Des lacunes à combler

Avec le dernier acte terroriste au musée du Bardo, et l’anéantissement du plus dangereux groupe terroriste agissant sur le territoire tunisien, l’on s’attend avec impatience la promulgation de la loi anti-terroriste qui peine à voir le jour. Avec une certaine détermination politique d’en découdre enfin avec le relâchement des ex-gouvernements, le projet de loi antiterroriste essaye, tant bien que mal, de s’adapter aux normes des Droits de l’Homme et de se conformer à la Constitution. Il reste toutefois lacunaire à bien des égards pour donner une véritable loi qui dissuade les ennemis de passer à l’acte : une loi est faite pour donner à réfléchir à ceux qui tentent d’atteindre notre sécurité nationale.

Définitions importantes mais…

Nous n’allons pas revenir sur le projet de loi, mais nous allons cibler quelques aspects importants de cette loi qui doivent être repris, revus et corrigés. Ainsi, on retrouve les définitions suivantes dans ce projet : Groupe organisé, entente, criminalité transnationale, territoire national, un aéronef en vol, un aéronef en service, personnes jouissant d’une protection internationale, plate-forme fixe située sur le plateau continental, biens, gel, confiscation, matières nucléaires, installation nucléaire, matière radioactive, armes biologiques, chimiques ou nucléaires (armes BCN), personne morale. Puis le projet passe en revue les différentes formes de mesures juridiques prises à l’égard de crimes jugés terroristes en les prescrivant. Je pense que ces définitions préliminaires qui constituent le socle de la conception même de cette loi manquent affreusement d’autres définitions. Mais, d’abord, revenons sur ce préambule, exhaustif certes, les concepts étalés et définis dès le début, sont récurrents et paraissent transposés de lois étrangères. Il y a absence d’abord d’un concept clé qui est l’intégrité territoriale, puis de l’Etat national et surtout de la sécurité intérieure et extérieure. Ces concepts, sont à notre sens des mots-clés qui induisent une explication claire et les terroristes, en commettant leurs actes, portent certainement préjudice à ces notions fondamentales.

Dans ce préambule aussi, pourquoi trop insister sur l’aéronef et les armes nucléaires, alors que nous n’avons même pas une centrale nucléaire, ou un trafic d’uranium ou de plutonium connu ? Pourquoi ne pas adapter le préambule à des conceptions fondamentales qui collent à notre réalité aussi bien nationale, régionale et continentale ?

La définition la plus importante est absente : la notion de sécurité nationale

Une loi est promulguée dans le but de protéger une haute idée que l’on se fait de soi et du pays, cette notion est tout bonnement la sécurité nationale. Ce concept a des ramifications importantes dans tous les secteurs de la vie du pays et de la société et de l’économie. La loi antiterroriste, ou plutôt le projet de loi tente de nous préserver d’un danger qui est le terrorisme qu’il faut d’abord définir en tant qu’acte subversif visant à déstabiliser le pays. Secundo, la loi tente d’aboutir à un résultat qui est la sécurité ; or, la sécurité nationale demeure jusqu’à nos jours une conception floue, car elle est vue sous un angle purement sécuritaire. Et justement et dans la hâte, on assiste à un préambule dans ce projet qui s’étale sur des notions techniques mais qui occulte l’essentiel : la notion même de sécurité nationale. En effet, c’est à travers une conception claire avec ses ramifications étendues dans de nombreux domaines et secteurs, qu’on tente de protéger cette sécurité.

La notion d’atteinte à la sécurité nationale du pays, inclut une définition claire. L’espace humain et naturel rentre dans cette conception, les mosquées, les écoles, le littoral, l’approvisionnement en eau en électricité, les énergies, l’accès au réseau cybernétique mais et surtout le respect de l’entité de l’Etat et ses boucliers : police, garde nationale et armée. Le drapeau national, à maintes reprises bafoué, aurait dû être, dans le cadre de cette loi, rehaussé à sa juste valeur morale et symbolique.

Nous souhaitons que ces lacunes importantes doivent-être comblées au plus vite, car on définit bien les limites de notre sécurité nationale et ses symboles les plus emblématiques, nous pouvons ainsi définir d’une façon claire les actes terroristes en les qualifiant par ce terme.

Ce projet stipule entre autre que : Les dispositions du Code pénal, du Code des procédures pénales, du Code de la justice militaire ainsi que les textes spéciaux relatifs à certaines infractions et aux procédures y afférentes, sont applicables aux infractions concernées par la présente loi, sans préjudice des dispositions qui lui sont contraires.

Là aussi, le législateur reste évasif et ne définit pas clairement que les crimes qualifiés de terroristes doivent tomber exclusivement sous la coupe de cette loi, elle n’est guère exceptionnelle certes, mais au vu de la gravité des actes commis, c’est la loi antiterroriste qui prime, reléguant ainsi le code pénal aux oubliettes. Cette porte entr’ouverte offrirait la possibilité à mille et une interprétations.

Les remarques que nous venons d’expliciter ne sont que préliminaires, espérons que le débat au sein du parlement et l’intervention des spécialistes de tous bords tenteront d’apporter leurs grains afin que l’on puisse aboutir à un véritable texte de loi à promulguer au plus vite, mais dans le respect aussi bien des Droits de l’Homme que de ceux des victimes du terrorisme.

Fayçal CHERIF

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