Dans la presse francophone

Itinéraires de Bruxelles à Tripoli

Ces derniers jours, la presse francophone est mobilisée sur plusieurs fronts. Préoccupée par l’élection européenne qui s’est déroulée ce dimanche, mais aussi par les violences qui menacent d’effritement progressif le Mali et la Libye. Plusieurs enjeux de portée internationale s’imbriquent et appellent vigilance, préventions et solidarité. Compte-rendu.

Si la France a besoin du soutien des pays frontaliers avec le Mali pour contrôler la situation dans ce pays, elle en a aussi besoin pour jouer un rôle dans la crise libyenne. Rappelons la part de responsabilité française dans l’engagement occidental en faveur des rebelles pour écarter Mouammar Kadhafi du pouvoir. Depuis, l’aide internationale s’est tarie, le pays est en proie aux divisions tribales et l’unité nationale est menacée. Islamisme radical, milices de toutes sortes, tensions tribales, etc. exacerbent le conflit.

Le Monde du 21 mai exhibait une carte du découpage ethnico-religieux en Libye. On y voit quatre acteurs différents qui veulent imposer leurs volontés. Les Toubous, présents en majorité dans le sud du pays, veulent la formation d’un gouvernement sud libyen. Plus à l’ouest, à la frontière malienne, là où les armes s’amassent et les conflits maliens et libyens s’entremêlent, les Touaregs réclament une citoyenneté à part entière. À la frontière tunisienne, les Berbères revendiquent la reconnaissance de leurs identités. Enfin, notamment dans la région de la Cyrénaïque, des groupes djihadistes, tels qu’Ansar Al Charia, dont le fief est la ville de Syrte, détiennent des villes comme Adjabiya, Derna ou Benghazi, berceau de la révolution de 2011. Le 5 novembre dernier, ces groupes annonçaient la formation d’un gouvernement autonome en Cyrénaïque.

Le 17 semble être une date « magique », comme nous l’avons vu au Mali, mais aussi en Libye. Khalifa Haftar, général à la retraite, a lancé avec «la Brigade 17 Février», entre autres, une opération militaire « Dignité pour la Libye » depuis Benghazi contre des « groupes terroristes». Les adeptes de « la légalité » du Congrès national libyen ont qualifié cette opération de «tentative de coup d’État». L’opération visait selon cet ex-général, non pas à s’emparer du pouvoir, mais à purger la ville des terroristes.

Le Nouvel Observateur a préféré aleter sur le risque de guerre civile qui menace le pays. «Les violences risquent de plonger le pays dans la guerre civile et de raviver les rivalités entre des dizaines de milices qui obéissent à leurs propres intérêts, qu’ils soient d’ordre idéologique, régional ou tribal. Ces milices, dominées par les islamistes, font la loi dans le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011, les autorités de transition ne parvenant pas à former une armée et une police disciplinées». L’hebdomadaire souligne que la prolongation du mandat jusqu’à fin 2014 du Conseil général national, qui expirait en février dernier, a exacerbé la colère du peuple et des militaires. Il n’y a pas d’unité politique assez forte dans le pays pour contrer les assauts des différents groupes. La contestation du pouvoir se lit entre les lignes de l’article. «Sous la pression de la rue, qui lui reproche de n’avoir pas su mettre fin à l’anarchie, le Congès a décidé ensuite d’organiser des élections anticipées» qui ont été fixées au 25 juin prochain.

Parallèlement, on peut parler d’un authentique chaos économique, des milices bloquant des ports pétroliers, ce qui a inévitablement fait chuter la production du pays en la matière.

L’impact sur l’Union européenne

Le lien évidemment à faire entre ces crises et l’Union européenne se situe, pour l’Europe, dans plusieurs domaines à commencer par celui de l’immigration. Avec la montée du populisme partout en Europe,, les discours se durcissent autour des clandestins qui tentent chaque jour de traverser la Méditerranée vers « l’eldorado » européen. Partis extrémistes, eurosceptiques et Parti populaire européen (qui regroupe les partis conservateurs européens) veulent le renforcement des politiques communes d’immigration, voire un arrêt net de l’immigration vers l’Europe.

L’Union européenne est massivement touchée par le phénomène de l’immigration clandestine qui s’est accentué depuis les révolutions arabes.

Les politiques menées généralement pas les pays à partir desquels les émigrés tentent leur traversée vers l’Union dépendent de leurs relations avec les pays européens. À ce titre, le levier d’immigration peut servir de menace, en cas de désaccord, comme récemment avec la Libye qui avait menacé d’ouvrir ses frontières.

Au lendemain des élections européennes, l’euroscepticisme a triomphé dans beaucoup de pays. En France, le Front national frôle les 25 %, en Angleterre c’est le parti UKIP (UK Independence Party) qui s’impose devant les conservateurs et les travaillistes, en Italie, le populiste B. Grillo, du «Mouvement 5 étoiles», obtient une bonne deuxième place. Sans parler du groupe grec néonazi «Aube Dorée» qui décroche des sièges au Parlement. Avec 212 sièges pour le Parti populaire européen, c’est l’ex-président de l’Euro-groupe, Jean Claude Juncker, qui devrait devenir le prochain président du Parlement européen. Il se dit favorable à une harmonisation des politiques en matière d’immigration entre les 28 pays tout en prônant une « Europe terre d’accueil », vision que ne partagent guère les 140 eurosceptiques qui siègent désormais au Parlement européen.

Loris Guillaume

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