Les deux défis majeurs qui nous attendent dès cet été et durant les années qui viennent, vous les avez certes, devinés, ce sont la qualité et la régularité de notre alimentation en eau potable, mais aussi le volume d’eau d’irrigation nécessaire et suffisant aux périmètres publics pour assurer notre sécurité alimentaire ainsi que la connexion permanente et le coût supportable de l’énergie électrique.
En effet, les coupures d’eau rares ces dernières années ont tendance à se multiplier cet été chez la SONEDE tandis que la STEG redoute les mêmes coupures à cause des pics redoutés de consommation d’énergie électrique.
Les augmentations de prix de l’électricité au début de cette année ainsi que celles des carburants au début de ce mois ont annoncé la couleur.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là alors qu’il y a dix ans le spectre de la pénurie d’eau ou de l’insuffisance des ressources énergétiques n’étaient pas envisagés ?
De multiples défaillances se sont accumulées durant des décennies pour aboutir à cette impasse. Il faut dire que l’instabilité sociopolitique depuis le soulèvement démocratique du 14 janvier 2011 ont précipité les “choses”.
L’Etat a une défaillance de vision et un manque de stratégie en matière de mise en application de politiques publiques constantes en la matière à long terme, avec des objectifs précis et des étapes à réaliser conformément à un calendrier arrêté à l’avance.
Par exemple la mise en chantier d’une centrale électrique de 20 mégawatts tous les deux ans s’impose en raison de la croissance de notre consommation électrique or cela n’est pas respecté. On parle de Radès III depuis cinq ans, or le projet est encore sur papier à ce jour. Le réchauffement climatique y est pour quelque chose en matière de progression de la sécheresse et de désertification croissante de nos terres agricoles à partir du Sud avec remontée vers le Centre et le Nord.
Mais le comportement du Tunisien n’est pas innocent : surpâturage, déforestation, pire que cela il y a des retards pris par plusieurs chantiers relatifs à la création de nouvelles ressources hydrauliques : construction de barrages, transfert des eaux du Nord vers le Cap Bon et le Sahel, réalisation de forages profonds, construction de stations de dessalement.
En matière d’aménagements hydrauliques, il y a eu et il y a encore des erreurs graves qui ont engendré l’envasement prématuré des lacs-réservoirs et donc la régression drastique de la capacité de stockage de ces barrages à cause du non-traitement des bassins-versants en banquettes dites DRS ou CES (Défense et restauration ou Conservation des eaux et des sols) qui auraient empêché l’érosion et donc l’envasement les bassins des barrages.
C’est le cas du barrage du Mellègue qui a été envasé, il est devenu obsolète et doit être remplacé par un nouveau barrage à l’amont à construire : le haut Mellègue. Un gâchis vu le coût exorbitant et cet ouvrage. Il y a eu souvent des erreurs en matière de gestion des stocks en eaux contenus dans les barrages,-réservoirs en période de pluies diluviennes et de menaces de débordements des barrages avec risques d’inondations des zones aval à cause des oueds en crues. En effet comment expliquer que nous ayons souffert de pénurie d’eau durant l’été 2016 tandis qu’une année auparavant, pendant l’hiver 2015, il y a eu des inondations catastrophiques avec d’énormes quantités d’eau délestées par les barrages.
Alors que notre infrastructure de barrages est censée être suffisante pour réguler l’irrégularité des pluies durant deux années de sécheresse consécutives ?
En effet, les eaux qui s’écoulent finalement en mer sont considérées dans un pays souffrant de stress hydrique tel que le notre comme une perte sèche si l’on peut dire pour notre patrimoine hydraulique !
Le défaut de maintenance préventive relative à la rénovation du réseau de distribution aussi bien pour l’eau potable (Sonede) que pour l’électricité (STEG) a engendré une vétuste prématurée des installations avec des pertes énormes et donc non seulement un coût élevé pour la rénovation mais aussi des dysfonctionnements graves. L’électricité est une énergie noble et coûteuse, nous devons non seulement l’économiser mais aussi la réserver pour des utilisations spécifiques.
Exemple : utiliser l’électricité pour se chauffer ou encore faire la cuisine est une aberration alors qu’il y a des énergies primaires pour cela comme le gaz, le pétrole ou le bois qui sont moins coûteuses.
L’électricité doit être réservée pour faire tourner des machines.
Les abus, en termes de gaspillage d’électricité, dus en partie à la climatisation, que ce soit dans les locaux administratifs, les entreprises économiques ou les logements sont multiples et ahurissants. En effet, combien de bureaux inoccupés et de chambres désertes alors que leurs climatiseurs continuent à fonctionner à plein rendement et en pure perte ? Nous n’avons aucune culture de la rationalisation de la consommation de l’eau potable, que ce soit dans l’agriculture, les logements ou encore les établissements publics et le tourisme-hôtellerie.
En effet, les paysans continuent à utiliser les Séguias en terre pour acheminer l’eau vers les cultures de légumes et les arbres fruitiers irrigués par “planches”, ce qui engendre des pertes énormes par infiltrations, et ce, malgré les progrès de l’arrosage par aspersion et le goutte à goutte qui demeurent coûteux au niveau de l’investissement.
Il est contre performant d’irriguer au cours de la journée alors que le soleil est de plomb et la chaleur suffocante : l’irrigation est beaucoup plus efficace avant le lever et après le coucher du soleil et aussi moins coûteuse.
Malgré les coupures d’eau et le prix de plus en plus élevé de l’eau potable, les ménages continuent à arroser le gazon de leurs jardins en plein été, à laver les voitures à grande eau, à remplir souvent les piscines privées plus exploitées, à ne pas recycler l’eau de rinçage du lavage de linge ou de la vaisselle…
Les eaux de pluie ne sont pas recueillies sur les toitures et stockées pour être utilisées dans divers usages domestiques.
Denrées rares et coûteuses, l’eau et l’énergie doivent être consommées avec parcimonie, non gaspillées et dilapidées.
Nous devons apprendre à les mériter, à mieux les mobiliser, à les répartir de façon équitable entre tous, grâce à notre productivité, notre attachement à la patrie et à notre sens du devoir et de la justice.