Fin de feuilleton. Sans surprise. Cela rappelle certains films, aux scénarios tellement mal conçus que l’on sait d’avance comment cela va finir. Pour celui qu’on nous a imposé depuis quelques temps, même son principal protagoniste connaissait sa fin et semblait ne pas être dérangé par cela. Du moins en apparence.
Les représentants du peuple ont tranché et ont choisi de « remercier » Habib Essid et son équipe, répondant ainsi aux désidérata du président de la République, notamment de vouloir changer cette équipe gouvernementale pour donner un nouveau souffle à l’action de la deuxième tête de l’Exécutif. C’est du moins la raison invoquée.
Retour sur une séance plénière « exceptionnelle » de l’ARP. Une séance qui restera inscrite dans les annales de cette démocratie naissante mais qui s’est avérée assassine. A plus d’un titre.
186 députés étaient présents à l’ouverture des débats le matin. On ne saura rien sur les raisons ayant empêché 31 élus d’être présents à cette séance définie par certains intervenants comme étant historique.
Le nombre de députés ayant demandé la parole augurait d’une longue journée pour les férus de débats mais, et surtout pour le service public avec ses deux chaines qui s’est mis au service d’un scénario qui n’en était même pas un. Le contribuable paiera la facture de cet excès de zèle politique.
A la fin, chose promise, voire promue, le gouvernement Essid n’obtiendra pas la confiance de nos chers représentants.
5 élus ayant rejoint le groupe, 191 députés étaient présents au vote en cette fameuse soirée du 30 juillet 2016. Résultat : 118 ont voté contre le renouvellement de la confiance, 27 députés se sont abstenus et 3 députés étaient pour le maintien d’Habib Essid et de son gouvernement. 43 élus ayant boycotté ce vote. Mission accomplie pour les uns comme pour les autres.
Désormais, Habib Essid et ses ministres assureront l’intérim en attendant la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution qui stipule qu’un nouveau gouvernement doit être formé dans un délai de dix jours. Au bout de quatre mois si la confiance des élus n’est accordée à un nouveau gouvernement, le président de la République a le droit de dissoudre l’Assemblée et d’appeler à des élections législatives dans un délai de 90 jours.
C’est là le tribut de la démocratie, diront certains. Sauf que celle qui se développe dans nos murs s’est avérée assassine et à plus d’un titre.
Au nom de cette démocratie, on a affaibli les institutions de l’Etat, au nom de cette même démocratie le peuple tunisien vit dans une situation presque de non-Etat. Ce même peuple est dans l’expectative ne sachant pas de quoi sera fait demain, obnubilé – par la force des choses – par son pouvoir d’achat qui se détériore à la vitesse grand V et la corruption qui s’étend comme une trainée de poudre.
Assassine, notre jeune démocratie l’est, parce que fragilisée par tant de manœuvres politiciennes. Sinon, comment expliquer qu’en seulement cinq années, les Tunisiens ont connu pas moins de huit gouvernements. Un élu nahdhaoui expliquera, comme pour soulager Essid, que la moyenne d’âge d’un gouvernement, en Tunisie, était de 15 à 18 mois. Balivernes. Cette moyenne est de 229 jours cher député, sauf que ce n’est pas à parts égales.
Cette démocratie a eu raison de toutes les formations gouvernementales que la révolution a enfantée.
Assassine, également, car contrairement à ce que nos élus pensent – il est difficile désormais de dire qu’ils représentent le peuple étant les fidèles serviteurs et exécutants des instructions des chefs de leurs partis – le regard de leurs électeurs a grandement changé et ne leur font plus confiance.
Le débat de samedi aura prouvé que la distance qui sépare le peuple de ses représentants est immense.
Le peuple était absent, les députés s’étant adonnés à une véritable démonstration de règlement de comptes entre partis.
Assassine aussi, au regard de tous ces jeunes tombés entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 et plus encore surtout après cette date au nom de la liberté recherchée et d’une démocratie rêvée.
Assassine surtout, car des militants ont payé de leur vie le seul fait d’avoir cru en elle et de l’avoir défendue. Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi – paix à leurs âmes – n’auront pas apprécié le discours négativiste de leurs héritiers ni cette attitude passive qu’ils affichent sourire aux lèvres.
Ils ont été épargnés d’assister à une grande démonstration d’hypocrisie politique et à cette grande ovation générale de Habib Essid ainsi que le show, de dernière minute du groupe Front Populaire, qui ont suivi la réponse du Chef du gouvernement aux interventions, bien orchestrées et réparties, de nos « représentants ».
Il n’y a pas de morale en politique, il n’y a que calculs, intérêts, trahisons, déshonneur et ivresse du pouvoir, confirmation en a été donnée ce samedi.
On vous applaudit dans un standing ovation historique, M. le chef du gouvernement, mais on vous renvoie pour respecter le deal, inavoué.
Il n’est nullement ici question de défendre Habib Essid ou son bilan, mais de faire comprendre à tout un chacun que la pilule n’est pas avalée et que le peuple n’est nullement l’otage de ses députés qui ne répondent plus à sa volonté.
Il reste toutefois que l’on est en droit de se reposer cette question qui ronge tout le monde : à qui profite cette situation d’instabilité ? Certes à la prolifération de la contrebande, à la corruption et au terrorisme mais surtout pas, pour le moment, aux intérêts du pays et de son peuple.
Alors, arrêtons ce jeu d’hypocrisie politique et dites au peuple la vérité sur vos projets futurs pour que cette démocratie naissante reprenne ses lettres de noblesse, celles écrites par le sang des martyrs.
Faouzi Bouzaiene