Laissons de côté pour le moment les réactions hostiles, égoïstes et intéressées des corporations professionnelles relatives à la loi de Finances. Les sources et les modalités de financement du Budget de l’Etat pour l’exercice 2018, soulèvent plusieurs polémiques et contestations de la part des experts financiers et des observateurs économiques.
Cela est également le cas lorsqu’il s’agit de l’inflation démesurée des dépenses et des frais de fonctionnement de l’Administration d’une année à l’autre, non maîtrisée par le gouvernement.
En effet, plusieurs constats surprenants peuvent être faits. Alors que nos entreprises connaissent des difficultés de toutes sortes, les problèmes financiers se trouvant au premier rang, dans un climat des affaires morose, les banques de leur côté, toutes catégories confondues enregistrent des performances enviables au niveau du PNB, des résultats nets bénéficiaires, de la progression des dépôts et des crédits accordés à la clientèle….
Il y a là un paradoxe réel et une situation anachronique.
Pour parvenir à ces résultats, les banques sont-elles en train de surexploiter leur clientèle d’entreprises et de particuliers, en imposant des tarifs prohibitifs pour toutes prestations de services, notamment les taux d’intérêt sur crédits bancaires, usant et abusant d’une réglementation permissive à l’abri d’ententes favorisées par l’existence d’associations professionnelles ?
Par ailleurs, l’Etat, incapable de maîtriser la vague déferlante de la croissance vertigineuse de ses dépenses de gestion d’une année à l’autre, octroie 2 à 2,5% d’intérêt annuel pour obtenir un crédit en devises auprès de 13 banques locales afin de financer le budget 2017.
Il s’agit d’un prêt de 250 millions d’euros, soit 7278 MD (prélevés soi-disant sur les dépôts en devises des non résidents selon les arguments étatiques) alors que cette trésorerie était destinée en principe à financer les entreprises économiques privées qui en ont bien besoin.
En effet, le nouveau statut de la BCT lui interdit de prêter de l’argent à l’Etat, afin d’empêcher l’institut d’émission de recourir à la “planche à billets” en cas de besoin, car cela pourrait engendrer l’accélération de l’inflation dans le pays alors que l’un des principaux rôles de la BCT consiste justement à maîtriser sinon à ralentir le taux de l’inflation.
Le gouvernement, en mal de solutions, se tourne vers les banques pour emprunter.
Celles-ci, ayant bien sûr une totale confiance dans la solvabilité de l’Etat, ne se font pas prier pour passer à la caisse au détriment des ressources destinées au financement des entreprises. Compte tenu du glissement vertigineux du dinar et du fait que le prêt a été accordé en euros, le montant du remboursement sera alourdi de façon significative même si le taux d’intérêt reste modéré.
Rappelons pour mémoire que les banques contribuent chaque année de façon consistante au financement du budget de l’Etat en dinars, par l’acquisition de Bons du Trésor dont la rémunération se fait à raison de 8% par an, sur cinq. C’est une aubaine pour les banques au double plan, sécurité et rentabilité de l’opération.
Il s’agit en fait d’un endettement extérieur déguisé, pour éviter de sortir encore une fois sur le marché international financier privé, ce qui serait très coûteux et peu performant, compte tenu du rating international de notre pays, plutôt catastrophique.
Le prêt en devises contracté auprès des banques tunisiennes va sûrement contribuer à approfondir encore le déficit du commerce extérieur, puisque la disponibilité en devises dans nos réserves de change est un encouragement à l’importation de biens de consommation.
D’ailleurs, la contribution respective de chaque banque reflète l’aisance relative de l’institution bancaire en devises : BIAT et Attijari bank (60 ME chacune), UIB (40 ME), BNA (21 ME), ATB (20 ME), STB et Amend bank (10 ME chacune), BH et ABC (5 ME).
Plutôt que d’emprunter aux banques pour financer des frais de fonctionnement de l’Administration, le gouvernement dispose en fait de plusieurs autres solutions moins contraignantes et moins coûteuses : la vente aux enchères publiques des biens confisqués, notamment les entreprises économiques dont la situation financière se dégrade à cause de la mauvaise gestion de certains mandataires, et qui gardent encore de la valeur, à l’instar de Zitouna Bank, Carthage Cement, Palace Gammarth, Palais Sidi Dhrif… le recouvrement des pénalités douanières suite aux infractions et sanctions de justice prononcées contre les passeurs.
Il y a un vrai problème de gouvernance au niveau de la gestion des finances publiques dans notre pays. En effet, pourquoi ne pas veiller à l’activation du recouvrement du montant des fraudes fiscales constatées auprès de centaines d’entreprises et hommes d’affaires ?
Les entrepôts des douanes recèlent des stocks d’or, d’argent, de bijoux et de marchandises diverses, saisis auprès des contrebandiers et des fraudeurs, qui ont une valeur marchande. Pourquoi ne pas les vendre pour renflouer les caisses de l’Etat ?
La pratique de l’austérité dans les dépenses de l’Administration, ainsi que l’assainissement de la gestion des entreprises publiques, permettraient de réaliser des centaines de millions d’économies dans le budget de l’Etat au niveau de la gestion du parc-auto, des frais de mission et de réception, des salaires et des indemnités diverses versées aux uns et aux autres, des frais de location d’immeubles…