Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, le 26 janvier dernier, plusieurs chantiers occupent la scène juridique tunisienne. Au cœur du débat : la loi électorale et l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. Eclairage.
Un mécanisme transitoire
Si, noir sur blanc, la nouvelle Constitution tunisienne prévoit la création d’une Cour constitutionnelle en charge du contrôle de la constitutionnalité des lois, pour l’heure, cette instance n’a pas été concrètement mise en place. En effet, celle-ci devrait l’être après les futures élections, dans un délai maximum de deux ans. « Le timming dépendra de la date des prochaines élections », nous précise Ghazi Gherairi, Secrétaire général de l’académie de droit international constitutionnel et juriste.
Pour faire face à cette attente, la Constitution prévoit l’instauration d’une « instance provisoire ». Son but ? Contrôler que les projets de lois soient conformes à la nouvelle Constitution. Autre mission parallèle : « sauvegarder et protéger les droits et libertés du citoyen. » Actuellement, la loi relative à cette instance provisoire est en cours d’analyse par la Commission de législation générale. C’est le Conseil des ministres qui a acté, en début de mois, de la création de cette instance provisoire pour la constitutionnalité des lois.
Sur le site Internet du gouvernement, sur lequel est publiée la Constitution dans son intégralité, il est, clairement, stipulé que « L’Assemblée nationale constituante crée en vertu d’une loi organique, durant les 3 mois suivant la promulgation de la Constitution, une instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et elle se compose du Premier président de la Cour de cassation, en tant que président, du Premier président du Tribunal administratif, en tant que membre, du Premier président de la Cour des comptes, en tant que membre, et de 3 membres parmi les experts en Droit, nommés respectivement par le président de l’Assemblée nationale constituante, le Président de la République et le Chef du gouvernement. »
L’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, est un mécanisme transitoire et temporaire, et seuls les projets de lois –textes votés par l’Assemblée nationale constituante et non encore promulgués – seront soumis à son expertise. Jusqu’à Juin 2013, encore, une autre instance de contrôle aurait pu être en charge de l’examen de la constitutionnalité des projets de lois : le Tribunal administratif. « Il en a été autrement, car le Tribunal Administratif a pris des décisions qui ont déplu, et a été rapidement perçu comme une instance hostile à la majorité. Pour le sanctionner symboliquement, il en a été dessaisi », rapporte Ghazi Gherairi.
L’instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois, ne contrôle pas l’application des lois dans la pratique, mais le respect du texte. Mais, qui, et dans quelles mesures, veillera à l’application pratique des lois dites constitutionnelles ?
La loi électorale
Si l’ISIE se charge du côté logistique et administratif des élections, la loi électorale, quant à elle, fixe les règles concernant leur déroulement. En effet, la loi électorale détermine plusieurs éléments clefs devant être, eux-mêmes, conformes à la nouvelle Constitution, à savoir : les conditions d’éligibilité, le seuil électoral, le mode de scrutin ou encore le planning électoral. De plus, la loi électorale, définit la réglementation de l’organisation générale de la campagne électorale, concernant le volet médiatique et le financement. Le projet de loi électorale est actuellement examiné par les députés tunisiens et concerne, plus précisément, les élections législatives et présidentielles. Parmi les problématiques importantes et sous-jacentes à la loi électorale, la question du vote des analphabètes est au centre des discussions. En effet, les analphabètes représentent 20,3 % de la population tunisienne, soit une part non négligeable de l’électorat. Le vote des analphabètes se veut constitutionnel, et « c’est à la loi électorale de préciser dans quelles mesures et dans quelles conditions celui-ci doit s’organiser », souligne Ghazi Gherairi.
Instance provisoire de constitutionnalité des projets de loi ou loi électorale : quel texte devrait être adopté en premier ? Il est important que l’instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de lois soit adoptée avant la loi électorale « pour ne pas laisser planer de doute sur la fiabilité et la constitutionnalité dans le déroulement des prochaines élections », précise Ghazi Gherairi. « La loi électorale est la condition sine qua non pour organiser les élections dans les règles. Plus vite, celle-ci sera adoptée, plus vite les élections se feront dans les bonnes conditions », poursuit-il. Et si la loi électorale était adoptée avant l’instance de contrôle de constitutionnalité des projets de lois ? « On ne pourrait que douter de la constitutionnalité de la loi électorale, ajoute le juriste. Cette instance est un outil qui permet de vérifier que l’on a bien rompu avec les méthodes juridiques de l’ancien régime ».
Des élections sont-elles envisageables avant la fin de l’année ? Pour Ghazi Gherairi, la question ne se pose pas. « C’est la Constitution elle-même qui impose la date des prochaines élections et, dans le respect de cette dernière, celles-ci devraient se tenir avant la fin de l’année 2014. » À suivre…
Céline Masfrand