Des mouvements de protestation, une grève qui a bloqué l’essentiel des services publics et privés à Ben Guerdane, des heurts entre policiers et manifestants qui ont fait un mort. La crise est loin d’être résolue. Les tensions persistent dans le Sud.
Après Dhehiba, c’est maintenant au tour du poste frontalier de Ras Jedir de connaître les mêmes troubles.
«Il y a le conflit et les dessous de ce conflit, ce grabuge profite aux contrebandiers … C’est plus facile de faire passer les marchandises quand rien ne va. Pour eux, il ne faut pas rétablir l’ordre … C’est aussi un conflit politique et puis il y a des revendications sociales … ça englobe beaucoup de choses et il faut une solution radicale qui puisse prendre en considération tous les paramètres de ce conflit » nous dit un activiste originaire de Médenine sans vouloir entrer dans les détails … «je ne veux pas parler politique, c’est pas mon rôle»
A Ras Jedir, lundi 16 février, les routes sont bloquées, les camions transportant des marchandises sont stationnés depuis six jours, les routiers sont dans un grand état de fatigue, ils dorment sur place par ce froid. Les voitures libyennes qui souhaitent quitter le territoire tunisien peuvent passer. En sens inverse c’est difficile.
Mongi Slim, président du croissant rouge à Médenine témoigne «Il n’y a pas de dégât constaté sur le plan humanitaire, mais la situation est très tendue. Des tentes sont érigées pour bloquer la route. Entre Ben Guerdane et Ras Jedis, il y a près d’une centaine de camions bloqués. Du côté libyen les files d’attentes sont de plus en plus longues. Au moins trois kilomètres ce matin. Ils sont là dans l’espoir que le flux reprenne. La file est devenue encore plus longue après la mort des vingt et un égyptiens en Libye.»
Un commerce paralysé
Les grévistes réclament notamment le rétablissement de l’activité commerciale entre la Tunisie et la Libye ainsi que la suppression de la taxe de sortie imposée aux ressortissants libyens. Une décision qui a suscité des contre-mesures de la part des autorités libyenne. La suppression de la taxe est encore à l’étude. Il s’agit d’une mesure qui a été instaurée par la loi de Finances 2014 dans son article 36. Une taxe qui vise à renforcer la recette fiscale de l’état.
On sait que le budget est à court de moyens et de ressources internes. Il est important de rappeler que cette mesure est entrée en application depuis août 2014, il y a eu des incidents avec des touristes algériens qui ont refusé de payer la taxe. A l’époque, la ministre du Tourisme a dispensé les ressortissants algériens de payer cette taxe.
Aujourd’hui, le Président de la République Béji Caïd Essebsi a proposé que tous les ressortissants des pays du Maghreb soient dispensés de cette taxe. C’est lorsque la partie libyenne a, elle aussi, imposé une taxe que les mouvements de protestation ont commencé. « C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Les échanges commerciaux entre les deux pays, ce sont eux qui font vivre la région du Sud. Personnellement, je passe plusieurs fois par jour par cette frontière … Imaginez toutes les taxes que je dois payer ! ». Une taxe qui, pourtant, n’est pas d’un apport très important pour le budget de l’Etat.
Mohamed Hamadi Jaraya, Président de l’Observatoire Tunisie Progress a declaré : « L’intérêt général et sécuritaire devra primer sur l’intérêt fiscal cette fois ».
La zone de libre échange est-elle alors la solution « Elle pourrait l’être, mais ce n’est pas non plus une solution radicale. Il faut commencer d’abord par débloquer les projets déjà accordés. Il faut savoir quelles sont les causes qui ont ralenti ces projets, trouver des solutions et aller de l’avant. Il faudra ensuite instaurer un nouveau modèle économique puisque nous continuons à vivre avec un modèle des années soixante dix qui est arrivé à ses limites. L’idée serait de changer un peu la répartition de la carte économique de la Tunisie. Il faut la diviser en pôles économiques et non en Nord/Sud, est/Ouest … Il faut faire la joncture entre les zones côtières et les zones de l’intérieur. C’est une expérience qui a fait ses preuves en France par exemple. »
En visite à Dhehiba, Ben Guerdane et Médenine avec la délégation officielle, Yacine Brahim, ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale est resté sur place pendant deux jours.
« On a profité de cette visite évidemment pour écouter d’autres préoccupations et d’autres sujets qui peuvent avoir un impact dans le cadre de la préparation de la loi de Finances complémentaire pour 2015. On va essayer de se limiter à quatre priorités au maximum, parce qu’on ne peut pas tout remettre en cause sinon on enclenchera un processus qui retardera tous les projets déjà en cours. La priorité sera justement l’accélération et la réalisation de ces projets. Quant au problème de la redevance, le changement ou l’annulation ne doit pas s’effectuer d’un seul côté. On doit voir en terme diplomatique comment trouver une solution avec nos frères libyens ».
Le ministère des Affaires étrangères lui, se situe à égale distance de toutes les parties libyennes et refuse de s’immiscer dans les affaires « internes » du pays.
En attendant, il faut savoir raison garder, car les développements de la situation en Libye sont plus qu’inquiétants. Il est temps, pour tout le monde, de reprendre ses esprits et de penser à la seule sécurité du pays.
Yasmine Hajri