«Dame de cœur» de l’Orchestre national de Barbès : Éloge du métissage

Prenez une gigantesque marmite à Barbès, mettez-y du raï, du rock, du gnaoua, du chaâbi, de la soul, du reggae, de la musette en passant par le slam, et vous obtiendrez une recette unique, savoureuse et variée dans la catégorie musique alternative.

Vous l’aurez deviné, l’Orchestre national de Barbès (ONB) s’est remis aux fourneaux et nous a concocté un nouvel opus dédié « à toutes les femmes », Dame de cœur. Un clin d’œil traduit jusque dans la participation de cinq femmes, ou plutôt « cinq copines », comme dirait Luis Saldanha, manager et réalisateur de l’ONB, à six des quatorze chansons de cet album. « On a tenu à rendre hommage à toutes les femmes qui endurent, depuis des millénaires, des moments difficiles », explique Luis.

Exacerbé par la question qui ressort à chaque rencontre avec des journalistes – « Pourquoi n’y-a-t-il pas de femmes dans votre groupe ? » – l’ONB, à travers Dame de cœur, met définitivement un terme à cette polémique que les journalistes de l’Hexagone aiment traîner avec eux au fil des années. Agacés, les membres du groupe ont répondu un jour, sur le ton de l’humour : « Nous sommes tous homosexuels ! » « Et puis, comme le rappelle Luis Saldanha, chez Mano Negra non plus il n’y avait pas de femmes».

De la danse à la réflexion

ONB, un confluent d’artistes d’origine marocaine, algérienne, tunisienne, française et portugaise revient avec des sons qui, d’entrée de jeu, vous feront gigoter de votre siège de bureau ou de métro. Mais, avouons-le, ils vous flanqueront aussi des frissons sur des airs mélancoliques, notamment avec le titre Rbeyna. Les conseils d’une mère et d’un père pour éviter à leurs progénitures de s’égarer. La morale de l’histoire est parfaitement racontée par Malouma et Basile Theoleyre : «Qu’importe d’où l’on vient, ce qui compte c’est où l’on va ».

Mais soyez-en rassurés ! La joyeuse troupe de l’ONB est de retour avec un album toujours aussi festif et coloré. A l’image d’un groupe qui officie à travers le monde depuis 18 ans maintenant.

Sa réputation, ONB l’a acquise à travers son brassage musical. Un pari osé qui, autant que jadis, continue de séduire le public. “Dame de cœur”, c’est un nouveau voyage que nous offre l’ONG aux rythmes des percussions (darbouka, bongo, conga, bendir), des basses, des guitares ou encore de la batterie. Une mixité d’instruments qui constitue la marque de fabrique de ce groupe mythique… Il poursuit le brassage musical et invite les femmes à partager cette aventure. Six chanteuses donnent une tonalité plus féminine à cet album, plus douce et subtile, diraient certains.

Dès le premier titre de «Dame de Cœur», le ton est donné. «Méditerranée» rappelle que ce groupe est avant tout né d’un métissage. Celui des pays qui entourent la Méditerranée, le Portugal en plus. Un formidable croisement entre les cultures que seul le quartier de Barbès pouvait offrir. Puis, arrivent des morceaux plus explicites de ce mélange des cultures. Des titres chantés en arabe où le raï côtoie le chaabi, chuchote aux sonorités gnawa. Un joyeux mélange comme une ode à la Méditerranée.

L’orchestre national de Barbès a 18 ans. 18 ans? C’est l’âge de la majorité et peut-être celui d’une certaine maturité. Au fil de l’écoute, tout doucement, le style change, s’éloigne des sons d’Afrique du Nord. «Dame de cœur» invite les femmes, des amies chanteuses dans d’improbables duos. Au fil de l’écoute, c’est toute une jeunesse insouciante qui s’envole. Les voix se posent. Le blues s’empare du groupe pour proposer des titres moins frivoles.

Et parce que l’Orchestre de Barbès est avant tout une aventure parisienne, la chanson «Adrien» est un hommage à ce «Parigot». Aux huit membres déjà présents, ont été récemment intégrés un jeune titi parisien au chant et à la trompette, un saxophoniste survolté, et un batteur. De quoi donner une nouvelle impulsion au groupe. Un nouveau rythme aussi.

Finalement, si cet album reste fidèle d’une certaine manière aux rythmes et à l’énergie auquels le groupe nous aura habitués, si la promesse de métissage est toujours présente, on regrettera, tout de même cette impression de » décousu qui se dégage à la fin de l’écoute. On aurait vivement aimé que l’Orchestre national de Barbès reste plus proche de ce qu’il proposait à ses débuts.

F. B.

 

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