De Hammamet à Nabeul: Un golfe de rêve

S’il est un endroit de Tunisie où une majorité de gens se rendent avec plaisir et où, d’après le poète : « plus voluptueuse la vie, moins difficile la mort », c’est bien le golfe d’Hammamet. Même les étrangers nous l’envient.
2014 a été, parait-il, l’« Année de la gastronomie tunisienne » ! Qui s’en est aperçu ? Aussi, pour donner corps à cette idée intéressante, avons-nous déjà dégusté un repas romain, un déjeuner andalou et un dîner kefois. Aujourd’hui, nous proposons de (re)découvrir la gastronomie du Cap Bon et les rives sud du « Promontoire des Dieux » depuis Pupput et Hammamet jusqu’au « paradis des oiseaux » de Korba.

De Pupput à Hammamet
Imaginons que Hammamet doive son nom à d’innombrables pigeons (Hamamet, en arabe !) qui auraient fréquenté le site !
Pourrait-on croire aussi que des vestiges de thermes romains, antérieurs à la construction de la ville, aient fait penser à des « Hammam » ?
Le matérialisme dévastateur de la fin du XXe siècle a enfoui presque complètement la riche agglomération de Pupput sous les fondations d’hôtels, sans aucun intérêt architectural. Dommage !
Les plages, coupées de l’apport de sable de l’arrière pays, par un « mur d’hôtels », rétrécissent ! Il faut donc vite aller flâner dans les derniers vestiges de Pupput, pour empêcher les promoteurs rapaces de les faire disparaître complètement. Si le petit bout de nécropole ne signifie plus rien, la richesse des demeures et des thermes, attestée par des pavements mosaïqués magnifiques, prouve l’existence d’une cité très prospère vers les IIe – IIIe siècles. Le visiteur curieux et attentif remarquera les différents remaniements émouvants des demeures « vivantes » aux mosaïques superposées.
Il peut observer, en particulier, les vestiges de la maison du « Triclinium à mosaïque en noir et blanc » rarissime en Afrique du Nord. D’autres pavements présentent des panneaux d’une richesse exceptionnelle présentant des « figures » de syrinx enrubannées.
Puis, Qsar El Hammamet fut d’abord un ribat : couvent fortifié entouré d’une petite agglomération qui défendait la côte contre les attaques des Normands vers les Xe – XIe siècles.
Mais, dès le XIIIe siècle, la ville prend son essor malgré les heures sombres des affrontements avec les Espagnols et les Chevaliers de Malte. Les premiers faubourgs se construisent dès le XVIIIe siècle. Les remparts, datant sans doute, de l’époque aghlabide, furent souvent remaniés jusqu’à une époque récente.
Les fondements de la citadelle dateraient du IXe siècle. Elle a été adaptée aux tirs des armes à feux vers la fin du XVIe siècle. Bien sûr que ces monuments se visitent avec plaisir mais, à notre avis, ce sont les promenades dans la médina qui sont les plus attrayantes. On est d’abord surpris par la propreté des ruelles dont la direction et le tracé semblent devoir respecter deux impératifs : lutter contre les influences des vents désagréables du Nord / Nord-Ouest et permettre soit de fuir rapidement, soit de se défendre âprement en cas d’attaque.
Dans les demeures privées, dès l’entrée, souvent garnie de signes prophylactiques, ouvrant traditionnellement sur un vestibule : skifa, qui protège l’intimité de la famille, on se sent à l’aise. Certes, elles sont fermées sur la rue : le monde des hommes. Mais l’air et la lumière, qui pénètrent à flots dans la cour, baignent les trois ou quatre pièces de la maison. Même la terrasse, où séchaient naguère les denrées alimentaires pour l’hiver, était un espace très fréquenté, surtout par les femmes.
Même si beaucoup ont disparu en raison d’une urbanisation frénétique, les vergers d’Hammamet demeurent des lieux privilégiés de promenade où les senteurs des agrumes se mêlent aux parfums des jasmins, des roses, des géraniums rosas et des « fell ». Toutes les maisons exhalent les arômes des distillats que la brise marine promène aux quatre vents.

