"Nous n’irons plus au bois : les lauriers sont coupés" … affirme la chansonnette enfantine. Pour nous, au contraire, c’est le moment d’aller les voir : les lauriers sont des bouquets de fleurs d’un rose intense. Où aller ? Tout près, au pied du Jebel Ressas, au Mornag. Eventuellement, coupez votre promenade en faisant une halte dans une très belle maison d’hôtes : Dar Salima.
La promenade
L’itinéraire le plus simple comprend l’autoroute « sud » jusqu’à la déviation « Mornag ». On essaie de ne pas regarder le Bou Kornine éventré et on plonge littéralement entre les haies de grands cyprès qui bordent des champs magnifiques. Emprunter « l’ancienne route nationale » qui mène à Grombalia, vous évitera de contempler ce spectacle désolant mais vous aurez tous les désagréments de la circulation à la sortie de la Capitale.
Allez, à partir du village de Mornag, oubliez tout pour profiter de la nature. Soit vous traversez le bourg et vous empruntez la route menant à Bouficha, soit, avant d’entrer au Mornag, vous continuez tout droit, vous êtes en pleine campagne. Puis, ces deux routes vont se rejoindre pour vous mener à Grombalia.
Où sont les promenades ? Où vous voulez : très vite, vous longez les piémonts sud-ouest du Jebel Bou Kornine et vous passez dans le Khanguet El Hadjaj au pied des Jebels Srara et Zaïana qui sont couverts de forêts de pins principalement et de maquis méditerranéens piquants mais parfumés.
Très peu de maisons bordent la route et cela vous inquiète mais toutes les pistes agricoles qui prennent à gauche de la route et grimpent dans les collines offrent des occasions de promenades bucoliques, superbes. Allez un peu plus loin, vers le hameau de Khanguet El Hadjaj et vous sortez du défilé. A droite, un pont métallique « privé » permet de traverser l’autoroute : c’est un repère.
Un peu plus loin, à une centaine de mètres à gauche de la route, on aperçoit une magnifique ancienne ferme coloniale, transformée en école. Bordée de grands pins, la piste, qui y mène, s’ouvre un peu plus loin. Empruntez-là, puis, demandez l’autorisation de laisser là votre véhicule. Elle vous sera certainement accordée aimablement. Puis, allez vous promener autant que vous le désirez, sans plus aucune crainte. Les insectes bourdonnent sous les pins et les oiseaux chantent à perdre haleine : ils délimitent leur territoire et élèvent leur nichée.
Dar Salima
Où se reposer ? Nous vous avons proposé de venir à Dar Salima, une authentique maison traditionnelle, construite en pleine campagne, à proximité du village de Mornag. L’amabilité de l’accueil, le raffinement du décor, la magnificence du panorama bordé par le Jebel Ressas en font un lieu privilégié auquel un « hammam », en rez-de-chaussée, ajoute, si besoin était, une note d’authenticité.
Un calme bucolique enveloppe la demeure. La piscine, aux formes courbes, reflète l’azur. Les – très – grandes chambres, pouvant loger près d’une quinzaine de personnes, sont extrêmement confortables, intimes, modernes et très ouvertes sur la campagne environnante et le Ressas voisin.
Comme elles portent des noms mythiques : « Soleil », la plus grande, qui pourrait s’appeler « Apollon » tant elle est belle, « Jupiter », « Saturne », « Uranus », « Neptune » et « Venus », qui sont aussi les noms des planètes du système solaire, elles nous ont suggéré des idées, « farfelues », diront les gens « sérieux ».
On pourrait y aller un week-end de nouvelle lune : les 22 – 23 août prochains et organiser, entre amis, une « nuit des étoiles » somptueuse. On pourrait aussi, en prévenant les propriétaires, suffisamment tôt et en leur fournissant une traduction du livre de recettes « romaines », écrit par Apicius, cuisinier de l’Empereur Tibère, intitulé : « De re coquina », se voir offrir un « repas romain ». Le livre existe, les recettes sont tout à fait « faisables ». Madame Ladjimi Sebaï, historienne et archéologue, nous en a fait déguster quelques unes, récemment, à l’Accropolium de Carthage.
