Arrogant de naissance. C’était une âme forte et vigoureuse, également capable d’actions courageuses et de grands forfaits, intrépide dans les périls, fécond en idées apocalyptiques, éloquent et insinuant, mais sans foi et ne recevant la loi que de son ambition. Aussi fut-il toujours très chrétien sans jamais être croyant !
Détrompez-vous, il ne s’agit pas de l’actuel président américain, Donald Trump, mais de l’empereur Valentinien III qui a précipité la chute de l’Empire romain de l’Occident en 455 J.C
Cela n’empêche qu’au regard de l’histoire, la comparaison est tentante et le comportement du président américain apparaît donc comme une refonte actualisée de celui de Valentinien III. Même culte de la personnalité, même approche hégémonique, même exaltation des passions nationalistes et religieuses, même contestation radicale des autres nations, dont les valeurs sont automatiquement rejetées. Le temps semble mis en suspens depuis des siècles, comme l’illustrent ces sauvages obscurités qui brouillent l’ordre chronologique de l’histoire et ces discours et déclarations souverainistes et xénophobes qui explorent surtout les multiples formes de la haine endémique envers l’autre différent.
Donald Trump méprise l’ordre mondial bâti autour de l’organisation des Nations unies et ses institutions. Il dénonce le droit des peuples colonisés à l’indépendance et prône l’occupation. Il ne défend plus les droits de l’homme et les valeurs démocratiques. Il affiche même un faible pour les guerres, la colonisation, l’expansion, les massacres et les génocides, surtout dans la Palestine occupée.
Il est parfois des moments, dans le film horrible d’une actualité qui s’emballe, sur lesquels il faut s’arrêter pour renouer la chaîne brisée des temps, réactualiser, parachever le passé par un retour aux sources, puis zoomer pour séparer les séquences. Avec un peu de chance peut alors apparaître, à travers le nuage brumeux de l’hégémonisme, une sorte de canalisation de charniers avec des millions de victimes depuis les Romains, les conquérants, les croisés et les colonisateurs, jusqu’aux nazis, fascistes et sionistes.
Après cet aperçu effrayant d’un monde aveugle, dans lequel guerres de colonisation et luttes d’indépendance se contrebalancent sauvagement, il ne fait plus de doute qu’il existe un lien entre les ambitions personnelles des tyrans, même en démocratie, et l’endossement de ce type de théorie colonialiste. Ils paraissent constituer le catalyseur idéal du passage à la guerre, car ils offrent un récit qui permet à la fois de justifier cette guerre par le «droit de se défendre» et de suggérer qu’il n’y a pas d’autres moyens, étant donné l’existence des forces hostiles, que de recourir à des actions guerrières.
Enfin, n’oublions pas le ressort de tout cela : la folie de grandeur qui enrôle de force tous ceux qui se prenaient pour «seul maître après Dieu» dans un faux combat, leur déniant tout libre arbitre.
Ce n’est pas nouveau, mais cela surprend chaque fois.
L’histoire retiendra de l’actuel président de la première puissance mondiale qu’il a torpillé l’ordre international établi par son pays au lendemain de la défaite d’Adolf Hitler, puni par là où il a péché. Il aura été le fossoyeur de la «Pax Americana», un ensemble d’institutions, de normes et de valeurs qui devaient assurer un minimum de règles entre les nations.
Les connaisseurs, même parmi les plus conservateurs des Américains, agitent le spectre d’un débordement majeur imminent. Même si on ne peut être complètement d’accord avec eux quand ils minimisent la capacité des autres puissances à éviter un éventuel désordre général, on ne peut, connaissant la complaisance, voire l’aveuglement de l’Europe envers Hitler et les nazis avant 1939, que s’incliner devant leurs analyses éblouissantes sur ce qui est en train d’arriver.