À l’approche des élections municipales, prévues pour le 17 décembre 2017, chaque parti politique s’active à sa façon : il y a ceux qui se disent prêts à entamer l’échéance électorale et ceux qui appellent à son report. Néanmoins, la totalité des acteurs politiques daignent oublier une question qui n’en demeure pas moins vitale : ont-ils remboursé l’argent qu’ils doivent à l’État depuis les trois derniers scrutins – la Constituante de 2011, les présidentielles de 2014 et les législatives de 2014 – ?
Il est d’usage que l’État subventionne les campagnes électorales des partis politiques. Seuls les partis perdants, ayant remporté un nombre de voix en-deçà du seuil légal, sont appelés à rembourser l’État. Mais à l’heure actuelle, du moins selon les informations disponibles, aucun partis n’a réglé ses dettes auprès de l’État. En mars dernier, Mehdi Ben Gharbia, ministre reconduit des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des Droits de l’Homme, soulignait que les partis politiques devaient 105 millions de dinars à l’État. Le ministre nous a également parlé d’un projet de loi relatif à cette délicate question qui devrait être élaboré, dans l’objectif de garantir la transparence dans la gestion des finances des partis politiques, mais plus un seul mot la-dessus ces derniers mois. Il convient de rappeler que le montant avancé par le ministre surpasse, de loin, celui qui avait été évoqué par I Watch un mois plus tôt – février 2017 – : 5 millions de dinars.
Qui croire dans cette guerre des chiffres ?
Que cherche-t-on à cacher ?
La question du remboursement de l’État nous amène inévitablement à nous en poser une autre, toute aussi capitale : d’où vient l’argent des partis politiques ? Force est de constater l’obstination de certains partis qui refusent toujours de faire la moindre allusion à la source de leurs revenus. En janvier 2017, I Watch a fait savoir qu’une grande partie des acteurs politiques représentés à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) n’a toujours pas présenté ses rapports financiers, Ennahdha la première, suivie de l’Union Patriotique Libre (UPL) – qui en pleine tourmente judiciaire d’ailleurs sur la question de ses biens -. D’autres partis font partie de cette liste : Al Massar, le mouvement Acchab, Al Jomhouri, Al Takattol, le courant Al Mahaba, le mouvement Waf, le Courant populaire, le parti Unifié Patriotique démocratique ou encore le très controversé Attahrir.
Le point d’interrogation Ennahdha
La dernière déclaration de Nidaa Tounes date de 2014. Afek fait un peu mieux : 2015. Mais de nombreuses interrogations planent sur le pourquoi de ce silence radio sur les questions du remboursement de campagne et des sources de revenus des partis politiques. Ennahdha aurait de quoi s’inquiéter, si l’on se fie aux rumeurs qui ont circulé sur les opérations de blanchiment d’argent dans lesquelles le mouvement serait impliqué. L’affaire a été reprise en juillet dernier par Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre. Elle a appelé à l’ouverture d’une enquête sur les financements étrangers d’Ennahdha par le Qatar. Le parti de Rached Ghannouchi a également été dans le viseur des acteurs de la société civile, à l’instar de Moez Joudi, président de l’Association tunisienne de Gouvernance qui a critiqué la proposition du leader islamiste portant sur les Awqafs. Il ne s’agit que d’une manière, selon lui, d’encourager le blanchiment d’argent.
Dernier élément sur lequel il convient de mettre la lumière : en juin dernier, le gouvernement a lancé un ultimatum aux associations pour livrer leurs rapports financiers. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
En somme, tant d’interrogations qui restent encore sans réponse, face à l’omerta des partis politiques et à l’immobilisme des autorités. Il est question, rappelons-le, de l’argent du contribuable qui a tant de mal à joindre les deux bouts et qui va devoir faire face à une année 2018 plus dure que toutes celles qui ont précédé… Depuis 2011.
Fakhri Khlissa