La nuit
Nous verrons la nuit s’avancer derrière le long manteau pourpré du soleil déclinant. Il s’étendra sur tout le flanc du Jebel Ressas, puis colorera seulement la cime découpée, tandis qu’il dorera tout l’horizon occidental. Les teintes lilas, fuchsia, fleur de pêcher, abricot : « coucher de soleil au Mornag » du ciel se mêleront lentement aux gris perle, cendré puis ardoise de la robe nocturne à laquelle s’accroche maintenant l’éclat de Venus, l’étoile du soir, la première.
La brise fraîche du soir descend des collines. Elle étend, sur la plaine, une ombre parfumée par tous les buissons du maquis. Les oiseaux se taisent, les chauves-souris entament leur ballet nocturne.
Au fur et à mesure que le bleu nuit monte de l’est, une, puis plusieurs, puis cent et mille étoiles scintillent tandis qu’un ourlet orangé souligne encore, à l’occident, la disparition du soleil. La lune, mince croissant doré, n’apparaitra que quelques minutes au-dessus de l’horizon.
Maintenant, vers 20h30, toute la voûte céleste assombrie est piquetée de myriades d’étoiles. Comme nous allons vers le jour le plus long : le solstice d’été, nous découvrons, à l’horizon sud-ouest des constellations de l’hémisphère sud : l’immense ligne brisée de l’Hydre qui rejoint la Coupe et le Corbeau puis vers le sud-est les constellations de la Balance et du Scorpion dans laquelle la super-géante rouge : Antarès étincelle. Son diamètre serait estimé à plus de 400 fois celui de notre soleil !
Dans la tiédeur de la nuit, montent les stridulations de milliers de grillons tapis sous les pierres voisines.
La « rotation » du ciel, dans le sens des aiguilles d’une montre va nous faire découvrir une bonne partie des signes du zodiaque. D’abord, tôt et très haut dans le ciel, à l’ouest, les étoiles Castor et Pollux des Gémeaux puis le « Y » du Cancer, ensuite Régulus, une belle étoile bleue, sur le plan de l’écliptique, appartenant au Lion. Presque au sud, Spica de la Vierge qui est déjà au-dessous de l’équateur céleste ainsi que tout le quadrilatère de la Balance et la totalité du Scorpion. Plus tard dans la nuit, les amateurs pourront découvrir, au sud-est, le Sagittaire, le Capricorne et, après minuit, le Verseau.
De temps en temps, les échos renvoient le grondement guerrier des explosions qui minent le Ressas voisin. Notre modernité a-t-elle besoin de détruire notre environnement ?
D’autres observateurs, « non-initiés », tranquillement, auront toute la nuit pour reconnaître : La Grande et la Petite Ourse avec l’Étoile polaire, puis tout le long de la Voie lactée, du nord au sud, le « W » de Cassiopée, la « Croix » du Cygne avec Deneb la plus au nord. A sa droite, scintille Véga de la Lyre tandis qu’a sa gauche, on découvre d’abord le Dauphin, puis Altaïr, la « tête » de l’aigle.
Parfois, au pied des buissons, s’allume la phosphorescence d’un vers luisant attirant sa femelle ailée.
À l’est, à gauche donc, de l’axe formé par l’Étoile polaire, Mizard la tête de la Grande Ourse et Spica de la Vierge, on verra une énorme étoile jaune : Arcturus, la sixième des plus brillantes du ciel dans la constellation du Bouvier, puis l’arc formé par la Couronne boréale enfin, avant la Lyre, Hercule et son amas d’étoiles.
À l’ouest, à droite de l’axe précédent, presque tout en haut du ciel, Capella la très grosse étoile du Cocher.
Les amateurs de mythologie se raconteront les légendes de Cassiopée reine mythique, d’Andromède prisonnière, livrée à un monstre marin mais délivrée par le prince Persée chevauchant son cheval ailé Pégase. Ce sont des constellations qu’on voit plutôt durant l’hiver et la nuit passera très vite.
Alix Martin