De quel côté regarder ?

Au moment où nous mettions sous presse, la Tunisie était invitée à participer au Sommet des BRICS (22-24 août 2023) à Johannesburg (Afrique du Sud), dont l’un des principaux objectifs est l’élargissement du bloc qu’une quarantaine de pays ont déclaré vouloir rejoindre et dont 23 ont déposé des demandes officielles d’adhésion. En chiffres, le groupe des BRICS, ce sont 42% de la population mondiale, 31,5% du PIB mondial (30,7% pour le G7), 18% du commerce international. Ces aspirations à rejoindre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud reflètent une volonté croissante de réformer l’ordre mondial, dominé par l’Occident depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L’orientation affichée par les BRICS est l’évolution vers un monde multipolaire sans dominant ni dominé, plus juste et plus équitable et à son agenda, des décisions stratégiques telles que la création d’une monnaie BRICS pour concurrencer le dollar.
Une guerre économique et géostratégique mondiale couve sous nos yeux mais dont on ignore tout du côté de notre Tunisie. Les autorités officielles, comme d’habitude, n’ont fait aucune déclaration ni n’ont fait part d’aucun projet ou ambition vis-à-vis des BRICS pouvant expliquer l’intérêt de la présence de la Tunisie au Sommet de Johannesburg et surtout les attentes de l’Exécutif tunisien en termes de coopération financière, économique ou partenariale. Ce qui laisse libre cours aux interprétations les plus fantaisistes, les plus négatives, les plus pessimistes et les plus subjectives, celles qui n’octroient à la Tunisie surendettée aucun crédit ni aucune chance de réaliser quoi que ce soit de bon, tant que l’actuel pouvoir est aux manettes et qu’il refuse de composer avec le FMI, « unique bouée de sauvetage », selon certains économistes et autres experts d’un jour.
Le problème est donc personnel et ne tient pas compte du fait que la Tunisie soit en urgence absolue et qu’il faille trouver au plus vite des solutions où qu’elles soient pour éviter une faillite annoncée de l’Etat. Contentons-nous donc de nos problèmes quotidiens, qui ne sont pas des moindres : pénurie du pain, monopole illicite des produits de première nécessité, flambée des prix, assainissement de l’Administration des faux diplômés et crise migratoire. « Avec ces problèmes, la Tunisie ne fait pas partie des pays qui peuvent prétendre approcher les BRICS », ce sont des économistes tunisiens reconnus et renommés qui l’affirment auprès de médias nationaux qui ne font que relayer ces propos.
Réalistes, les économistes ? Peut-être. La liberté d’expression, c’est bien, mais quand elle est imprégnée d’un brin de patriotisme, c’est mieux ; ici, le patriotisme prend le sens du souci de préserver l’image du pays, en toute circonstance, aux yeux du monde extérieur. Comme le dit l’adage, « notre linge sale, on le lave entre nous ».
Ceci dit, un élément de réflexion à mille lieux de nos soucis quotidiens doit tout de même nous interpeller : le roulement de tambour au Niger s’invite à la période de la tenue du sommet des BRICS en Afrique du Sud. Pure coïncidence ? Tentative du bloc occidental de brouiller les horizons de cet événement qui a pris une ampleur mondiale ? Des questions qui se posent et s’imposent. Cependant, au cas où la guerre éclaterait au Niger, on sait ce qui nous attend en Tunisie : une recrudescence des flux migratoires fuyant le conflit armé vers le Nord de l’Afrique soit pour s’y installer, soit pour prendre le large vers les côtes européennes. Dans les deux cas, la Tunisie est une cible privilégiée par les vagues de migrants, comme c’est le cas depuis plus de six mois. La Tunisie commence à peine à prendre en main la première crise migratoire, inédite, qui l’a mise sur les bancs des accusés de la communauté internationale. Son dernier arrangement avec le voisin libyen a mis en place un plan d’action pour améliorer la gestion de cette crise aux frontières communes entre les deux pays. Mais la Tunisie a été lâchée par la communauté internationale et par l’Europe, principal destinataire de ces vagues de migrants clandestins.
Le mémorandum d’entente entre la Tunisie et l’Union européenne, signé en juin dernier, n’a pas pu faire l’unanimité entre les 27. Donc, rien. Pourtant, les garde-côtes tunisiens continuent de garder les frontières maritimes tunisiennes avec les moyens du bord, de faire barrage à des dizaines d’embarcations clandestines et de faire face à des naufrages. Mais ces moyens sont insuffisants et seront inefficaces au cas où une guerre éclaterait en Afrique, au Niger précisément. Des populations à la recherche de refuges et de paix seront déplacées. Qui des belligérants en première ligne ou derrière les rideaux, en assumera la responsabilité ? Aucun. Les prochains jours s’annoncent encore plus problématiques tandis que les clivages politiques se creusent dans notre société et que la course pour la Présidentielle 2024 a déjà commencé dans les cercles partisans fermés.

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