Dérèglements climatiques : Qu’avons-nous préparé ?

Reportage dans la ville de Paiporta, la zone zéro la plus touchée, avec plus de 100 victimes. La présence de boue et des véhicules accidentés ralenti considérablement la progression des secouirs ainsi que le travail de déblayement et de nettoygae des bénévoles. L'armée et les pompiers se concentrent sur le sauvetage des survivants coincés dans les décombres.

Les inondations meurtrières et historiques qui viennent de frapper l’Espagne ne sont pas le fait du hasard. Les dérèglements climatiques sont une réalité à l’échelle mondiale stigmatisée par les experts internationaux depuis plus de trois décennies. Le Bassin méditerranéen est une des régions les plus menacées par une sécheresse critique, par le stress hydrique et par les inondations et les crues. Sommes-nous préparés, en Tunisie, à y faire face avec le moins de dégâts possibles ?

 La Tunisie est, à l’instar des autres pays, exposée aux phénomènes naturels extrêmes. Souvent d’ampleur imprévisible, l’adaptation et la prévention demeurent les seules solutions possibles pour en atténuer l’impact sur les populations et sur les économies nationales. Le monde s’est mobilisé dès les années 90 pour contrer les dysfonctionnements de la nature constatés et pointés par des experts internationaux qui ont été rassemblés en 1988 dans un Groupe scientifique d’experts intergouvernemental, le GIEC, chargé de suivre l’évolution du climat, d’en évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences. Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour répondre à la demande pressante des experts de s’y préparer avant qu’il ne soit trop tard.
Les institutions onusiennes ont été les plus réceptives et les plus actives dans ce domaine, plusieurs conventions internationales de lutte contre les causes des changements climatiques ont été élaborées et proposées aux gouvernements pour leur adoption et surtout leur exécution. Un de ces mécanismes est la Convention des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui vient s’ajouter à une précédente série d’autres conventions plus spécifiques aux différentes composantes des écosystèmes (sol, air, mer). La dernière édition de cette conférence des Nations unies sur les changements climatiques, COP 28, a eu lieu à Dubaï (Emirats arabes unis), l’an dernier, du 30 novembre au 12 décembre 2023 (197 pays et 70 mille participants). Ses objectifs : marquer « le début de la fin des combustibles fossiles », principales causes, selon les experts, des émissions de gaz à effet de serre, du réchauffement de la température de la Terre, des épisodes plus longs et plus critiques de la sécheresse, de l’augmentation du niveau de la mer. Concrètement, ces dérèglements aboutissent à des épisodes pluvieux rares et violents, aux inondations désormais de plus en plus meurtrières, aux pénuries d’eau potable, à la baisse des récoltes et dans certaines régions, notamment africaines, aux famines.
Des accords internationaux ont pu voir le jour grâce à la mobilisation onusienne et gouvernementale. Le dernier plus important d’entre eux est l’Accord de Paris (2015) qui exhorte les pays à agir pour contenir l’élévation de la température terrestre à 1,5 degré celsius, ce qui implique la réduction de près de moitié (43%) les émissions mondiales des gaz à effet de serre d’ici à 2030. Ce qui suppose que chaque gouvernement respecte sa part de responsabilité et d’engagement pour atteindre ces objectifs.
A ce jour, si l’on considère l’évolution du climat, la fréquence (plus grande) des catastrophes climatiques et la multiplication des guerres et leur impact sur la pollution de l’air et du sol, il est évident que les pays signataires ne respectent pas leurs engagements quand d’autres, comme les Etats-Unis sous la présidence de Trump (2016-2020) , mettent en doute carrément la rhétorique du GIEC.
La Tunisie a été, dès le départ, partie prenante dans la mobilisation mondiale pour la protection de l’environnement et pour la lutte contre les changements climatiques. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été ratifiée en 1993, le Protocole de Kyoto (Japon) en 2002 et le Protocole de Paris en 2016. Mais qu’est-ce que la Tunisie a réalisé, dans la durabilité, au profit de la transition écologique ?

 Engagements internationaux et défis nationaux
En tant que pays membre signataire de la CCNUCC et des Accords inhérents, la Tunisie est astreinte aux objectifs climatiques mondiaux. Mais, comme nombre d’autres pays, la Tunisie fait face à des défis nationaux spécifiques qui entravent sa marche vers une transition énergétique et écologique accélérée, tout en sachant que la Tunisie fait partie des bons élèves en matière de protection de l’environnement. En 2021, et en vertu de l’Accord de Paris, la Tunisie s’est engagée à réduire l’intensité carbone de son économie, par rapport à l’année de base 2010, de 45% en 2030 (contre un engagement de 41% en 2015). Un engagement qui implique des efforts particuliers d’intégration des indicateurs climatiques dans les politiques et les budgets publics, tels que la promotion des énergies renouvelables, mais ces ambitions exigent des financements supérieurs aux capacités d’investissement national et le recours à des expertises internationales. Défis que la COP tente de relever pour répondre aux difficultés rencontrées par tous les pays en voie de développement.
Un des enjeux de la dernière COP28, était la finance climatique et les moyens de redynamiser le Fonds vert pour le climat, mécanisme financier de la CCNUCC, créé en 2013. Ce Fonds représente une opportunité pour la Tunisie d’accéder à des ressources conséquentes pour financer la mise en œuvre de programmes et de stratégies de lutte contre le changement climatique. En vertu des rapports officiels, dont la Quatrième communication nationale de la Tunisie au titre de la CCNUCC en date de décembre 2023, les engagements nationaux sont transparents et franchement orientés vers une vision globale à la fois énergétique, climatique et socioéconomique.
Le rôle social de l’Etat est désormais une orientation stratégique en Tunisie, ce qui implique de nouveaux défis économiques qu’il incombe de relever. Outre l’effort singulier de l’Etat attendu en termes de transition énergétique et de mécanismes financiers, juridiques et technologiques innovants d’adaptation aux changements climatiques, les communes, la société civile et le citoyen sont également appelés à participer dans le cadre d’un effort national de prévention. Il s’agit de contribuer à l’amélioration des performances des stratégies de gestion (collecte, tri, transformation) de toutes sortes de déchets (ménagers, industriels, hospitaliers…), de renforcer le secteur de la valorisation des déchets en vue de diminuer les quantités produites et de créer de nouveaux emplois dans le secteur environnemental et de préservation de l’hygiène urbaine.
Les échos des dernières inondations qui ont frappé l’Espagne dépassent les frontières hispaniques non seulement pour le nombre catastrophique de pertes humaines, plus de 217 morts et un nombre indéterminé de disparus, mais aussi pour la menace grandissante qui pèse sur le pourtour méditerranéen. Plusieurs régions, dont la Tunisie, subissent depuis plusieurs années une sécheresse importante qui a entraîné des restrictions d’eau, des feux de forêt, des baisses ou des dégradations de récolte et, paradoxalement, des inondations et des crues meurtrières. Sous l’effet des changements climatiques, les experts prévoient une aggravation des phénomènes extrêmes auxquels il est impératif de se préparer pour, au moins, en minimiser les dégâts.
Dans ce domaine, il y a beaucoup à faire en Tunisie et il devient, à ce titre, urgent de procéder à l’organisation de nouvelles élections municipales pour institutionnaliser, coordonner et augmenter l’efficacité des futures et urgentes interventions dans le domaine public communal. Le défi majeur pour tous les pays du monde continue d’être les actions préventives mises en place pour éviter des hécatombes comme celle constatée ces derniers jours dans le Sud de l’Espagne.  Certaines de ces actions citoyennes sont simples, elles ne nécessitent que de la volonté et de l’adhésion.

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