la crainte s’est transposée sur l’élection présidentielles. Des assassinats des candidats à la présidence étaient à l’ordre du jour de ces groupes dans la zone tampon entre la Tunisie et l’Algérie. Des mesures sécuritaires drastiques ont été alors engagées afin d’assurer la protection des bureaux de vote en prévision de l’élection présidentielle du 23 novembre. Quand nous reprenons les aveux de Makrem Mouelhi, le terroriste arrêté, ils dévoilent toute la stratégie du groupe dit «Okba Ibn Nafaa» afin de troubler la marche tunisienne vers la démocratie. Dans son récit, il indique que les régions les plus visées se trouvent à l’intérieur du pays, à l’instar des zones montagneuses de Kasserine, Kef et Jendouba où les forces sécuritaires ont, tout en concédant un lourd tribut en pertes humaines, réussi à resserrer l’étau autour de ces groupes. Mouelhi n’a pas omis de mentionner que les terroristes cantonnés sur la frontière tuniso-algérienne avaient subi d’importants revers et de ce fait leur nombre a été considérablement réduit, des renforts sont attendus qui viendraient pour la plupart d’Algérie. Quelque 15 à 20 terroristes algériens auraient rejoint les groupes retranchés dans les montagnes tunisiennes afin de prêter main-forte à leurs frères d’arme.

Les terroristes tiennent les régions montagneuses pour fiefs, à cause de la difficulté qu’ils rencontrent à s’installer dans les grandes villes tunisiennes et même les villages frontaliers. Non seulement la vigilance sécuritaire est vive, mais elle est aussi efficace pour parer ces infiltrations compte tenu d’une importante mobilisation sécuritaire et citoyenne. À ce titre notons les derniers coups de filets opérés soit par la police ou la Garde nationale  grâce à la vigilance citoyenne qui a permis de dénoncer des activités de personnes suspectes

L’ordre a été donné par le chef d’AQMI, l’Algérien Lokman Abou Sakhr, d’intensifier les frappes en Tunisie afin de saboter le processus électoral tunisien. Béji Caïd Essebsi, Hamma Hammami font partie des personnalités ciblées par ces groupuscules terroristes.

 

DAECH et ses acolytes au Maghreb et en Tunisie

La crainte se fait grande aujourd’hui quand on sait que de nombreux groupuscules terroristes font désormais allégeance à ce prétendu «Califat» d’Al Baghdadi, chef dudit «État Islamique» communément dit DAECH et qui prônent une interprétation radicale et déformée de l’Islam. Alors que des chefs d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique et la nébuleuse katiba Okba Ibn Nafaa) se divisent sur la question, les groupes terroristes Ansar Charia et le Mujao ont déjà proclamé leur allégeance à l’État islamique. Après la Libye et la Tunisie, l’Algérie fait aussi partie du plan d’expansion de Daech.

Quand on sait aujourd’hui la guerre que mène la coalition internationale contre le groupe terroriste de Daech en Irak et en Syrie, on imagine la forte probabilité de pénétration dans le territoire du Maghreb de ses tentatives. La ville de Derna, à l’Est de la Libye, représente aujourd’hui le noyau central, voire la pépinière de ce prétendu État qui ne donne pas seulement des parades et des démonstrations de force, mais commence d’ores et déjà à semer la terreur et à instaurer un régime de gouvernance sur la ville. On parle de dizaines de cellules dormantes qui assureraient la prise en charge et le transfert de terroristes de Daech de la Libye jusqu’en Syrie ou en Irak, des groupes militaires et paramilitaires ont proclamé leur adhésion à l’État islamique. Avec les sérieux revers subis récemment, le renversement de tendance par le retour de ces terroristes en territoire libyen ne tardera sûrement pas à se faire remarquer, d’où l’inquiétude des pays voisins.

“Derna” est sans doute un cas éloquent de sanctuaire des islamistes radicaux au Maghreb. La ville, reconvertie en bastion des groupes des islamistes radicaux, est divisée par des affrontements armés entre les militants de la «Brigade des Martyrs d’Abu Slim» affiliée à Ansar al-Sharia et le «Conseil de la jeunesse islamique» affilié à l’EI,, autrement dit Daech. Les assassinats ciblés sont devenus monnaie courante. Ainsi, le colonel Salwa Hindawi a été assassinée devant son domicile et c’est la quatrième femme assassinée dans cette ville.

Entre la Tunisie et l’Algérie ladite «Katiba Okba Ibn Naafa», issue de la nébuleuse d’Al-Qaida au Maghreb islamique, a récemment prêté allégeance à Daech. Cette katibaa a été responsable, au mois de juillet dernier, de deux attaques où 14 soldats tunisiens ont été tués. Cette Katiba renferme plus de 50% des effectifs d’Al-Qaida. La Tunisie considère  Daech comme «une menace pour tous les États de la région» au même titre qu’«Ansar al Sharia».  En Algérie, des cellules dormantes ont déjà été constituées pour l’essentiel par des dissidents d’AQMI.

