Défis économiques et sociaux : Impératif de réformes, de vision et d’action

Si les dernières élections ont permis de restaurer un tant soit peu la confiance et de mettre des institutions pérennes,  des mesures devraient  être prises rapidement pour donner de la visibilité aux opérateurs. Le programme des  100 jours du gouvernement est une forme de marketing pour mettre la pression sur  un gouvernement fraichement constitué.

Pour le gouvernement Habib Essid l’impression qui se dégage  donne, qu’il prépare ce qu’il fera dans la période qui succédera  les 100 jours, alors qu’il aurait dû passer à l’action sans attendre. M. Hassen Zargouni modérateur du panel portant le thème «  les défis économiques et sociaux de la Tunisie »  a prévenu les panelistes qu’il n’y aura pas de discours mais un débat afin de répondre à des  interrogations portant sur le  développement la Tunisie, les mesures d’urgence à entreprendre  et l’opportunité d’entreprendre des réformes.

Avant de répondre à ces interrogations, Mahmoud Ben Romdhane,  ministre du Transport a voulu fournir une explication sur les 100 premiers jours. Il explique que cette période est  indispensable pour que  les citoyens aient une perception sur un changement significatif dans leur vie courante.  « La valeur des 100 jours,  c’est  qu’il y a un gouvernement sur place qui commence à agir et introduire des changements significatifs » a-t-il soutenu.

Pour M Ben Romdhane. « Le département du Transport est caractérisé par une  administration lourde et  la multiplicité des domaines d’intervention» Ce ministère gère,   par exemple, le transport en commun, en  difficulté avec une   dégradation de la flotte qui n’a pas été renouvelée depuis quatre ans et  une anarchie dans son organisation. Pour  le ministre, il est impossible de changer tout cela, entre autres, par  le renouvellement de la flotte.  L’aéroport de Tunis- Carthage, dont les problèmes sont nombreux   et complexes,  n’est pas mieux loti. Mahmoud Ben Romdhane assure  qu’au terme des cent premiers jours (15 mai) les Tunisiens vont ressentir  un changement qui pourra être vérifié  à  l’aéroport de Carthage. Toutes les entreprises appartenant au secteur  du transport doivent sortir des difficultés financières qu’elles connaissent et, en même temps,  changer de gouvernance, a-t-il renchérit. Le ministre a annoncé le déblocage de quatre  grands projets structurant  engagé  avant la Révolution, à savoir respectivement  le Réseau ferré rapide, le port en eau profonde, le métro de Sfax et le RFR.

Les réformes sont-elles possibles ?

Pour  Kamel Bennaceur, ministre de l’Industrie au gouvernement Mehdi Jomaa, elles sont possibles mais, surtout, inévitables. Concernant son ancien département, il a indiqué, qu’il s’agit d’une administration  de compétence qui a  besoin de mangement et de vision  pour pouvoir avancer.  Les blocages constatés sont, «  plutôt structurels et n’exigent pas  des générations pour reformer ». Ben Naceur propose que le plan 2016-2020 soit  une déclinaison d’une vision à long terme pour concerner une période d’au  moins 20 ans. « La Tunisie doit avoir un plan mobilisateur à l’échelle de 2040 ou 2050 qui devra être décliné en étapes » a-t-il ajouté.  Au niveau de la stratégie  industrielle, le ministre pense que  la Tunisie doit se tourner vers l’exportation et donc vers  des industries à forte valeur ajoutée et d’un fort apport technologique, d’où la nécessité de  sélectionner entre 7 et 10 domaines prioritaires dans le cadre  d’un projet de société.

