La réforme administrative, un éternel sujet qui soulève encore des vagues et des débats, en dépit des multiples tentatives gouvernementales et autres promesses électorales de l’engager au plus tôt et de la mener à bien. Un des rares dossiers nationaux et stratégiques qui, malgré le consensus qu’il suscite auprès des pouvoirs publics, des citoyens et de la société civile, piétine, reste ancré dans ses stéréotypes et ne réussit toujours pas à se débarrasser de ses inerties, de ses lourdeurs et de ses clichés.
L’administration publique reste un mastodonte inviolable en dépit de toutes les actions engagées ou suggérées dans la perspective de sa restructuration, sa modernisation et son rapprochement des administrés qui souffrent de sa bureaucratie.
Lundi 24 mars, le président de la République a remis sur la table la question de l’administration, de ses abus et de ses dérives avec la toute nouvelle Cheffe du gouvernement, et cette fois sous un angle pour le moins inédit en pointant les excroissances inutiles de l’édifice monumental de l’administration publique. Il s’agit de toutes ses structures de petite et de moyenne taille et de ses bureaux aménagés au sein des ministères et des institutions et entreprises publiques qui ne servent à rien ou dont le rendement ne justifie pas leur présence dans l’organigramme de l’administration en question.
L’exemple des bureaux censés être consacrés à l’accueil et à l’orientation des citoyens, donné au cours de l’entretien avec Sarra Zenzri, est le plus édifiant sur la conception dépassée de l’administration à l’ère du numérique. Aujourd’hui, quelques clics devraient suffire à tout administré d’accéder à une banque de données générales figurant sur le site officiel de la structure administrative objet de la recherche. D’autres exemples d’abus et de mauvaise gestion peuvent être ajoutés tels que la concentration d’employés dans un même bureau pour accomplir une même tâche. Cette situation a été observée surtout après le 14 janvier 2011 quand l’administration et les entreprises publiques ont été gavées de recrutements massifs sans concours et sans tenir compte de la capacité de ses structures à prendre en charge les financements conséquents. Tout le monde connaît la suite.
L’année 2011 a, également, vu la création d’une armada d’instances constitutionnelles avec rang de secrétaire d’Etat pour la présidence, avantages financiers et en nature conséquents, mais dont seul un petit nombre de ces structures, notamment l’ISIE, a eu de la visibilité au niveau du travail accompli lié aux objectifs suggérés. Les instructions présidentielles à Sarra Zaâfrani Zenzri sont directes : « Certaines structures administratives devront être repensées et d’autres carrément supprimées ». L’argumentation est claire : « « De nombreux bureaux sont désertés, les portes fermées, d’autres sont remplis de dossiers poussiéreux ».
L’administration tunisienne a bel et bien besoin d’un lifting pour être au diapason des responsabilités qui sont les siennes et des attentes des administrés. Un lifting qui comprend un programme de modernisation au niveau de l’organisation du travail, du fonctionnement des services et de la gestion rationnelle des ressources humaines. Mais ces trois fonctions reposent sur un préalable : la numérisation de l’administration.
En effet, outre une plus grande célérité, la numérisation permet la suppression du contact direct entre l’administration et les administrés, ce qui est susceptible d’éviter toute sorte d’incompréhension ou velléité de corruption, sinon, au moins, de les réduire. La numérisation implique également un allègement des affectations et offre l’opportunité de mieux dispatcher les ressources humaines. Toutes ces idées ne sont pas nouvelles, elles ont été débattues pendant des années mais n’ont jamais abouti, en l’absence d’une véritable volonté politique. La Tunisie a les compétences nécessaires et suffisantes pour opérer sa révolution numérique, pourquoi donc continue-t-elle d’être à la traîne ? Pourquoi n’arrive-t-on toujours pas à faire sauter les verrous qui bloquent notre administration ? Si le problème n’est pas technique, il relève alors forcément des mentalités et/ou des intérêts des uns et des autres.
L’objectif ultime de toute réforme administrative est la redéfinition des rapports entre l’administration et les citoyens, la mise en place d’un nouveau modèle de fonctionnement qui facilite la vie des citoyens et réduise les tensions entre administration et administrés, et ce, en réduisant la bureaucratie, en améliorant la qualité des services et en accélérant les prestations administratives.
Cela passe nécessairement par la réduction des délais d’étude des dossiers administratifs, afin de garantir des réponses rapides, efficaces et conformes aux principes de bonne gouvernance, de transparence et d’intégrité. L’objectif affirmé est clair : moderniser l’action publique, renforcer la qualité des services fournis aux citoyens et répondre de manière plus efficace à leurs attentes.
Des initiatives de modernisation de l’administration tunisienne ont, déjà, été lancées, mais il reste beaucoup à faire. La nouvelle réorganisation que propose Kaïs Saïed devrait atteindre à terme un autre objectif, celui de la charge salariale et celle du fonctionnement (à vide) des structures épinglées. Il faut donc s’attendre à ce que la nouvelle Cheffe du gouvernement ordonne un audit de toutes les institutions et structures publiques afin d’identifier les services qui tournent à vide et mettre un terme au gaspillage, ce qui mobilisera des moyens pour renforcer les structures qui en ont le plus besoin et financer les dizaines de milliers de nouveaux recrutements.
Après les enseignants suppléants et les contractuels à durée déterminée, c’est au tour des chômeurs détenteurs de doctorat de retenir l’attention du président qui voit dans la réorganisation de l’administration qu’il propose à sa nouvelle Cheffe du gouvernement, l’occasion de les repêcher.