Dépôt légal ou «censure» (in)justifiée? La levée de ce «verrou» est-elle possible? Les médias contestent aujourd’hui le retour de cette épineuse question, la considérant comme étant une «censure» déguisée. Mise au point.
Rétabli le 7 janvier 2014 par l’ancien chef du gouvernement, Ali Laârayedh, le dépôt légal a été vivement critiqué par les médias, mais également par les instances de défense des Droits de l’Homme. En effet, le décret n°59 de la présidence du gouvernement daté du 7 janvier 2014, stipule dans son troisième article que le dépôt légal «est obligatoire pour les écrits, les dessins, les propos, les médias (tous types confondus), les livres imprimés ou électroniques de 49 pages ou plus (outre les pages de couverture)», avant leur mise à disposition auprès du public.
Le dépôt légal avant diffusion, «sert uniquement au contrôle préalable». «Nous sommes obligés de payer des amendes au cas où nous refusons de le faire», avait déclaré à Gnet, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Attarik Al Jadid, Hichem Skik, selon qui ce dépôt rappelle les «anciennes pratiques» du régime Ben Ali.
Vers le retour de la censure ?
La Ligue tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) estime que cette pratique rappelle les mauvais souvenirs de l’époque Ben Ali où tout refus de délivrer le récépissé se traduisait par une amende. Le dépôt légal avait provoqué pendant de longues années de grands dégâts à cause de la censure.
Abdessatar Ben Moussa, président de LTDH, a indiqué dans un communiqué rendu public le 8 février, que cette procédure doit être effectuée a posteriori en vue de conserver la mémoire nationale dans l’endroit «approprié» à savoir le Centre national de la documentation (CDN) et non pas dans «les services de la présidence du gouvernement». Selon lui, le dépôt légal est en contradiction avec l’article 30 de la Constitution qui garantit la liberté d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication et interdit d’imposer un contrôle préalable sur ces libertés. Cette pratique est aussi contraire au décret-loi 115 qui a annulé le dépôt légal pour les publications périodiques.
Le dépôt légal a, depuis toujours, constitué un grand problème pour les médias en Tunisie. Rappelons qu’à l’époque même de Ben Ali, cette mesure avait été abrogée par le président déchu à l’occasion de la Journée nationale de la Culture, le 27 mai 2005. Il est donc étrange qu’elle soit rétablie dans le contexte actuel de liberté d’expression !
Chaïmae Bouazzaoui