Des choix douloureux, mais vitaux

Le prochain gouvernement, qui sera formé aussitôt que la nouvelle Chambre des députés sera mise en place pour assurer le pouvoir législatif cinq années durant, devra assumer un héritage très lourd et faire rapidement des choix douloureux et courageux étant donné la situation socioéconomique du pays près de quatre ans après le déclenchement de la Révolution.
En effet, les deux années (2012-2013) durant lesquelles la Troïka a gouverné, ont mené le pays au bord de la banqueroute, si l’on en croit le récent rapport établi par la BCT et il n’y aucune raison pour remettre en cause une institution connue pour sa rigueur, sa neutralité et son intégrité.

C’est tout juste si le gouvernement de Mehdi Jomaa est arrivé à mettre un peu d’ordre et de stabilité dans un navire qui prend l’eau de toutes parts. Même s’il n’a pas eu assez d’audace et de courage pour réaliser les réformes structurelles qui s’imposent, étant sous haute surveillance de la part du Quartet qui mène le dialogue national et l’astreint à une feuille de route contraignante.

La croissance économique est pratiquement en panne depuis plus de trois ans, car après la décroissance de 1,8% en 2011, les taux de 2% et 2,4% sont en fait des récessions si l’on prend en considération que l’inflation a fluctué autour de 6% chaque année et que le taux de change du dinar n’a pas cessé de se déprécier face à l’euro, de 10% environ chaque année pour la moyenne des trois dernières années.

La contrebande et le terrorisme se sont développés dans le pays à cause du laisser-faire et du laisser-aller coupables de la Troïka mettant l’économie du pays à genoux.

C’est ainsi que deux secteurs-clés de l’économie tunisienne, qui assuraient traditionnellement l’équilibre relatif de la balance des paiements à savoir le tourisme et le secteur des phosphates, ont été asphyxiés et immobilisés. Les recrutements massifs et improductifs de dizaines de milliers de fonctionnaires ont plombé le budget de fonctionnement de l’État où le poste salaires a augmenté de 70% entre 2012 et 2013 alors que seuls le renforcement des enseignants, de l’armée et ceux des forces de police intérieures sont nécessaires dans l’état actuel des choses.

Notre pays a survécu grâce à l’aide de la communauté nationale, notamment de l’Union européenne et les bailleurs de fonds internationaux.

De grandes erreurs ont cependant été commises : on a emprunté à l’étranger des milliards et des milliards de dinars pour financer la compensation des carburants et des denrées alimentaires de base qui profitent seulement dans une proportion de 12% à ceux qui en ont vraiment besoin.

Cet endettement extérieur croissant qui tourne autour de 45% du PIB n’a pas servi à financer des projets d’investissement dans les infrastructures de base ni des projets économiques productifs et générateurs d’emplois et de création de richesses, mais a servi à distribuer des salaires et des avantages en nature à l’administration et à combler les défaillances des entreprises nationales dont le déficit global est de l’ordre de 3 milliards de dinars.

Il faut dire que depuis le déclenchement de la Révolution la faiblesse du pouvoir central et régional de l’État a empêché la réalisation des projets dans une proportion de 80% à 50% bien que les crédits soient disponibles, en partie parce que le Tunisien a perdu le sens de la valeur travail.

Le futur gouvernement devra faire des choix difficiles et même douloureux s’il veut remettre le pays sur la route de la croissance économique et de la solidarité sociale. Mais ils seront salutaires pour assurer l’avenir de la nation et le bien-être de la population.

Ce nouveau gouvernement devra tout d’abord mettre un terme au financement de la consommation, à savoir consacrer les ¾ du budget au financement des salaires d’une fonction publique pléthorique et peu productive et des dépenses de compensation qui profitent surtout aux nantis, lesquels ne paient pas leurs impôts. Surtout que ces crédits sont financés à partir d’un endettement extérieur qui a atteint ses limites. Les crédits doivent financer impérativement l’investissement et les projets producteurs de richesses et générateurs d’emplois.

Il n’est pas judicieux non plus de consacrer des crédits importants pour octroyer des subventions aux sans-emplois, il est plus pertinent de financer plutôt la création d’emplois, y compris la formation complémentaire destinée à promouvoir l’employabilité ainsi que la reconversion des diplômés du supérieur en vue de leur insertion professionnelle et sociale.

Compte tenu de la détérioration de l’équilibre de notre balance commerciale il est urgent de restreindre les importations de biens de consommation de luxe et de produits futiles.

Nous devons penser à faire tourner les usines de notre propre pays avant de financer les industries des pays étrangers et d’enrichir des spéculateurs aux dépens de la communauté nationale.

Par contre les exportateurs doivent être soutenus de façon encore plus efficace même si le Cepex et la Cotunace s’activent déjà de façon remarquable.

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