Sous nos yeux, la tragédie du peuple palestinien, mise à nu par un génocide à Gaza, est un avertissement brutal sur la vitesse à laquelle les repères d’un ordre mondial et ses institutions peuvent se perdre dramatiquement et les systèmes politiques les plus démocratiques dans les pays «civilisés» peuvent se défaire. Cette fresque profondément tragique dit le nouveau degré de chaos qu’a atteint la situation dans un monde complètement déboussolé. Ce massacre a jeté sur toute la région un nuage de désarroi, donnant l’image d’un monde dominé par la paranoïa des grandes puissances et le non-sens des institutions internationales.
On connaît la complaisance, voire l’aveuglement de l’Occident envers Hitler et les Nazis avant 1939 et toute ressemblance avec l’actualité en Palestine occupée n’est pas forcément un hasard. On trouve beaucoup de similitudes dans les analyses des observateurs neutres sur ces deux événements majeurs de l’histoire contemporaine, même si les pouvoirs occidentaux vont toujours un peu plus loin dans une négation de cette vérité. Cette réfutation, soigneusement calculée, conduit, selon leur stratégie, à conserver le caractère purement spécifique de l’horreur nazie. L’ironie, l’un des seuls témoignages qui restent en abondance dans la «petite histoire» de la Deuxième Guerre mondiale, est que le coup fatal qui avait provoqué la chute des nazis n’est pas venu des Occidentaux qui avaient insisté, tout au long des années trente, pour leur témoigner mille égards, mais de ce fameux «Axe du mal» qu’ils continuent à diaboliser.
Inutile de disputailler, cette vérité s’impose à tous les Occidentaux. Ils peuvent certes gérer sa fatalité au gré de leurs intérêts. Malheureusement, ils n’ont pas retenu la leçon en commettant le même délit de complaisance envers Israël. Comment ne pas se sentir usé, scandalisé lorsque le soutien aveugle de l’Occident atlantiste aux crimes de guerre israéliens s’en prend à la justice et au droit international ? Même la Cour pénale internationale, censée juger les criminels de guerre, garde encore le silence absolu, alors que l’action de la force d’occupation israélienne d’imposer intentionnellement des conditions de vie dans la bande de gaza, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments pour entraîner la destruction d’une population, est la définition même de l’extermination telle qu’elle est établie par le statut de Rome, portant création de cette cour en 1998. À l’instar de plusieurs Institutions internationales, fondées théoriquement sur les valeurs humaines et la déclaration universelle des droits de l’homme, la Cour pénale internationale n’a jamais masqué ses desseins derrière une pseudo-neutralité. Elle a donné l’image calamiteuse d’une institution servante et maîtresse, incapable de résister à l’inclination politique d’un ordre mondial agressif et injuste envers les peuples opprimés. Il faut reconnaître que ce genre d’institutions, lorsqu’elles s’offrent une échappée dans le tumulte de la politique et des intérêts, ratent généralement leur crédibilité, ce qui donne souvent des mascarades scandaleuses. Car il est question de respecter le droit international, de se conformer à ses règles et de ne pas permettre l’impunité, à supposer que ces règles soient claires, ce à quoi devraient s’atteler toutes les institutions internationales.
Ce qui me frappe comme observateur, c’est la renonciation à ce qui est non seulement leu rôle, leur prestige, leur neutralité, leur honneur, mais aussi à ce qui est essentiellement la raison de leur existence dans un ordre mondial établi pour combattre l’injustice et lutter contre les crimes de guerre.
Pour comprendre profondément la folie meurtrière de l’Occident atlantiste et la dérive dangereuse de son ordre mondial je vous propose de lire attentivement le livre de l’historien américain Edward Watts, « Mortal Republic : how Rome fell into Tyranny» ( République mortelle : comment Rome est tombée dans la tyrannie), car l’histoire doit contribuer à assagir notre rapport au passé, à lui restituer toutes ses leçons.
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