Le problème du bouillonnant Moyen-Orient n’est pas l’entité sioniste seulement, mais plusieurs autres pays aussi, dont principalement quelques pays arabes. Avec le soutien des États-Unis, chacun de ces pays œuvre pour régner en maître dans la région. Partout où ils agissent, les pouvoirs en place ne sont motivés que par l’hostilité, un peu discrète, des uns envers les autres. Autre obsession étrange, la volonté de chaque pays d’imposer un «pouvoir médiatique». Manœuvre tactique visant à construire un lobby puis susciter des «fidélités» et les entretenir par tentations successives. Qui sortira vainqueur d’une querelle haineuse si confuse ? Ou plutôt qui ne paraîtra pas perdant? C’est vrai que cette situation désastreuse est propice aux traîtres, et que chacun d’eux se sent pousser des ailes avec la bénédiction et le soutien des capitales occidentales qui jouent le jeu de leurs intérêts, ayant mené à la normalisation avec la trahison. Depuis plusieurs années, ces pays semblent sortir de l’Histoire, de leurs peaux et de leur époque. Adonis, l’un des plus grands poètes modernistes de langue arabe a dénoncé, dans «Prophétie et pouvoir», cette dangereuse dérive. Car c’est là que les pouvoirs inféodés deviennent «sujets» de l’impuissance absolue. Plongés dans la tempête, ils sont gagnés par le doute. Ils savent que la confiance de leurs peuples est au plus bas. Comment s’étonner si, de déception en déception, la défiance envers les gouvernants devient endémique ? Ils savent, aussi, que les grandes puissances préfèrent les contourner pour préserver leurs intérêts. Et, de cette façon, ils sont punis par là où ils ont péché. Mais de tous les maux de ces pouvoirs, la soumission est toujours le pire.
À bien regarder les faits, les péripéties de la tragédie palestinienne, de la guerre civile au Soudan, de l’anarchie au Yémen et du terrorisme en Syrie se trament dramatiquement. Qu’on se rappelle également ce qui s’est passé au Liban et le rôle joué par plusieurs pays arabes dans l’embrasement de la guerre civile. Qui a frappé l’Irak dans la première guerre du Golfe, appuyé les envahisseurs et préparé le terrain avant l’assaut-éclair lancé sur Baghdad dans la deuxième guerre du Golfe ? Qui a occupé le Koweït et qui a menacé «l’ordre sécuritaire arabe» ? C’est l’Arabe, dans la guerre sauvage qu’il livre contre ses proches et ses frères. Seule certitude : cette nation est en guerre contre elle-même.
En tenant compte de cette situation, l’Occident a renforcé ses relations avec l’État sioniste. Cette alliance n’est pas à comprendre comme une réconciliation entre les deux religions juive et chrétienne, même si d’aucuns prêchent pour un éventuel retour du Christ, qui dépendrait du retour du peuple juif à la terre promise. En fait, aux États-Unis, bon nombre de chrétiens tiennent à considérer Israël comme un modèle américain en miniature, puisque les deux peuples ont institué leurs Etats sur la terre d’autrui, donc sur le viol et la violence.
Une telle tendance s’avère une forme d’humiliation à l’égard des pouvoirs arabes soumis, qui ne sont, en fin de compte, que les «trésoriers» de cette stratégie colonialiste. La consolidation de l’existence de l’entité sioniste au cœur du monde arabe vise à préserver les intérêts de l’Occident et accentuer la pression, par la force, par la dissuasion ou par l’intimidation, sur les pouvoirs arabes de la région. Ce qui risque de ne laisser aucune chance aux peuples arabes opprimés de penser à choisir leurs dirigeants ou d’aspirer à un développement durable et stable. En réalité, ce qui conduit l’Occident atlantiste à ce durcissement est sans aucun doute la peur d’une éventuelle renaissance du monde arabe qui pourrait libérer les peuples de ces «pouvoirs inféodés» et protéger leurs richesses spoliées.
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