» J’étais devant un box de change d’une banque, parmi les plus performantes en Tunisie, située dans un quartier assez fréquenté non seulement par des tunisiens mais surtout par des Libyens, des Algériens, des Mauritaniens et des subsahariens qui choisissent, généralement, ce quartier pour son animation. J’attendais son ouverture pour échanger des euros en dinars tunisiens, quand tout à coup, je me suis trouvée encerclée par trois individus qui, semble-t-il, voulaient se substituer à la banque.
J’ai nié avoir de l’argent à changer mais en vain ils ne m’ont pas cru. Un par un, ils revenaient vers moi pour m’offrir leurs services, en me montrant qu’ils avaient réellement des dollars et des euros et que je pouvais changer auprès d’eux n’importe quelle somme. J’étais choquée du fait que de tels individus pouvaient pratiquer cette activité, marché noir de devises, juste devant un box de change bancaire, sous les caméras de surveillance, en plein jour sans être inquiétés, sans aucune gène.
En raison de leur insistance, je suis entrée à l’intérieur de la banque et j’ai demandé à un agent présent si la banque avait pris des mesures ou contacté les autorités concernées pour arrêter ces individus qui encouragent les citoyens et les touristes, algériens et libyens, à commettre des crimes économiques.
A ma grande surprise, les banquiers n’étaient pas du tout étonnés et étaient au fait de ce qui se passe devant leur lieu de travail. »
C’est là l’histoire telle que vécue par une citoyenne qui s’est confiée à Réalités Online.
Contactés, les banquiers nous ont affirmé qu’ils ont fait des dizaines de réclamations, qu’ils ont appelé le ministère de l’Intérieur, le ministère des Finances…pas de réponse en retour.
« Tout le monde connait les fiefs du marché parallèle des devises mais personne ne réagit ni n’agit. Ils sont tout juste devant nos box de change. Ils défient l’Etat sans aucune crainte de qui que ce soit.
Il est vrai que nos entrées en devises sont très limitées mais en même temps, il y a des personnes qui arrivent à changer n’importe quelle somme au marché noir », nous déclarent-ils sous couvert de l’anonymat.
Cela nous ramène à rappeler qu’au sud du pays, ils ont pignon sur rue et leurs propres « bureaux de change ». Tout le monde est au parfum, autorités régionales, agents sécuritaires et de la douane… mais personne ne lève le petit doigt.
Au port de France à Tunis, on ne peut faire un pas sans entendre le mot de passe « change, change ». A Moncef Bey, ce sont les boutiques qui se consacrent beaucoup plus aux opérations de change qu’à la vente de leurs produits de contrebande.
Du côté de nos banquiers, ils considèrent que « si on veut vraiment éradiquer ce fléau, nous pouvons le faire. Il est juste devant nos portes. Mais, il semble que personne n’arrive à les arrêter, » explique l’un d’eux à Réalités Online.
Des sources dignes de foi, nous ont affirmé que des jeunes hommes et même des élèves ayant quitté tôt les bancs de l’école, sont « recrutés » spécialement pour le change de devises et mobilisés dans des quartiers précis, fréquentés surtout par des étrangers.
Certains parmi eux, ont fait, en peu de temps, fortune.
Entretemps, la BCT voit ses réserves se réduire comme peau de chagrin.
A bon entendeur..
Wejden Jlassi