De Néapolis à Nabeul
Néapolis, peut être grecque d’origine, serait apparue dans l’histoire, il y a plus de trente siècles ! Toujours est-il que son port est cité lors de la guerre du Péloponnèse au IVe siècle avant J.C..
Successivement soumise puis alliée de Carthage, elle fut détruite en 148 avant J.C. comme la métropole punique. Ralliée à César en 46, elle renaît et prospère après la victoire de ce dernier sur ses rivaux pompéens.
Mais la conquête arabe ruina la ville antique. Il faut attendre le XIIe siècle pour que Ksar Nabil : un couvent fortifié soit construit et résiste aux assauts des Normands de Sicile. Toute la Côte du Cap Bon était garnie de ribat.
L’époque hafside, du XIIIe au XVe siècle, voit le développement de la ville, et la construction d’une Grande Mosquée. Au XVIIIe siècle, des faubourgs et des souks sont construits. La prospérité de la région séduit et attire des émigrants venant du Sud et du Centre du pays ainsi que des Tripolitains, des Andalous, des Turcs, des Oueslati, des Juifs et quelques européens.
Certes, les vestiges de l’usine de garum, les collections des musées sont très intéressants mais tellement connus ! Avez-vous goûté au garum, condiment à base de poissons bleus macérés dans une saumure aromatisée ? Il fit la fortune des villes du Cap Bon : tant les Romains l’appréciaient !
Le travail et l’habileté des potiers, des brodeuses, des tisserands et des vanniers, leur amabilité sans obséquiosité séduisent. En plus, Hammamet et Nabeul disposent d’excellents hôtels, restaurants et de magnifiques « maisons d’hôtes ».

La gastronomie du Cap Bon
Il vaut mieux y goûter que d’en parler ! Commencez par des piments grillés accompagnés d’olives et d’harissa « diari ». Quand les légumes sont bien mûrs, une salade « méchouia » et une « chakchouka nablia » sont des délices parfumés. Puis laissez-vous tenter par un couscous : celui dit « El Ors », de mariage, ou celui qui mêle le sorgho à la semoule de blé et aux escargots ou bien celui qui est parfumé au « besbès » : le fenouil sauvage.
Avez-vous déjà dégusté un « mchalouet » de la mi-mai ?
A la fin du printemps, goûtez aux rougets grillés : le miel de la mer ! Et finissez par une douceur dont les dames ont le secret et un vert de thé ! Vous en redemanderez. Il existe un chai réputé proche de Korba.

Codicille
Tout autour de Nabeul, d’autres bourgs attirent le visiteur curieux. Dar Chaabane est reconnue pour ses sculpteurs de pierre tendre. Béni Khiar est spécialisée dans le tissage de la laine. Somâa se consacre à la sparterie et au tissage des nattes.
Sur la route de Béni Khalled, juste en face de la borne qui indique « Nabeul 13 km », s’ouvre une grande piste qui mène, à pied, en quelques centaines de mètres à la « ferme chapelle » où des animaux curieux sont élevés.
Puis, au bout de la promenade, à la sortie du bourg de Korba, à l’urbanisme original, on découvre « le paradis des oiseaux » : les lagunes de Korba : zone humide d’importance internationale et réserve ornithologique protégée par la Convention de Ramsar. De très nombreux « oiseaux d’eau » se mêlent aux flamands roses.
De Hammamet à Nabeul, dans les ateliers, dans les jardins, le long des plages de sable, au sein de petites médinas, il n’est pas faux de dire qu’il existe encore des lieux privilégiés le long des côtes du golfe d’Hammamet.

Related posts

Affaire du complot contre la sûreté de l’État : Unimed réagit au jugement contre Ridha Charfeddine

Rencontre avec le metteur en scène Moez Gdiri :  « L’adaptation du théâtre européen nous a éloignés de notre réalité tunisienne »

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie