Désarroi des sans-emploi

Durant dix ans, les nahdhaouis brandissent une appellation tout à fait inappropriée tant leur pratique évoque si peu la renaissance et provoque la déchéance. Ils mirent à leur profit le sabotage de l’économie déboussolée par l’hyertrophie de fonctionnaires conviés à ne rien faire. A propos de ces ronds-de-cuir, très durs à cuire, le CERES, déjà signalé, illustre, de manière exemplaire, ce procédé pervers.

Mais ce macabre linceul s’avère bien loin d’être le seul.

Interviewé le 24 septembre, Hamadi Ben Mrad, affecté à l’Eni, la compagnie pétrolière, cite quelques institutions « inutiles » : « Jadis rehaussée par la direction de Hichem Djaït, Beït al-Hikma, au nom prétentieux, dégénère après lui, au point d’offrir une tribune à Mechichi ».

La position prise par l’homme d’action pointe vers le plus ancien débat engagé entre économistes chevronnés. En l’an de grâce 1764, Adam Smith et François Quesnay dialoguaient. Pour le Français, au pays encore agraire, l’agriculture seule, serait productive, le reste a partie liée avec la « stérilité » nommée par Hamadi Ben Mrad « inutilité ».

Il incriminait les recrues accueillies à bras ouverts par les nahdhaouis au pouvoir tout au long de la décennie noire. Mais Smith, l’Ecossais, autrement dit l’Anglais, accède bien mieux à la postérité avec son fameux et classique ouvrage titré « La richesse des nations » où l’industrie manufacturière et les services, y compris livresques, ne seraient plus fourrés au paillon de l’inutilité.

La vision exposée par François Quesnay dans son livre titré « Tableau économique » demeure telle une curiosité académique.

Cependant, elle cligne vers la « stérilité » ou « l’inutilité » présumées des fonctionnaires engagés par les nahdhaouis à tort et à travers. Ces ouailles, superflues, consomment tant et plus.

Or, avec l’épargne et l’investissement, la consommation dresse l’un des trois piliers fondateurs de l’économie, fut-elle socialiste ou capitaliste. Ces légions de bouches inutiles au CERES ou à Toz Hikma consomment et donc fouettent le bataillon affecté à la production.

Toutefois, les spécificités sociales influencent le dédale des idées colportées, matin et soir, par les censés savoir. Ainsi, Habib Ayadi me dit : « Au début, je donnais quelque argent aux vendeurs de bricoles religieuses devant les mosquées, quand j’ai soupçonné le détournement au profit des sévices nahdhaouis, j’ai dit au vendeur qui insistait, non, merci, je ne suis pas disposé à financer les cerises consommées par les responsables de la crise ».

La fondation politique de la débâcle économique défraye la chronique et impulse une situation apte à provoquer les remises en question. Les nahdhaouis crient au coup d’Etat et Iyadh Ben Achour dénonce l’infraction commise eu égard au droit. Lors de son interview, Hamadi Ben Mrad ajoute un point de vue impromptu : « Comment faire une omelette sans casser des œufs ? »

Au cœur du gouffre financier, Dimassi préconise une diminution des fonctionnaires et une baisse des salaires. Taboubi, lui, recommande la formation d’un gouvernement apte à vite négocier avec les bailleurs de fonds. La déroute inspire maints experts fourvoyés à la recherche d’une « feuille de route ». Sur la même corde raide, les divers conseillers animent la galerie effarouchée par la discorde. Pour l’instant, nombre de ces trapézistes proposent monts et merveilles sans perdre de vue la piste orientée vers l’intérêt particulier. Le même interviewé Hamadi Ben Mrad avouait le caché : « Le ciel ne me tombera sur la tête que si l’on touche à ma retraite ».

Le roi de France recourait à la même balance : « Après moi, le déluge ». Tel ne fut pas le cas de Bourguiba quant à l’avenir des enjeux, des agents sociaux et des luttes. Même Menie Grégoire écrit : « C’est le temps qui donne raison ».

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