Dans l’attente de l’élection présidentielle

Lundi 10 novembre : Imed Daïmi, SG du CPR, a déclaré hier à Médenine que la décision de la Choura d’Ennahdha de ne choisir aucun candidat pour la présidentielle “constitue un message qui peut pousser les sympathisants d’Ennahdha à voter pour Moncef Marzouki, «car ils sont “soucieux de l’équilibre et de la préservation du seuil maximal de liberté et n’acceptent pas le “Taghaouel”». De son côté, le président provisoire “fait feu de tout bois” déjà assuré qu’il est du soutien des Ligues de protection de la Révolution. On l’a vu hier, au marché hebdomadaire de Msaken, parader sur une tribune aux côtés du cheikh salafiste Béchir Ben Hassen, bien connu pour ses discours incendiaires contre les “laïques” et qui a été (déjà) invité au Palais de Carthage en 2012 où il encourageait le port du voile et le mariage pour des fillettes de neuf ans ainsi que la polygamie. Hier toujours, Moncef Marzouki a été choisi comme “président consensuel” par un quintet de partis-croupions entrainés par Riadh Chaïbi, membre démissionnaire d’Ennahdha et président du parti de la Constitution nationale. Outre son propre parti et le CPR, les autres formations sont le Courant démocratique, le parti de la Réforme et la Constitution, le parti de la Construction maghrébine et le Mouvement national pour la Justice et le Développement. On devine déjà, rien qu’à leurs noms, la connotation de ces partis. Une force de frappe susceptible de battre l’ennemi commun, Béji Caïd Essebsi ? Peu probable, car une somme de nullités ne peut donner qu’une nullité !

Comme prévu, le Dialogue national a tiré hier sa révérence à l’issue d’une ultime réunion. Houcine Abassi a annoncé que l’instance ne sera pas institutionnalisé, comme le bruit en avait couru, mais que le dialogue pourra éventuellement être repris pour résoudre des problèmes litigieux en l’absence de consensus. Le Quartet n’acceptera pas que les acquis obtenus à la suite de tant de réunions et d’efforts soient galvaudés, c’est ce que nous autres démocrates souhaitons ardemment.

 

Mercredi 12 : malheureusement, pour lui, les vœux pieux de Moncef Marzouki se heurtent à la réalité du terrain et si les habitants de Msaken lui ont opposé l’indifférence la plus totale, ceux de La Chebba (Gouvernorat de Mahdia) l’ont carrément “dégagé” hier. Ils ont refusé d’écouter son discours et les forces de l’ordre, pour ne pas être submergées malgré deux cordons de sécurité, l’ont évacué sous les huées et les cris des citoyens. Heureusement pour son égo, le président provisoire a été encensé l’après-midi même par Néjib Chebbi, interviewé sur Watania 1 par Boubaker Akacha et qui a dit le plus grand bien du bilan de Moncef Marzouki au cours de ses trois ans passés à Carthage, alors qu’il n’a eu de cesse d’attaquer Béji Caïd Essebsi et d’insister sur le risque de voir revenir l’ancien régime avec Nidaa Tounes.

Au cours de sa campagne, Hechmi Hamdi s’est élevé, hier à Menzel Bouzaïane, l’un de ses fiefs, contre “les brigands de la politique, les avides du pouvoir qui veulent l’acheter par tous les moyens et qui n’ont pas de morale” et a lancé un avertissement à Chafik Sarsar “contre toute falsification des élections”, qui l’amènerait à ne pas admettre leur crédibilité. Le tuniso-britannique avait sans doute été encouragé par le soutien que Mme Sonia Ben Toumia, ancienne élue d’Ennahdha, écartée des listes de son parti cette année, lui a apporté sur Facebook le jour-même, touchée par la prestation de Hechmi Hamdi durant l’émission de Samir Al Wafi de dimanche dernier. Elle lui a même promis d’appeler “les habitants de Monastir et de Sidi Bouzid à voter pour lui.”

C’est hier aussi qu’on a appris que, après Azouz Chaouali et Khemaïs Chammari, c’est au tour de Noura Borsali, dont on connaît la droiture et la crédibilité, de donner sa démission de l’Instance Vérité et Dignité pour protester contre “les pratiques dictatoriales” de la présidente, Sihem Ben Sedrine, et appeler à son remplacement.”

Pour la seconde fois en trois jours, Imed Deghij, responsable des Ligues de Protection de la Révolution, a été interrogé par le juge d’instruction auprès du Tribunal de 1ère instance de Tunis, mais il a été laissé en liberté. Il a été convoqué pour deux affaires : menaces d’un bain de sang si Béji Caïd Essebsi remportait la Présidentielle et accusation de terrorisme contre le gouvernement. Il reconnaît lui-même qu’il y aurait dix-sept affaires judiciaires à son encontre et on s’étonne qu’il continue de participer à la campagne électorale de Moncef Marzouki.

 

Jeudi 13 : une nouvelle fois, s’exprimant hier à Hammamet devant le congrès syndical du personnel des tribunaux, Houcine Abassi, SG de l’UGTT, a dit “non” au transfert des négociations sociales au prochain gouvernement et a regretté de voir l’actuel gouvernement s’empresser de promulguer la loi relative aux énergies renouvelables. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que si le Dialogue national a clôturé ses travaux sans attendre les résultats du soutien de la présidentielle, c’est parce que les syndicalistes se trouvaient un peu à l’étroit dans ce cadre, un peu trop proches du gouvernement et de l’UTICA, ce qui les gênait pour reprendre leurs revendications salariales.

Je pense que devant le durcissement croissant de la campagne électorale, dû au CPR, il aurait mieux valu garder encore quelques jours, ce garde-fou que constituait le Dialogue national. Espérons que nous n’aurons pas à regretter de l’avoir remercié si tôt, même s’il commençait à peser à certains politiciens.

Dans une interview accordée hier à la chaîne qatarie Al Jezeera, Rached Ghannouchi a déclaré : “nous sommes pour le moment dans l’opposition, mais si l’on nous demande de participer au gouvernement, nous étudierons l’offre avec sérieux et nous y répondrons positivement”. Voilà une déclaration qui a le mérite de la clarté et qui nécessite d’être étudiée par les différents partis en lice avec le plus grand soin. Ceux du moins dont les résultats aux législatives leur permettent de participer utilement à un gouvernement de la IIe République. Mais pourquoi le chef d’Ennahdha réserve-t-il ses interviews à une chaîne étrangère, surtout sur un sujet si nettement national ?

 

Samedi 15 : plus que dix-huit jours et la plupart des candidats à la présidentielle poursuivent tranquillement leur campagne électorale, réclamant pêle-mêle : “davantage d’attention aux catégories faibles”/“la consécration de la justice sociale”/“priorité à la loi et à l’autorité de l’État”/“un président fort”/“rassembler les Tunisiens”/“priorité à la sécurité, la stabilité et l’essor économique”/“rétablir le passé glorieux de Kairouan (est-ce une priorité ?). En somme tout ce que des citoyens peuvent souhaiter trouver chez le futur président…

Il n’y a que Mustapha Ben Jaâfar qui s’inquiète en déclarant “je redoute que le pays sombre dans la crise” à cause de “l’accaparement de tous les pouvoirs par un seul parti en l’absence des forces social-démocrates au prochain gouvernement”… et qui se prépare pour une énième rencontre avec Néjib Chebbi dans les jours qui viennent ! Et pour terminer la semaine, s’est tenu hier soir, sur le plateau de Hamza Belloumi sur la chaîne d’El Hiwar Ettounsi, une nouvelle promesse de soutien de Moncef Marzouki de la part du prédicateur Béchir Ben Hassen et du CPR Walid Haddouq, appelant avec violence à barrer la route à Béji Caïd Essebsi, heureusement défendu avec fougue par Khemaïs Ksila de Nidaa Tounes.

 

Quand ce numéro de Réalités paraîtra, le jeudi 20 novembre, ce sera J-3 et tous les démocrates, qu’ils soient partisans de Nidaa Tounes ou des “forces social-démocrates” dont parlait MBJ hier soir, sauront pour qui il faut voter pour faire oublier les trois années du gouvernement de la Troïka ! Tous aux urnes…

 

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