Découverte d’une tourbière

Par Alix Martin

La réserve naturelle, créée autour des tourbières de Dar Fatma est inscrite sur la liste des zones humides d’importance internationale protégées par la Convention de Ramsar. Elle est remarquable. Elle fournit au Gouvernorat de Jendouba, à la région d’Aïn Draham en particulier, un intérêt écologique et touristique de plus, s’il en était besoin.

 

Dar Fatma

Actuellement, Dar Fatma est un hameau forestier situé à une dizaine de kilomètres au Nord-Est d’Aïn Draham. On y arrive en empruntant une petite route de montagne qui traverse le village appelé « Le Col des vents », situé sur la route qui relie Aïn Draham à Béja. Chemin faisant, on traverse des forêts de chênes-lièges et de chênes-zéens alternant avec des clairières qui sont cultivées aux alentours de Dar Fatma.

La petite polyculture pauvre ainsi qu’un élevage familial et extensif de bovins principalement de race locale : la « brune de l’Atlas », d’ovins et de caprins fournit à la population de maigres revenus. Le goudronnage de la route, l’électrification des villages, l’arrivée de l’eau courante, la construction d’écoles et de dispensaires donnant accès aux premiers soins sont des réalisations aussi récentes que remarquables. Mais la nature, pour admirable qu’elle apparaisse aux visiteurs, est assez mal perçue par la population. La forêt isole bien qu’elle fournisse du bois, des récoltes de liège rémunérées et de maigres pâturages de sous-bois.

Les sangliers causent des dégâts dans les jardins, même si les battues de chasse rapportent un peu d’argent aux rabatteurs. La chasse aux pigeons ramiers : les palombes et aux bécasses coûte de plus en plus cher. La vente du gibier aux visiteurs et le braconnage sont de plus en plus sévèrement réprimés ainsi que la coupe du bois. Le développement de l’artisanat stagne, sans doute, du fait de l’absence de visiteurs en dehors des axes routiers et du manque de points de vente aménagés dans les villages. Pourtant, que la montagne est belle !

A gauche de la route, vers le Nord-Ouest, une immense vallée, plantée de grands résineux et de magnifiques chênes-lièges, guide la vue du visiteur, dès la sortie d’Aïn Draham, jusqu’à Tabarka et à la mer.

A droite, vers le Sud-Est, les pentes sont surtout tapissées des superbes chênes-zéens qui constituent, peut-être, la plus grande et la plus belle des forêts de cette espèce de chênes en Afrique du Nord. Nous irons bientôt nous promener dans le futur Parc national de l’Oued Zéen.

Les myrtes, les bruyères, les genêts et les arbousiers embaument les sous-bois. Ils protègent plusieurs espèces de champignons comestibles délicieux tels que les « cèpes de Bordeaux », les girolles et de délicates orchidées, en particulier le limodorum abortivum mauve ainsi que le rarissime sérapia sténopetala blanc ou à peine rosé.

 

Les tourbières

Les cinq tourbières sont situées en bordure de route aux 40 G 9’ Nord, 7 G 16’ Est, dans une zone de clairières. Deux autres tourbières, moins bien conservées, en aval, font aussi partie du site Ramsar. Très rare en Tunisie, elles contiennent les « archives naturelles » du pays.

Des études des pollens et des spores piégés et fossilisés dans les sédiments de la tourbière ont permis de comprendre l’évolution de la végétation de la Khroumirie depuis 30.000 ans environ. Les tourbières hébergent des espèces végétales importantes pour le maintien de la biodiversité. Ce sont d’une part des graminées, d’autre part des plantes aquatiques très rares en Tunisie, telles que les Sphaignes : Sphagnum subsecum et S. plumulosum.

