La proposition du Chef du gouvernement, Youssef Chahed, de limoger Chedly Ayari de la gouvernance de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a été bien accueillie par plusieurs personnalités publiques. La plupart, cependant, ont affirmé que ce n’était pas la seule solution, à l’instar de l’expert économique Moez Joudi. Dans une déclaration à Réalités Online ce jeudi 8 février 2018, il considère que c’est une solution parmi d’autres.
L’économiste a souligné que le limogeage de Chedly Ayari a été décidé suite à un cumul d’événements. Les défaillances, poursuit-il, étaient nombreuses au niveau de la politique monétaire de la BCT. Conséquence, selon Moez Joudi, des voyants qui ont viré au rouge : baisse des réserves en devises à 84 jours d’importation, inflation à 6,9% en janvier 2018, déficit commercial de plus de 15 milliards de dinars en 2017.
Les défaillances existent également au niveau de la supervision bancaire et au sein de la commission tunisienne d’analyse financière (CTAF). « Le gouverneur de la BCT est, d’office, le président du CTAF. Cette dernière est chargée du traitement des alertes émises par les banques portant sur la transparence du système bancaire et financier. Le dernier rapport de la CTAF a clairement évoqué l’existence du blanchiment d’argent en Tunisie », a-t-il déclaré.
Cependant, ce ne sont pas toutes les alertes qui ont été traitées, d’après Moez Joudi. De fait, il manquait, surtout, des actions concrètes.
D’après l’Union Européenne, précise-t-il, notre système juridique manque de fiabilité. Les textes de loi existent, certes, mais il y a un problème dans leur mise en oeuvre. « Il n’y a pas de suivi, mais plutôt de la passivité, ce qui a transformé la Tunisie en passoire ces dernières années », a-t-il regretté. Et d’ajouter : « le classement établi par l’Union Européenne porte sur les années 2012, 2013 et 2014. Dans ce cadre, les autorités tunisiennes ont été invitées à interagir, notamment la BCT. Cependant, elles ne l’ont pas fait. ».
Revenant sur le départ probable de Chedly Ayari, Moez Joudi a affirmé qu’il faut qu’il y ait des personnalités qui assument leur responsabilité.
« Désigner les coupables des financements occultes »
Il ne faut pas, d’autre part, s’arrêter sur ce limogeage. Désormais, souligne Moez Joudi, il est question de réformer le système bancaire et financier, lutter plus efficacement contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent et, notamment, désigner les coupables qui ont fait entrer de l’argent illicites en Tunisie. « Il faut donner plus de moyens à nos institutions. Qui sont les associations impliquées dans le financement du terrorisme ? Et les partis politiques qui sont également soupçonnés : pourquoi certains d’entre-eux ne publient pas leurs rapports financiers ? », s’est encore interrogé l’économiste.
Marouane Al Abassi à la tête de la BCT : un excellent profil
L’autre piste à emprunter, d’après Moez Joudi, porte sur le poste de vice-gouverneur de la BCT. C’est lui, considère-t-il, le véritable manitou de l’institution. « Le vice-gouverneur possède plusieurs prérogatives, conformément au statut de la BCT. Il faut démettre le gouverneur actuel pour le remplacer par l’un des directeurs généraux de la BCT », a-t-il suggéré.
Commentant, par ailleurs, la proposition de nommer Marouane Al Abassi à la tête de la BCT, Moez Joudi a assuré qu’il s’agit d’une excellente initiative. « C’est un expert économique reconnu ayant travaillé un peu partout dans le monde. Il connaît bien le système bancaire et il possède le background nécessaire pour être à la tête de la BCT », a-t-il dit.
Le prochain gouverneur, poursuit-il, doit être apolitique. « Chedly Ayari a été nommé dans une logique partisane en 2012. D’ailleurs, le limogeage de son prédécesseur, Mustapha Kamel Nabli, était aussi politique. Il faut dépolitiser la BCT pour qu’elle puisse travailler pour l’intérêt de l’Etat. Marouane Al Abassi, pour sa part, n’appartient à aucun parti politique et aucun parti ne le soutient », a-t-il encore ajouté.