Les réformes,  sont  possibles estime pour sa part  Mahmoud Ben Romdhane. « C’est le programme de Nidaa Tounes enrichi par celui des  autres partis de la coalition au pouvoir  qui sera mis en œuvre ».   Pour réussir, il faut  le consensus de toutes les parties prenantes à savoir les patronats, les syndicats et la société civile. Le ministre soutient  l’idée de M. Bennaceur sur la nécessité d’avoir une vision globale sur le long terme,  précisant que  la loi de Finances complémentaire s’intègre bien  dans cette  vision globale 2016-2020. Ahmed El Karm, Directeur général d’Amen Bank, affiche un optimisme mesuré. Avec  un régime parlementaire où il n’y a pas de majorité et un gouvernement de coalition, le consensus sera difficile sur les réformes à entreprendre. En effet,  chaque parti a sa propre vision sur les  réformes dont la Tunisie aura besoin. M. El Karm, remarque que ces réformes ne seront pas faites comme on le souhaite.

Chef d’entreprise et représentant de l’UTICA, Nafaa Ennaïfer pense que le gouvernement peine à mettre en œuvre les réformes pour  manque de pédagogie. Le gouvernent ne sait pas comment communiquer et vulgariser sur ses capacités à mettre en œuvre ces reformes.  Outre la  résistance au  changement, le gouvernement doit prendre en considération l’entreprise en tant  que force de proposition.

Que faire aujourd’hui ?

Pour Ahmed El Karm, l’urgence d’une extrême importance de ce gouvernement, est  l’application des lois. « la loi n’est appliquée nulle part, alors que ce facteur  contribuera à lui seul  à  1 ou  2 points supplémentaires de croissance ».   pour  le Directeur général d’Amen Bank,  la Tunisie a vécu deux crises,   celle de 1979 où Hédi Nouira a eu l’idée ingénieuse de promouvoir  l’export via  l’impôt sur le bénéfice et  la crise de 1986 qui a fait naître l’idée  de la privatisation de certains secteurs.  « Avons-nous aujourd’hui une idée ingénieuse pour sortir de l’impasse  cette fois-ci ? S’interrogeait M. El Karm.  Il répondra, le PPP. Oui mais il ne sera pas appliqué de sitôt. La solution  selon lui, consiste à travailler. La réconciliation,  est également à faire aujourd’hui pour construire une économie nouvelle.  Les Tunisiens doivent comprendre que «  dans sa  guerre contre le terrorisme,  la Tunisie et les Tunisiens doivent changer de comportement, car gagner cette guerre impliquera  de réunir les conditions d’une paix sociale et de mettre un terme aux revendications sociales excessives ».  El Karem appelle à restituer  les avoirs à l’étranger qui représentent 550 millions de dinars rien qu’en Suisse.

Comment ramener cet argent ? Simplement en déclarant une amnistie de change. Il  y a également l’amnistie fiscale,  qui consiste à trouver un arrangement avec les fraudeurs pour  les intégrer dans le circuit formel et le système fiscal. La CNSS l’a déjà fait en supprimant  toutes les pénalités de retard réussissant  à récupérer 60 millions de dinars.  Ahmed El Karma a appelé à la convertibilité totale du dinar,  car l’enjeu aujourd’hui n’est  pas la fuite des capitaux mais l’entrée de capitaux suspects.

Quel nouveau modèle économique pour la Tunisie ?

Avant le 14 janvier, la Tunisie a réalisé des niveaux de croissances élevés et était un des meilleurs élèves de la région. Le forum de  Davos la classait 34e économie mondiale compétitive.  Et tout à  coup, tout s’évapore. Selon Radhi Meddeb, la croissance, bien qu’elle soit élevée n’a pas été inclusive solidaire et durable. Au cours de la période à venir, pense-t-il,  il faut aller par petites touches sur le court et le long termes pour arriver à la fin vers quelque chose qui se rapproche d’une vision globale, qui soit  plus solidaire plus performante et plus ouverte au monde.

Pour Mahmoud Ben Romdhane, le modèle de développement de la deuxième République sera un modèle participatif et inclusif. Il ne sera pas le monopole d’un seul parti. Comment le gouvernement parviendra-il à financer toutes ces réformes qui demandent des financements énormes ? Mahmoud Ben Romdhane a parlé de la mobilisation de la communauté  internationale  pour  la Tunisie. Et comme l’Egypte qui a réussi à mobiliser près de 80 milliards de dollars, la Tunisie peut faire encore mieux.

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