Très anciennement, le site a été couvert d’eau et entouré d’une forêt de chênes-zéens mêlés, en altitude, à des cèdres et des sapins. Cela prouvait l’existence d’un climat plus froid et plus humide. Durant la période actuelle, le chêne-liège a supplanté peu à peu le chêne-zéen. L’aulne, le saule et le frêne ont disparu à cause de l’assèchement progressif du site. Des bruyères et de grandes fougères sont venues s’installer tout autour.

La faune locale comprend de grands mammifères tels que le cerf de Barbarie endémique, le sanglier, le renard et le chacal, communs en Khroumirie. Il existe aussi quelques hyènes rayées. Les forêts et les sous-bois hébergent de nombreuses espèces d’oiseaux, parfois endémiques, telles que le pic de Levaillant, le pic épeiche, des mésanges bleues et charbonnières, les geais des chênes et de nombreux rapaces diurnes ou nocturnes.

Un écomusée, qui aurait la forme d’un gland de chêne, accueillera un jour les visiteurs et fournira des réponses à leurs interrogations.

Les promenades

Dar Fatma est située au cœur d’un réseau de grandes pistes forestières et de sentiers plus ou moins étroits.

En automne, on peut cueillir des champignons comestibles par exemple. C’est aussi le moment où, dans les bois, retentit le brame du cerf en rut. C’est la saison où, parfois, le soleil couchant couvre d’un voile d’or toute la forêt.

En hiver, on se régale d’arbouses écarlates qu’on peut transformer en confiture ou l’on récolte des baies et des feuilles de myrte qu’on dit antiseptiques, antitussives, souveraines contre la migraine, etc …

Au printemps, en plus des délicates fleurs blanches du myrte, on en découvrira bien d’autres telles que les cyclamens et les orchidées mais méfiez-vous, si vous êtes allergiques : à la période de pollinisation de chênes, toute la forêt baigne dans une impalpable « poussière » beige clair !

N’ayez aucune crainte : on ne peut pas se perdre. Puisque la route, qui se transforme ensuite en une grande piste menant à Tabarka, suit la crête du Jebel, il faudra nécessairement descendre pour s’en éloigner et monter pour la rejoindre.

Dans ces bois peu fréquentés, les « chasseurs d’images » pourront photographier parfois une vache et son veau, redevenus sauvages, qu’il faudra abattre au fusil pour les « consommer ». Ils pourront aussi surprendre de très nombreux oiseaux très « photogéniques » : pics, palombes, geai et même bécasses parfois.

En 50 ans de promenade, nous n’avons jamais été « chargé » ni par un sanglier, ni par un cerf. Le plus souvent, alertés par le bruit de notre marche, ils s’enfuient sans que nous les voyions. En cas de rencontre fortuite, l’immobilité est la meilleure « défense » : la bête, surprise, s’immobilise elle-même et se laisse observer dans la pénombre teintée de vert du sous-bois, durant un certain temps, puis s’en va soit en courant, soit à petits pas. Emportez toujours des jumelles du type 8 x 30 ou 8 x 32, dans vos promenades et un gros téléobjectif.

Pour photographier les animaux, il faut repérer un endroit où elle viennent : un point d’eau ou un « gagnage » où ils trouvent à manger. Puis, on construit un abri simple : trois branches en faisceau supportant un vieux filet de camouflage ou un filet de pêche fin, « réformé » : un « épervier » par exemple.

Il doit rester en place plusieurs jours avant que les animaux s’en approchent sans crainte. Ajoutez, aux alentours, un peu de nourriture : le sel pour bétail attire les cerfs, maïs, fèves, pois chiches sont appréciés par les sangliers, des résidus de boucherie, sentant très fort, font venir de loin renards, chacal et rapaces.

Allez vous promener autour de Dar Fatma. Souvenez-vous que la légende raconte que Fatma est morte noyée dans une tourbière, ne vous en approchez donc pas trop. Allez respirer, marcher, cueillir, déguster ou goûter et rencontrer les gens qui vous raconteront « Le pays des Khemiri ».

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