En Algérie, ladite «Jound al khilafa», avec sa brigade armée «Katibaa Khaled Abou Souleiman» créée en 2011 et dirigée par Faouzi Abdelmalek et qui regroupe plus de 100 terroristes, avait en septembre 2014 prêté allégeance à Daech. Ce groupuscule terroriste agit dans un triangle situé entre Boumerdes-Tizi-Ouzou et Bouira (des régions montagneuses). Cette dite katibaa est équipée en armes légères et possède une logistique qui lui permet de mener des opérations éclairs telles que les attentats, les assassinats, le rapt, etc. La cadence avec laquelle des groupuscules terroristes liés pour la plupart à Al Qaida au Maghreb islamique font allégeance à Daech est inquiétante. Leur nombre dans tout le Maghreb et le Sahel oscille entre 3.000 et 5.000 individus.Mais en réalité ce qui importe c’est le potentiel de nuisance de ces terroristes et non leur nombre, car dans une guerre asymétrique l’effet de surprise et la ruse sont décisifs.

 

Ansar al Sharia, AQMI, DAECH, des menaces réelles pour notre sécurité 

Bien que l’on parle d’une différence entre Al-Qaida et DAECH, nous ne pensons pas qu’elle soit fondamentale au niveau du terrain et des possibilités de compromettre la sécurité nationale. Daech, avec l’édification dudit Khalifat,celui de Baghdadi, commence à rassembler autour de lui cette chimère qu’il puise de l’histoire, mais en la déformant.

Après l’annonce de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis d’inscrire les Frères musulmans et plus de 80 autres organisations islamistes sur la liste noire des organisations terroristes, l’ONU a pour sa part statué sur Ansar al Sharia en Libye en l’intégrant dans la fameuse liste noire. Ainsi, cette organisation n’intégrera pas le dialogue national et sera combattue à l’instar de Daech et d’AQMI. L’ambassadeur de France auprès de l’ONU, François Delattre, a salué une telle décision, car elle permet selon lui de «tracer une frontière claire entre, d’un côté lesdits “djihadistes” avec lesquels aucun dialogue n’est possible et de l’autre les autres parties libyennes —islamistes ou non, d’ailleurs —qui doivent rejoindre le dialogue engagé par le représentant spécial, Bernardino Leon (chef de la mission d’appui des Nations Unies en Libye.)»

L’organisation Ansar Al-Sharia est particulièrement bien implantée à Benghazi, deuxième ville de Libye. Le groupe était déjà classé comme «terroriste» par les États-Unis et les autorités libyennes. Il a été accusé d’être impliqué dans l’attentat qui avait coûté la vie en septembre 2012 à l’ambassadeur américain ainsi qu’à trois autres ressortissants américains, à Benghazi.

De la nécessité d’identifier les groupes terroristes

Selon les documents déposés le 19 novembre par les trois pays ayant réclamé cette inscription sur la liste noire de l’ONU, la branche de Benghazi a dirigé plusieurs camps d’entraînement pour des combattants, principalement de Syrie d’Irak, et du Mali dans une moindre mesure. La moitié des 24 personnes qui ont attaqué le complexe gazier d’Amenas en Algérie en 2013 avaient fréquenté ces derniers.Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, avait qualifié la Libye de «poudrière terroriste», lors d’une réunion de haut niveau aux Nations unies consacrée à ce pays plongé dans le chaos depuis la chute du régime Kadhafi, en 2011. Il avait demandé à cette occasion l’inscription d’Ansar Al-Sharia sur la liste noire de l’ONU.La décision prise mercredi 19 novembre va affecter les branches du groupe à Benghazi et Derna.

 

Stratégie de DAECH au Maghreb et au Sahel

La priorité de ce groupuscule terroriste se consacre tout d’abord au facteur humain et consiste en premier à créer une réserve de terroristes déterminés. Il est donc une priorité pour ce groupe de recruter des jeunes «djihadistes», les entraîner pour les envoyer en Syrie, en Irak, en Libye et dans le sud-ouest de la Tunisie. D’autre part, selon des éléments détenus, le groupuscule Daech cible la création de cellules dormantes à l’intérieur même des pays – Algérie, Libye, Maroc et Tunisie – en s’appuyant sur de nouveaux recrutements ou sur des combattants qui rentrent chez eux.

Officiellement, Abdelmalek Droukdel a refusé de reconnaître l’État islamique, préférant renouveler son allégeance à Al Zawahiri. Dans un communiqué relayé par SITE, le réseau américain de surveillance des islamistes, il a ajouté : «C’est une bay’ah fondée sur la charia, envers laquelle nous sommes engagés et nous n’avons rien vu qui pourrait nous inciter à la révoquer.»

 

Se prémunir d’un danger terroriste grandissant

Les menaces de Daech sur le Maghreb sont devenues une réalité et ne sont pas de simples craintes ou suspicions. L’alliance à ce groupe terroriste de nombreux éléments d’Al-Qaida au Maghreb islamique et les récents événements en Libye, particulièrement ceux survenus à Derna, viennent confirmer l’implantation de ce danger sur nos frontières. Car si en Syrie et en Irak ce groupe est combattu par une alliance internationale regroupant plus de quarante pays, la donne libyenne est toute autre. Dans ce contexte d’anarchie, l’appel international se fait de plus en plus pressant, une stratégie des pays voisins de la Libye doit se mettre au plus vite en place afin de parer à cet imminent danger qui guette toute la région du Maghreb.

L’Algérie et le Maroc peuvent-ils mettre leurs querelles de côté et entrevoir une stratégie d’ensemble avec la Tunisie et le semblant d’État en Libye pour organiser d’une façon efficace la lutte contre ce fléau considéré aujourd’hui comme le premier danger à combattre ?

Toute guerre est une décision coordonée tout d’abord politiquement, que font alors nos politiques aujourd’hui contre ce terrorisme sans frontières qui menace l’entité même de nos États ?

Fayçal Chérif

 

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