Plusieurs habitants de Kerkouene à Dar Allouche (Gouvernorat de Nabeul) ont lancé récemment un cri de détresse appelant les autorités compétentes à intervenir en urgence en vue de mettre fin au massacre écologique qui est en train de se produire à quelques kilomètres de la plage sauvage de la région au vu et au su de tout le monde. Cet endroit calme qui fut le paradis des oiseaux migrateurs et des espèces en voie de disparition s’est transformé du jour au lendemain en un chantier suite au lancement des travaux de construction d’une route traversant « Le Lac Tarfa ». Ce lac, qui avait abrité, au cours des dernières décennies des milliers de flamants roses qui parcouraient annuellement des milliers de kilomètres à la recherche de « la paix perdue ».
Selon les plaignants, ce projet n’était pas à l’ordre du jour de la troisième et dernière session ordinaire du conseil municipal de la commune de Dar Allouche, tenue le 28 juillet dernier à la salle des réunions du Palais de la Municipalité. (NDLR: Voir document 7) Selon eux, les travaux ont été entamés subitement sans le moindre préavis.
350 arbres abattus et les dernières dunes détruites
Face à ce qu’ils ont qualifié de « crime environnemental », plusieurs habitants de Kerkouene, dont essentiellement des propriétaires de lots de terrain adjacents à ladite route, ont exprimé leur colère et ont appelé à la suspension des travaux qui menacent non seulement l’écosystème mais également leur propriété privée (NDLR: Voir document 8). C’est du moins le cas pour la famille d’Abdelhamid Bel Haj Rhouma, propriétaire du bien immobilier « Nachwet el Bahr ». Contactée par Réalités Online, Dr. Jinene Bel Haj Rhouma, membre de la famille Bel Haj Rhouma, a affirmé avoir été brutalement agressée par des « bandits » suite à son intervention pour mettre fin aux travaux entamés sur les frontières du terrain familial. (NDLR: Voir Document 1)
Elle a indiqué que 350 arbres forestiers, plantés dans les années 60 par Abdelhamid Bel Haj Rhouma en accord avec les autorités pour lutter contre l’érosion, ont été abattus dans le cadre de ces travaux et les dunes de la plage ont disparu. (NDLR: Voir Document 4)
Dr. Jinene Bel Haj Rhouma a, dans ce contexte, dénoncé une notion flagrante d’impunité et d’injustice face à ces agressions commises en série à l’encontre de l‘environnement et de la propriété publique et privée. Elle a ajouté que cet acte résulte d’un abus de pouvoir flagrant et servirait les intérêts personnels du maire de Dar Allouche, Mehdi Cherif, et certains hommes d’affaires proches et amis.
Elle explique que contrairement à ce que laissait croire le Maire, la construction de cette route n’était pas étudiée au préalable et n’était pas non plus réclamée par les habitants de la région d’autant que d’autres circuits ruraux menant vers les côtes de Kerkouene étaient depuis toujours accessibles.
Une corniche illégale pour faire grimper la valeur des biens immobiliers possédés par le Maire et ses amis
Ces propos ont été confirmés par Hafedh Gabsi qui, en dépit de sa qualité de chef de la commission des travaux à la municipalité de Kerkouane, s’est vu complètement exclu des délibérations autour du projet de construction de cette route pour des raisons inexpliquées laissant libre cours à des interrogations quant aux motivations de ce projet. Hafedh Gabsi souligne, qu’en dépit du coût d’exécution forcément très élevé, ce projet n’a été évoqué ni de près ni de loin lors des réunions des conseillers municipaux et n’a jamais fait l’objet de débat au sein de la commission des travaux. Selon lui, la municipalité a agi comme si le projet relevait du privé.
Le conseiller municipal a noté, à maintes reprises lors de ses apparitions médiatiques, qu’aucune information concernant le financement de ce projet ni l’entrepreneur ou encore les matières premières n’a été communiquée jusque là. Idem pour les autorités de tutelle, à leur tête les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Equipement; aucun préavis n’a été adressé à ces départements les informant du démarrage des travaux de cette route dont les dimensions sont loin d’être celles d’un circuit rural (12 mètres de largeur). Cette route aurait été construite, selon le conseiller municipal, pour faire grimper la valeur des biens immobiliers possédés par le Maire de Dar Allouche et ses amis dans la région.
L’élu Imen Bettaieb dénonce des « pratiques mafieuses »
Ces faits ont été également évoqués par la députée Imen Bettaieb qui s’est adressée le 26 octobre dernier, en plénière, au ministre de l’Intérieur afin de lui faire part des pratiques qu’elle qualifie de « mafieuses » de certains responsables municipaux à Dar Allouche, à leur tête le Maire, Mehdi Cherif. Dans cette intervention, l’élue a évoqué les villas construites illégalement par le Maire et « ses amis » sur des terres agricoles, des soupçons de blanchiment d’argent les impliquant ainsi que l’appropriation de la propriété maritime publique.
« Le Maire et ses amis ont réalisé toute une corniche portant ainsi atteinte à la propriété maritime publique. La municipalité de Dar Allouche agit seule sans trace administrative et aucun document formel sur les activités de la municipalité n’est accessible. Ils ont agressé physiquement les personnes qui ont dénoncé ces pratiques mafieuses. Aucune décision n’a été prise jusque-là par votre ministère pour mettre fin à ces agissements en dépit des correspondances que je vous ai adressées personnellement à plusieurs reprises (NDLR: Voir Document 2). Il fallait restituer tout à l’état normal comme le stipule le rapport de la Direction des Forets et de l’Investissement Agricole. L’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) a, à son tour, adressé une correspondance au ministre de l’Agriculture (NDLR: Voir Document 5) l’appelant à intervenir mais est restée sans suite… » a-t-elle regretté.
Le Maire de Dar Allouche répond aux accusations
Contacté par Réalités Online, le Maire de Dar Allouche, a démenti catégoriquement les accusations de l’élue assurant que cette dernière sert les intérêts personnels de la famille Bel Haj Rhouma qui s’est appropriée illégalement un terrain de plus de 5 Ha relevant de la propriété maritime publique au vu et au su de tout le monde. Il a assuré que la construction de cette route a bel et bien été examinée et approuvée lors du conseil municipal exceptionnel tenu le 25 juin dernier et après consultation des habitants de la région.
Concernant le rapport émis par l’APAL, appelant à la suspension immédiate des travaux, (NDLR: Voir document 6) Mehdi Cherif a affirmé que les décisions de l’APAL n’engagent en rien les autorités locales tout en rappelant que la municipalité de Dar Allouche a bénéficié à deux reprises d’un non-lieu suite aux plaintes déposées par cette même structure.
« Nous sommes en train de construire des routes et d’améliorer l’infrastructure pour rendre plus agréables les conditions de vie des habitants de la région. La municipalité de Dar Allouche est classée parmi les meilleures municipalités de la Tunisie et nous avons, d’ailleurs, décroché plus qu’un prix à l’échelle nationale. La défense de l’environnement est loin d’être à l’origine du déclenchement de cette polémique. En effet, les conditions environnementales dans la région sont catastrophiques et personne n’en parle. En quoi le réaménagement d’une route qui existe depuis 60 ans pourrait impacter l’environnement? Les dunes, contrairement à ce laissent croire certains plaignants, n’ont pas été touchées. Elles existent toujours et sont situées à 2 kilomètres de la route en question, et c’est ce qui a été d’ailleurs confirmé par la brigade de recherche dépêchée sur les lieux suite à une plainte déposée à notre encontre. Idem pour l’histoire des 300 arbres qui ont été abattus; ces accusations sont mensongères et on cherche à induire en erreur l’opinion publique. »a-t-il affirmé.