De l’Etat émancipateur !(2)

La question du rôle économique de l’Etat a connu une évolution importante dans les débats et les analyses économiques depuis le milieu du 18e siècle et l’avènement de l’économie moderne. L’une des premières analyses qui continue à exercer une grande influence jusqu’à nos jours est celle de l’économiste Adam Smith, qui a mis l’accent sur le principe de la main invisible. Adam Smith a souligné la capacité du marché à assurer la régulation du système capitaliste et à parvenir aux grands équilibres et à une grande stabilité des économies modernes. Le rôle devrait dans cette perspective se limiter à la réalisation de l’infrastructure des routes, de la santé et de l’éducation, ainsi qu’à la défense de la propriété privée et au maintien de la loi et des règles afin de préserver la confiance entre les acteurs économiques.

Cette vision a été d’une grande force intellectuelle et son influence sur la réflexion économique et les politiques publiques s’exercera pendant plus de deux siècles.

Mais, elle fera l’objet de critiques virulentes après la crise économique de 1929 de la part du maître de Cambridge, l’économiste John Maynard Keynes qui a mis l’accent dans ses essais sur le fait que la multiplication des crises est le résultat naturel de l’incapacité du marché à réguler l’instabilité constitutive du système capitaliste. Cette difficulté exige par conséquent un interventionnisme actif de l’Etat pour parvenir à l’équilibre et à la stabilité économique de l’ordre marchand.

D’autres économistes vont enrichir le paradigme développé par Keynes, parmi lesquels on peut évoquer l’économiste autrichien Joseph Schumpeter qui a souligné que l’interventionnisme de l’Etat recommandé par Keynes se limitait aux grands équilibres macroéconomiques mais qu’il était nécessaire de le prolonger aux institutions économiques. A ce propos, Joseph Schumpeter a mis l’accent sur l’importance de soutenir l’innovation et le progrès technologique qui constituent des facteurs importants dans le progrès des sociétés capitalistes.

Ces travaux et réflexions vont contribuer à l’émergence d’un nouveau paradigme suite à la crise de 1929 qui va dominer le champ de l’économie politique ainsi que les politiques publiques après la Seconde Guerre mondiale. Ce nouveau paradigme sera à l’origine d’une critique radicale de la thèse de la main invisible et d’un retour en force de l’Etat dans la dynamique économique et sociale qui sera connue sous l’appellation de l’Etat-providence.

En dépit des différences entre les pays, ce nouvel ordre économique marqué par un activisme prononcé de l’Etat sera basé sur quatre principes fondateurs. Le premier concerne le rôle prospectif de l’Etat à travers les activités de planification vers l’avenir et les efforts de construction de vision et de projets à long terme. La planification est devenue monnaie courante après la Seconde Guerre mondiale dans tous les pays du monde, y compris les pays capitalistes.

Le second rôle attribué à l’Etat dans cette période historique concerne la construction et le soutien au contrat social fordiste qui a lié l’évolution de la productivité à celle des salaires. Ce rapport étroit a été à l’origine du développement de la consommation et de l’avènement de la consommation de masse qui sera à l’origine du développement rapide de l’investissement et de la croissance.

La troisième fonction de l’Etat dans ce nouvel ordre économique concerne le rôle actif de l’Etat en matière d’investissement à travers notamment l’investissement public et l’investissement des entreprises publiques.

La quatrième fonction de l’Etat concerne la dimension sociale et la formulation de politiques sociales dynamiques qui ont favorisé le développement de l’égalité sociale.

Ces politiques publiques ont contribué à la relance de l’investissement et aux succès de l’Etat-providence dans la plupart des pays du monde à travers les progrès dans la prospérité économique et dans l’égalité sociale. Cette période historique qui s’étend de la fin de la Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1970 a été un âge d’or dans l’histoire économique moderne.

Mais, ce rêve va s’arrêter au milieu des années 1970 avec la multilpication des crises économiques pour ouvrir une nouvelle ère de remise en cause et de révision du rôle économique de l’Etat.

A suivre…

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