Désindustrialisation systématique: Pourquoi et comment ?

De multiples signaux manifestes sont apparus ces dernières années pour attester de l’émergence d’un processus de désindustrialisation systématique du pays.
C’est ainsi que l’on constate la désertion de certaines zones industrielles comme celle d’Utique qui s’est dégradée faute de maintenance des infrastructures malgré la proximité de la capitale et l’existence de l’autoroute.
Il existe dans notre pays plusieurs zones industrielles aménagées depuis plusieurs années dans les régions intérieures du pays, mais peu ou non occupées du tout, faute d’investisseurs industriels.
Les zones industrielles Charguia I et II, en raison de leur site privilégié au cœur de la Capitale sont devenues au fil des années plutôt des zones d’activités commerciales et de bureaux, plutôt que des zones industrielles à proprement parler.
En effet, c’est là que prospèrent showroom, salles d’exposition et immeubles de bureau pour concessionnaires de voitures, matériaux de constructions, représentations commerciales et sièges de sociétés de grande distribution.
Au cours des dix dernières années, plus de 400 entreprises de confection industrielle ont fermé leurs portes, soit une perte de 40.000 emplois.
Il faut dire qu’il y a eu plusieurs centaines de faillites d’usines et de fermetures d’entreprises industrielles suite à des difficultés financières, à des pénuries de financement bancaires, mais aussi à des problèmes de fiabilité technique.
Alors que les investisseurs étrangers s’implantent dans notre pays pour produire avec une haute valeur ajoutée, les investisseurs tunisiens préfèrent investir dans la promotion immobilière, l’importation de produits de fantaisie et de luxe ou encore la grande distribution.
Quand on fait le total des investissements réalisés dans les centres commerciaux de luxe, qui vont de Carrefour à l’Ariana à travers Soukra, les Mall de Tunis en activité, les Mall de Sousse et Sfax en chantier et ceux en projet ailleurs, outre les hypermarchés en chantier, il y a de quoi avoir le tournis.
Mais aussi, cela aurait pu transformer les régions intérieures en usines prospères et créer aussi des centaines de milliers d’emplois.
Il n’y a pas de volonté politique évidente d’encourager les implantations industrielles par comparaison aux commerçants et autres corps de métier, alors que la tâche est autrement plus complexe et difficile, avec promotion de l’innovation prise en compte de la valeur ajoutée à apporter de la compétitivité des produits des difficultés de financement, des contraintes et mutations du marché.
Au contraire, on constate que les commerçants ont beaucoup de facilités pour importer toutes sortes de produits, même ceux fabriqués localement, que ce soit des produits de fantaisie, de luxe ou encore des articles vestimentaires et parfois inutiles, ce qui engendre une hémorragie en devises et creuse encore plus le déficit de la balance commerciale.
Les industriels ne bénéficient pas d’avantages particuliers, ni sur le plan fiscal ni sur les plans réglementaire, administratif ou douanier par rapport aux commerçants.
Le coût de plus en plus élevé de l’énergie et du transport à cause des monopoles accordés par l’Etat à certaines entreprises comme la STEG et la STAM, pénalise les industriels qui sont soumis aux mêmes taxes que les commerçants et ce, au niveau de la compétitivité.
Il est évident que l’Etat fait preuve de négligence et de laxisme lorsqu’il s’agit de voler au secours des grandes industries de base gérées par des entreprises publiques qui, pourtant, emploient des milliers de salariés et assument des responsabilités lourdes dans l’économie nationale depuis des décennies.
Il suffit de voir de près la situation inextricable dans laquelle se débat le sidérurgiste national El Fouladh, pour être persuadé de la défaillance de l’Etat alors qu’il devrait investir massivement pour recapitaliser la société et rénover l’outil de production tout en veillant à assainir les finances et à alléger l’effectif pléthorique des 1200 salariés.
La Société nationale de cellulose et de pâte à papier qui est adossée à toute une communauté de récolteurs d’alfa, est confrontée à un double défi : le transfert des deux usines polluantes du centre-ville mais aussi la rénovation de l’outil de production et la recapitalisation de l’entreprise.
La société tunisienne du sucre de Béja doit réaliser un ambitieux programme de mise à niveau grâce à l’aide de l’Etat, mais les crédits budgétaires ne semblent pas être débloqués.
L’Etat ne semble pas préoccupé par le développement industriel du pays ni au titre de l’investissement public ni par incitation des investisseurs privés.

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