Décalages

Installé pour faire bouger les choses et dissiper le doute et le malaise ambiants, le gouvernement Chahed a encore du plomb dans l’aile et ne semble pas trouver ses bons repères ni les soutiens dont il a besoin pour sortir le pays de la crise. En témoigne, la loi sur l’urgence économique, qui a été la toile de fond de son programme pour les trois prochaines années et, surtout, le levier pour stimuler la croissance, relancer la machine économique, faire redémarrer les projets publics en souffrance et atténuer un tant soit peu la pression exercée sur le marché de l’emploi, semble reléguée aux oubliettes. Pourtant, comme son nom l’indique bien, cette loi est censée être la première priorité de l’équipe gouvernementale appelée à donner le ton dès les premiers mois de son exercice et d’éviter les écueils d’une Administration lourde et, parfois, excessivement tatillonne, reste en souffrance dans les tiroirs de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Ceci  malgré le fait que son élaboration a fait l’objet d’un large consensus, notamment de la part des signataires de l’accord de Carthage.
Manifestement,  chez nos députés comme chez nos hommes politiques,  la notion d’urgence est perçue à géométrie variable dans la mesure où  ce qui paraîssait,  il y a plus de six mois,  d’une extrême importance, devient subitement accessoire.  Ce qui étonne, c’est de voir plus de 135 projets publics actuellement bloqués, non pour un manque de financement ou d’études, mais en raison de procédures administratives lourdes et incompatibles avec les exigences de l’étape. Ce qui étonne encore plus, c’est le  peu d’empressement de toutes les parties directement impliquées dans ce processus à adopter cette loi et à lui conférer les chances d’atteindre les objectifs qui lui sont dévolus. .
Il faut noter que la loi en question a été pensée justement pour  surmonter la complexité des procédures administratives, accorder les autorisations nécessaires, conférer beaucoup de célérité dans le processus de prise de décision et adopter des procédures simplifiées, des démarches courtes à l’effet de donner un coup d’accélérateur aux projets publics et de générer une dynamique vertueuse dans nos régions ;
Le même constat amer peut être conclu s’agissant du processus d’adoption du plan stratégique 2016-2020 qui peine à susciter l’adhésion et le consensus de nos élus. Alors qu’il ne reste plus que seulement trois ans pour la réalisation des réformes, programmes et projets qu’il contient, cette loi parfois âprement discutée en commission, ne figure pas encore dans les priorités de l’ARP qui fonctionne au gré du caprice des groupes parlementaires et de leurs calculs politiques. Quelle pertinence aura le schéma de développement de ce plan quinquennal, les choix fixés en matière de développement économique et social et le timing de réalisation des différents programmes prioritaires ? Comment expliquer ce décalage qui ne cesse de se creuser entre la conception des stratégies et leur mise en route ? Entre la définition des réformes et les résistances qui s’interposent  à leur réalisation ?  Dans le premier cas comme dans le deuxième, l’Exécutif, constamment mis à l’index pour son laxisme et  son inefficience, est en train, en fait,  de subir les errements d’un législatif qui a transformé l’hémicycle du Bardo en arène de combat et de règlements de comptes improductifs entre des élus très peu au fait de la mission pour laquelle ils ont été élus.
**************
Après un bref intermède électoral, la nouvelle équipe dirigeante  de l’UGTT  a très rapidement donné le ton en voulant rattraper le temps perdu et nous rappeler  que notre quotidien sera ponctué, comme s’était souvent le cas depuis 2011, de grèves, d’arrêts de travail sauvages, de perturbations du cycle de la production et des services publics et de pressions continues sur les autorités publiques. Un quotidien où certains syndicats, comme celle de l’enseignement secondaire, sont en train, par leurs excès et dérapages incontrôlés,  d’achever l’école publique et toute velléité de la  réformer sur des bases sereines et consensuelles.
La montée soudaine de la fièvre des revendications, la multiplication des grèves et des préavis de débrayage dans divers secteurs d’activités, augurent d’un printemps chaud, et d’un retour à la politique du bras de fer jusque-là choisie par la Centrale syndicale pour pousser le gouvernement à ses derniers retranchements en le forçant, parfois, à ramer à contre-courant. Qu’importe que les finances publiques du pays soient à plat, que la confiance des opérateurs soit entamée, que l’investissement ne reparte pas, l’essentiel consiste pour nos syndicats de glaner encore d’acquis pour les ouvriers, quitte à hypothéquer leur avenir et celui de leurs familles. Malheureusement, l’UGTT a pris peut-être conscience  que le dialogue et le compromis ne servent plus à rien et que  seule la pression compte.  Et tant pis pour prix que la communauté aura à payer !

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana