« Gilets jaunes », Brexit, « Trumpisme », Viktor Orban, Salvini, Bolsonaro… ces exemples entre autres résument les symptômes, diront certains, les prémices, pour d’autres, d’un nouveau monde qui nous pend sous les yeux. Jamais de mémoire d’Homme, les changements sociopolitiques et la donne économique n’avaient émis tant de doutes et d’incertitudes en un laps de temps aussi court, avec un flux d’informations qui circule avec une célérité difficile à incuber, pour certains, dans leur système moral et qui va à l’encontre de toutes les lois des sciences politiques préétablies par d’autres.
Tout converge vers une observation que la démocratie, dans son sens le plus commun, connaît une certaine mue. Depuis la démocratie de la Cité, dans la Grèce Antique, en passant par celle prônée par les philosophes du siècle des Lumières, de tout temps, les femmes et les hommes se sont essayés à réguler le système démocratique, à lui donner de la consistance, un sens humain et qui en fin de compte, aménagerait au mieux la vie en société. Certes, à trop édicter une configuration orthonormée à la chose publique, la machine se rouille, se crispe, se tend et les Lumières finissent par s’éteindre !
« La démocratie est le système de gouvernance de la vie publique le plus difficile qui soit ». « Une fois que le peuple a élu ses représentants, il est esclave, il n’est rien », dixit Rousseau. Qu’est-ce qui fait que ce qui était porté aux nues, ce qui faisait qu’on s’en enorgueillit, est devenu pour certains un leurre, et pour d’autres une hérésie…Cette sacro-sainte Démocratie! Oui mais à quoi rime-t-elle au fait ? Vote ? Votation publique ? Election ? Partis politiques ? Institutions ?…Oui…Mais pas que…
Il est nécessaire de s’arrêter un moment et de revoir tout l’historique de la Démocratie : passant d’un système de tirage au sort dans les cités hellénistiques antiques excluant femmes et esclaves vers une participation exclusive des nobles, notables et haut dignitaires durant la splendeur de la Rome de César et Marc-Antoine et aujourd’hui ? Plus que jamais, dans un monde ultra connecté, ultra réseauté, méga informé, la participation semble être une voie à suivre pour beaucoup d’observateurs.
L’exclusion des classes dites « populaires », des groupes qualifiés de « vulnérables » dans la prise de décision et dans l’exercice de la démocratie et de la chose publique, a fait d’une part émerger un sentiment d’exclusion sociale, ces derniers n’hésitant pas à qualifier les discours politiques d’ « enfumage total » ! Lors de la seconde partie du siècle dernier et essentiellement lors des trente glorieuses, les administrés se sont certes contentés de donner des mandats électoraux à des administrants qui n’hésitaient nullement à prendre des postures jupitériennes, de bons pères de famille…Que ce siècle est révolu et comme les choses ont changé…En bien ou en mal, telle n’est pas la question, mais la physionomie psychosociologique des groupes de personnes, des pays et des nations a changé. L’Humain demandant à faire partie de la synthèse politique, à ne pas seulement être consulté de façon soporifique mais à être concerté dans les choix des politiques publiques et dans la vision des stratégies futures à adopter et être ainsi un acteur de premier ordre dans les choix des stratégies définissant l’avenir des sociétés auxquelles elles/ils appartiennent.
C’est pour cette raison qu’en ayant une certaine hauteur des changements politiques et institutionnels survenus lors de la dernière décennie, on dénote, et ce à la suite d’une crise économique majeure (2007, 2008, 2009), que les populismes ont été les solutions (risquées) adoptées par un certain nombre de peuples. Le repli sur soi conforte les gens dans les choix qui ne sont pas à l’évidence si simplistes avec des explications de psychologie de comptoir (racisme, xénophobie…), mais au-delà de cela, le système démocratique n’a pas émis de mécanismes et d’outils de participation citoyenne efficaces, efficients et effectifs, donnant la parole à un maximum de gens.
La représentation par les urnes a atteint ses limites, la participation citoyenne est là pour la compléter. D’aucuns font l’opposition entre la démocratie représentative et la démocratie participative ! Que nenni…La démocratie participative complète et corrige la représentation par le vote et évite les écueils de toute velléité autocratique des élus et dirigeants.
Le monde nouveau n’est ni plus populiste, ni plus replié sur soi, il est juste à la recherche d’un nouveau souffle, celui où l’expression du soi prend toute son essence. Plus que jamais, la maximisation du cursus démocratique passe par la maximisation de la participation citoyenne recréant une citoyenneté active (constructive) à partir de la base, une citoyenneté inclusive, englobante, transversale, horizontale et rompant avec l’aspect pyramidal délétère.
L’expression citoyenne n’est ni la panacée, ni la boîte de pandore à la résolution des problèmes de la démocratie mais tend à rendre à l’Humain sa place, à savoir un être à la volonté farouche de s’exprimer et de s’affirmer.
Béchir Bouraoui