Longtemps cantonnée à un rôle marginal, la figue de barbarie tunisienne connaît aujourd’hui une véritable success story agro-industrielle. En l’espace d’une décennie, cette filière est passée d’une poignée de 5 entreprises spécialisées à plus de 73 acteurs actifs, générant ainsi plus de 1 400 emplois nouveaux, permanents et saisonniers. La Tunisie s’impose désormais comme un leader mondial dans l’exportation de l’huile de pépins de figue de barbarie biologique, un produit phare aux propriétés cosmétiques recherchées sur les cinq continents.
Au cœur de cette réussite, une transformation profonde portée notamment par une forte implication féminine. En effet, près de la moitié des entreprises spécialisées sont dirigées par des femmes, un chiffre exceptionnellement élevé comparé à la moyenne tunisienne dans d’autres secteurs. Cette montée en puissance entrepreneuriale s’est accompagnée d’une diversification rapide des produits issus du cactus, avec près de 400 nouvelles références allant des produits agroalimentaires aux formulations cosmétiques et parapharmaceutiques.
Depuis 2013, le projet PAMPAT, financé par la Confédération suisse et mis en œuvre par l’ONUDI en partenariat avec plusieurs ministères tunisiens, a accompagné cette filière dans sa montée en compétence, son professionnalisme et son accès aux marchés internationaux. Ce soutien public-privé a permis de structurer le secteur, d’améliorer la qualité et de renforcer la collaboration entre producteurs et transformateurs.
La région de Kasserine illustre parfaitement les retombées positives de cette évolution, elle concentre aujourd’hui 37 % du chiffre d’affaires national de la filière et 30 % des investissements réalisés. L’adoption de bonnes pratiques agricoles et la généralisation de la production biologique ont multiplié par cinq la superficie cultivée certifiée bio. Les producteurs locaux ont vu le prix de vente de leurs fruits tripler, et la rémunération des ouvrières agricoles a augmenté de 120 %, dynamisant ainsi la région.
Une reconnaissance internationale et une diversification des usages
L’huile de pépins de figue de barbarie tunisienne est devenue un véritable symbole de la nouvelle cosmétique tunisienne à l’échelle mondiale. En 2021, la Tunisie est devenue le premier pays au monde à publier une norme technique spécifique pour cette huile, renforçant la confiance des marchés internationaux dans la qualité de ses produits.
Parallèlement à cette reconnaissance, la filière a élargi son catalogue avec des produits innovants valorisant l’ensemble du fruit dans une approche d’économie circulaire. Cette diversification témoigne du savoir-faire croissant des entreprises locales et d’une volonté affirmée d’innover pour conquérir de nouveaux marchés.
En outre, la création de l’Association Nationale de Développement du Cactus (ANADEC) en 2018 a permis de fédérer les acteurs clés de la filière, favorisant la coordination des initiatives et le dialogue avec les pouvoirs publics. Le secteur bénéficie également de l’appui actif des institutions tunisiennes, le Centre de Promotion des Exportations (CEPEX) organise des actions de promotion et de mise en relation à l’international, tandis que des programmes de formation et des concours d’innovation sont lancés pour stimuler la compétitivité et la créativité.
L’Agence de Vulgarisation et de Formation Agricole (AVFA), quant à elle, s’apprête à lancer un programme de formation continue entièrement dédié au figuier de barbarie, témoignant de la reconnaissance croissante de cette culture dans le paysage agricole national.
Par ailleurs, d’autres institutions investissent des domaines complémentaires : le Groupement Interprofessionnel des Fruits (GIFRUITS) a récemment lancé « Cactus Innov », le tout premier concours d’innovation dédié à cette filière. L’Office National de l’Artisanat, de son côté, a clôturé avec succès la première édition du concours ARTITERROIR, mettant à l’honneur des créations artisanales inspirées du cactus. Enfin, le Ministère du Tourisme s’implique activement dans la valorisation du cactus à travers le développement d’expériences immersives dans les régions de Nabeul et Kairouan, contribuant à l’intégration de cette ressource dans une nouvelle offre touristique durable et territorialisée.
Malgré ces succès, la filière doit relever des défis importants, notamment la lutte contre la cochenille, un ravageur qui menace les plantations. Une stratégie nationale intégrée alliant lutte biologique, avec la libération de prédateurs naturels, et recherche de variétés résistantes, est mise en œuvre pour préserver la pérennité des cultures.
Cette approche intégrée illustre la maturité et la résilience croissantes de la filière, qui s’appuie sur des partenariats solides entre secteur privé, institutions publiques et producteurs.
L’ascension de la figue de barbarie tunisienne illustre comment une filière longtemps délaissée peut devenir un moteur de croissance économique et sociale, en valorisant les ressources locales et en s’appuyant sur l’innovation, la collaboration et l’entrepreneuriat inclusif. Cette success story, désormais documentée dans une publication récente de l’ONUDI, offre un modèle inspirant pour d’autres secteurs en quête de compétitivité et de durabilité.