Debbo 52 est l’un de ces espaces Underground qui tentent de développer en Tunisie une nouvelle approche artistique de proximité. Nous sommes allés rencontrer Rafik Omrani l’un de ses fondateurs.
Présentez-nous le concept «Debbo 52».
“ Debbou 52” -ou dépôt en dialecte tunisien- est un espace-laboratoire multidisciplinaire au cœur du centre-ville de Tunis. Détourné de sa vocation commerciale et industrielle de base, “Debbou 52” est désormais, un lieu de création artistique, de spectacles, mais aussi une plate-forme de rencontres culturelles à travers son co-working space, et un incubateur de projets artistique où s’élaboreront des expériences individuelles et collectives dans des domaines de création multiples : musique, arts numériques, arts plastiques, théâtre, cinéma, etc.
C’est un espace culturel de proximité où les jeunes porteurs de projets artistiques peuvent se rencontrer, et développer convivialité et confiance. Nous adoptons un système d’échanges qu’on a appelé «Artroc» (Art troc ) basé sur des valeurs différentes du système traditionnel, un système d’échanges alternatif privilégiant l’entraide, la complémentarité et la bonne humeur. Des jeunes d’horizons variés tentent d’apporter des solutions aux problèmes qu’engendre la monnaie officielle d’une part, et le manque d’expertise de l’autre.
Est-ce que ce genre de concept marche en Tunisie ?
Je pense que plusieurs expériences et projets culturels basés sur des modes de financement alternatifs ne tarderont pas d’apparaître en Tunisie. C’est vrai que c’est un peu difficile de convaincre les gens de l’importance de la culture d’une part et pour qu’ils passent d’un mode de transaction traditionnel à un mode alternatif pareil basé sur la confiance d’autre part. Mais avec le temps et le cumul des expériences ça peut marcher.
Vous avez lancé des artistes récemment ?
Oui, Sarab band groupe, Mahmoud Turki, Zied Khmiri ou encore Zied Bagga et de cela nous sommes très fiers.
Ah Zied Bagga est donc l’un de vos protégés. C’est vraiment du concret! J’ai vu que vous venez de remporter le prix Ouishare Fest. Qu’est-ce que c’est ?
Oui, Share est une communauté internationale composée de passionnés (entrepreneurs, designers, makers, chercheurs, décideurs publics, citoyens, et bien d’autres) qui œuvrent pour le développement de l’économie collaborative. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif, fondée en janvier 2012 à Paris. Sa mission est d’explorer, de mettre en lien et de promouvoir les idées et projets à impact sociétal, basés sur les modèles du partage, de la collaboration et de l’ouverture.
Lors de l’Ouishare Fest, chaque année, plus de 130 projets d’économie collaborative se portent candidats. Parmi lesquels 12 projets lauréats sont sélectionnés dans un premier temps par un jury d’experts, et sont appelés à pitcher leurs projets devant la communauté lors du festival. Et après un vote en ligne et offline, 5 projets sont élus pour l’OuiShare Awards. Cette année «Debbo 52, incubateur des projets artistiques» a gagné ce défi et décroché le prix parmi les meilleurs projets de l’année et a été le premier projet arabe et africain à l’avoir fait.
Des projets ?
Comme nous nous investissons dans la confiance, nous tenterons dans les années qui viennent à impliquer d’avantage les artistes talentueux et experts en management culturel dans nos projets, afin d’élargir notre communauté, promouvoir les forces créatrices en Tunisie et éveiller l’intérêt à l’art et à la culture chez le public.
Entre autres, il y aura prochainement une deuxième édition de «raconter la Tunisie en transition» qui vise à promouvoir des jeunes photographes et les réunir autour d’un sujet d’actualité. L’output de ce projet sont une photo book et une exposition collective qui avaient réuni, dans sa première édition, 8 photographes professionnels et amateurs.
Peut-on rendre la culture accessible en Tunisie ?
Oui, si on s’investit dans les espaces de proximité et si on trouve des modes de financements alternatifs et si les créateurs et les artistes sont porteurs d’un projet esthétique et les espaces culturels, qu’ils soient publics ou privés, assument leurs rôles et prennent au sérieux la culture en tant que secteur créateur d’une valeur ajoutée.